vendredi 13 juin 2008

Conseils du Parnasse

Âme rieuse que je vis passer sans hâte
Sous ce balcon azuré où la gloire un jour me plaça,
Permettez qu’une pauvre statue un peu ne gâte
Votre plaisir d’écrire, et votre enthousiasme ne glaça.
De mon Art Poétique, suivez les conseils,
De mon Olympe d’éther je vous apporte mon appui.
Comme les Muses d’antan la couronne vermeille
Vous ceindrez bientôt... si vous commencez aujourd’hui!

C'est en vain qu'au Parnasse un téméraire auteur
Pense de l'art des vers atteindre la hauteur.
S'il ne sent point du Ciel l'influence secrète,
Si son astre en naissant ne l'a formé poète,
Dans son génie étroit il est toujours captif ;
Pour lui Phébus est sourd, et Pégase est rétif.

Un auteur quelquefois, trop plein de son objet,
Jamais sans l'épuiser n'abandonne un sujet.
S'il rencontre un palais, il m'en dépeint la face ;
Il me promène après de terrasse en terrasse ;
Ici s'offre un perron ; là règne un corridor ;
Là ce balcon s'enferme en un balustre d'or.
Il compte des plafonds les ronds et les ovales ;
« Ce ne sont que festons, ce ne sont qu'astragales. »
Je saute vingt feuillets pour en trouver la fin,
Et je me sauve à peine au travers du jardin.
Fuyez de ces auteurs l'abondance stérile,
Et ne vous chargez point d'un détail inutile.
Tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant ;
L'esprit rassasié le rejette à l'instant.
Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire.


Chantez Flore, les champs, Pomone, les vergers ;
Au combat de la flûte animez deux bergers ;
Des plaisirs de l'amour vantez la douce amorce ;
Changez Narcisse en fleur, couvrez Daphné d'écorce.

Il n'est point de serpent, ni de monstre odieux,
Qui, par l'art imité, ne puisse plaire aux yeux ;
D'un pinceau délicat l'artifice agréable
Du plus affreux objet fait un objet aimable.

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