jeudi 12 juin 2008

Paris (II) - Toucher, sentir, voir, goûter, entendre : exister

La couleur argent d’un exquis macaron à la fleur de jasmin, moelleux et fondant
un thé glacé à la menthe et du café noir brûlant
la poussière que soulèvent les enfants turbulents du square Antoine Vollon, leurs hurlements de joie à la sortie de l’école
les fontaines rafraîchissantes du Palais Royal, les Amours grassouillets couverts de duvet de pigeon, les chandeliers éteints de la Comédie-Française
le brouhaha de l’ancienne salle de lecture, Bibliothèque Nationale de France, où une centaine de femmes récitent, chantent, pleurent, crient, ou murmurent le même texte
la voix de stentor de l’irritante guide, qui se contente de lire les légendes des Daumier
celles de Jean-Louis Murat et de Jeanne Moreau, un rien décalées, qui nous font frissonner
les bijoux et les carnets bariolés d’une petite boutique originale, la voix pointue de sa propriétaire légèrement prétentieuse
la nôtre qui répète, pour ne pas les oublier, des mots évocateurs tels que piriforme, saute-ruisseau, Ratapoil et le « Pourquoi renoncer à ce qui était préférable ? » de l’actrice au timbre rauque et sensuel
les reflets des verres de lampe émeraude et ceux qui dansent sur la feuille qu’elle tient devant elle
le marron vieilli, strié, des pupitres de bois, les étagères vides et poussiéreuses, leurs étiquettes inutiles qui rendent nostalgique
les ors fanés, les bronzes dépolis, les fresques champêtres, les lucarnes qui les éclairent
le passage d’un nuage qui assombrit de temps à autre la salle
le noir et blanc des colonnes Buren
les murs décrépis des colonnades, les inscriptions gravées dans le grès qui rappellent chacune une histoire tragique
l’or étincelant de la façade de l’Opéra
l’encre décolorée de la signature de Victor Hugo
le papier doux et glissant des recueils de poésies chinoises
un restaurant animé à l’endroit funeste où Henri IV poussa son dernier soupir
le roulement de la rame de métro qui s’approche et le cliquetis d’une clé qui tourne dans une serrure de retour au bercail

2 commentaires:

Gwen a dit…

C'est beau, ça : "pourquoi renoncer à ce qui était préférable ?"
Agnès, c'est drôle d'imaginer que, il n'y a pas si longtemps, tu n'avais pas d'appareil photo !
Belles promenades qui donnent des envies en pagaille !

Agnès a dit…

Tu peux imaginer la voix de Jeanne Moreau le prononcer... Tu verras bientot une photo que j'ai prise en pensant a toi... suspense! J'ai envie de repartir illico a Paris. Pour la photo, oui, c'est vrai! Maintenant je clique et je claque tout ce qui bouge et que je trouve beau ou photogenique. J'ai appris mon art dans un restaurant de tofu d'Ebisu, tu te rappelles?