dimanche 8 juin 2008

Le Pavillon aux Pivoines (II)

De ma place je surplombe l’orchestre et, à l’entr’acte, je tente de faire correspondre les instruments de musique que j’aperçois, avec leurs noms inscrits sur le programme : Sheng Mouth Organ, Suona Horn, Pipa, Dulcimer, Bianzhong, Gaohu, Erhu, Zhongzu et... Noix de coco ! Autant vous dire que c’est peine perdue, et je préfère prêter une oreille indiscrète à la conversation de ma voisine. Elle n’en finit pas de raconter avec moult détails, l’histoire qu’elle claironnait déjà la veille : elle va bientôt se rendre en Chine où elle a eu la chance, lors d’un précédent voyage, d’assister au sévère entraînement des chanteurs d’opéra.
C’est alors que plus bas, je vois cette femme aux cheveux orange qui était assise près de moi vendredi soir. Elle et son compagnon s’étaient endormis, comme par enchantement, dès les premières mesures! Quel beau gâchis ! Ils étaient plongés dans un sommeil si profond, que ni les chanteurs qui s’égosillaient, ni les vibrants coups de cymbales, n’avaient pu le troubler. Cette fois-ci, les voilà installés à l'une des meilleures places. Et qui vois-je devant eux ? un cinéphile pur et dur que je rencontre souvent au British Film Institute. Tout un poème celui-là: à la cinémathèque, quand vous le voyez arriver avec sa roue de bicyclette en bandoulière, vous pouvez régler vos montres - le film commencera exactement 5 minutes après cette arrivée intempestive ! Il s’asseoit invariablement, malgré sa haute taille, au beau milieu du premier rang. Et gare à celui qui s'est malencontreusement assis à sa place ! Hier soir, nos deux compères étaient installés derrière lui qui n’avait pas dérogé à ses habitudes, et la petite dame agitée aux cheveux orange s’est mise à lui taper sur l’épaule, mais comme elle était muette... je vous laisse imaginer la scène, avec notre cinéphile irascible et intraitable refusant de bouger de SA place de choix ! Quel pandæmonium ! Ça commence à sentir le souffre et il est temps que l’opéra commence !
Mais nous ne faisons que quitter la Capitale des Enfers de Milton pour retrouver le Di Yu chinois et ses supplices raffinés. Notre belle Du Liniang, n’ayant commis que le seul crime de rêver, est libérée par le magnanime Hu, ci-devant Juge des Enfers. Liu Mengmei, lui, est emporté comme un fétu de paille dans une tempête de neige. Epuisé et malade, il s’écroule sur le sol. Passe Chen Zuiliang, l’ancien professeur de Du Liniang, qui lui propose de se reposer dans le Temple des Pruniers en Fleurs tout proche. Convalescent, il a enfin la force d’explorer le jardin abandonné depuis 3 ans. Il retrouve l’autoportrait sous le rocher, reconnaît la jeune fille dont il avait rêvé, et tombe amoureux de cette image. Peu après, l’âme errante de Du Liniang arrive dans le jardin, entend Liu Mengmei appeler son nom, et lui propose de partager sa couche. Devant les soupçons de la grande prêtresse du temple, Du Liniang révèle sa véritable identité à Liu Mengmei. D’abord effrayé par ce fantôme, il se laisser persuader d’ouvrir la tombe sous le prunier. L’âme errante rejoint son corps légitime. Le rideau retombe sur le mariage des deux tourtereaux.

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