mercredi 31 décembre 2008

Bonne année 2009 !

Et re-voilà une autre année ! Qu’elle vous apporte tous les bonheurs que vous méritez. Il y a une chose qu’il faut se souhaiter, même avant la santé, c’est la bonne humeur ! Prions le ciel qu’il nous l’accorde.
Gustave Flaubert à Léonie Brainne
30 décembre 1878

dimanche 14 décembre 2008

Jour J


Sur la plage de Zushi :

- Je rentre à Tokyo!
- Tu vas faire quoi là-bas ? Ce coin poussiéreux n’est pas fait pour les humains !

Bon à rien de Kijû Yoshida (1960)

Voilà, le jour tant attendu a fini par arriver.
Rien de mieux que la perspective d’un long voyage pour mesurer l’amour que l’on porte à sa ville et à une poignée de ses habitants en particulier. Et il est grand. J’ai de la peine à quitter mes amis, tout en sachant que je vais leur écrire, ce qui me soulage un peu. Des fois je me demande si je ne m’éloigne pas de Londres simplement pour me donner le prétexte d’écrire des lettres.
Jusqu’au dernier moment j’ai hésité sur les livres que j’emmènerai avec moi : Proust (Combray) et Flaubert (Correspondance), on ne saurait rêver meilleurs compagnons de voyage. Proust dans la valise, dans la soute à bagages. Flaubert dans la poche, à portée de main, pour aider à supporter la douane, la salle d’attente, le décollage... Il me faudra attendre encore quelques minutes avant que l’écran devant moi ne fonctionne et que je puisse visionner film sur film jusqu’à Tokyo. La lecture de quelques lettres de Flaubert me sera d’un grand secours.

samedi 13 décembre 2008

Course contre la montre

Hier j’avais oublié ma montre. De tous les actes manqués, c’est celui dont je suis la plus coutumière, quand mon corps et ma tête tirent le signal d’alarme. Quand je constate son absence à mon poignet droit – quand j’étais gamine j’étais amoureuse de Robert Redford... et il met sa montre au poignet droit... - c’est toujours quand s’ouvre devant moi une journée jalonnée de rendez-vous – même s’ils sont des plus agréables comme c’était le cas hier - que je ne peux reporter, dont l’horaire a été mesuré au cordeau, et qui ne pourraient souffrir d’aucun retard si je ne veux pas que tout – ma vie, carrément, et mon amour-propre - s’écroule comme dans un jeu de dominos !
J’adore organiser ce genre de journée, où je m’agite jusqu’à la limite de l’épuisement. Où je remets mon sort et ma santé mentale dans les volants et les roues de ces chers bus londoniens – c’est un peu comme compter sur son pire ennemi... – et où je teste ma ponctualité légendaire jusqu’à ses derniers retranchements. Peut-être pour décupler le plaisir que j’ai de me retrouver ensuite seule, à savourer les événements de la journée.
J’avais déjà pris, et ce, dès potron-minet, 30 minutes de retard sur l’horaire prévu... mais j’étais d’une indolence... j’ai du retarder mon premier rendez-vous, et puis le retarder encore...
S. ne m’en a pas tenu gré. Discuter sous tous ses angles de cinéma allemand ancien et moderne, d’exploits héroïques, de pics enneigés – il faisait un froid de canard hier -, d’alpinistes chevronnés et de propagande nazie, m’a fait le plus grand bien.
Mais, déjà, sur les chapeaux de roue, je repartais vers mon restau chinois préféré avec mes 30 minutes de retard qui me houspillaient. Mais notre déjeuner à J. et moi a été des plus zen et des plus doux qui soient. D’ailleurs voir J. c’est comme aller dans un onsen japonais : Mon âme commence à ondoyer mollement comme une méduse. Si telle était la vie, comme elle serait agréable ! se félicite le héros de Soseki dans Oreiller d’herbes.
Pendant notre déjeuner, mon rendez-vous suivant s’est décommandé. Mes 30 minutes de retard se sont évaporées, comme par magie, dans une fumée rose...
Et puis, par le plus grand des hasards, en quittant J., un coup de fil m’apprit que N. (le 5e rendez-vous) était justement dans une librairie à deux pas de là – Piccadilly Circus. J’y ai couru... et là j’avais carrément 4h d’avance !! J’en ai profité pour m’acheter en Folio la Correspondance de Flaubert et celle de Proust. Maintenant, tout ce que je m’achète est « mon cadeau de Noël ». Cela me fait bien rire parce que dans les 3 semaines qui viennent, je vais avoir tant de cadeaux de Noël qu’il me faudra piquer la hotte du père Noël pour revenir du Japon !
J’aurais dû rentrer chez moi et ranger, faire ma valise, vérifier qu’il ne me manque rien... Mais je me sentais en vacances, ça me faisait du bien de tirer un trait sur ce semestre agité, de faire des projets, de regarder d’un oeil moqueur un bout de la Star Ac, de se moquer de plus belle des simagrées gentillettes des candidats à la Roue de la Fortune, et d'apprendre grâce au JT de France 2, comment déclancher des avalanches, avant de finir en beauté dans un restau espagnol du coin devant des tapas somptueuses.
Je suis rentrée fourbue – c’était tellement en désordre chez moi qu’on aurait dit qu’une descente de police avait eu lieu ! Je me sentais totalement en vacances. C’est peut-être pour cela que ce matin, ce billet est si long – et je suis d’ores et déjà en retard pour mon prochain rendez-vous – et que, en repensant au billet d’hier et en particulier à cette carte-colombe, j’y vois plus clair : elle reflète exactement l’état de notre relation, ravalée au rang de collègue à collègue, limitée au quatre murs de la fac... et, si les circonstances et des mouvements d’âme subtils l’ont voulu, c’est que c’est sûrement mieux ainsi.
En tout cas, il me reste à être à l’heure pour mon avion demain... mais ça, comptez sur moi !

vendredi 12 décembre 2008

Voeux pieux

Des boules, des guirlandes ou des arbres de Noël avec des piles de cadeaux à leur pied; des rênes au nez rouge, le Père Noël avec ou sans hotte, ou des lutins aux longues oreilles qui l’aident dans sa lourde tâche ; des cheminées rougeoyantes devant lesquelles des bas de laine regorgeant de friandises pendent ; des paysages blancs, des sapins croulant sous la neige ou des ours polaires ; des légions d’anges, la crèche au grand complet, des rois mages aux bras chargés de présents le nez levé vers une étoile filante ou des vitraux; le Christmas cake richement décoré, les Christmas crackers et leurs blagues éculées ou en étouffe chrétien le sombre pudding flambé ; des dindes en goguette ou farcies avec leur garniture de navets au miel, choux de Bruxelles indigestes et confiture de cranneberges ...
Dessins originaux plus ou moins modernes ou reproductions de tableaux de maître, il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses. Pendant de nombreuses années j’ai moi aussi sacrifié à la tradition de laisser des cartes de voeux dans les casiers de tous mes collègues - même ceux avec qui je n’avais pas échangé deux mots de toute l’année, d’en donner à ma bouchère et à tous les commerçants que je fréquentais et, pour couronner le tout, à tous ceux qui m’en donnaient. Et puis, ces dernières années, le flux s’est ralenti et s’est tari carrément l’an dernier puisque déjà je n’avais pas passé Noël à Londres – je préfère succomber aux cartes japonaises du Nouvel An à la beauté inégalable !
C’est joli de décorer sa maison de cartes de voeux, celles que les étudiants vous donnent pleines de gentils messages qui vont droit au coeur et vous encourage, celles des amis qui pensent vraiment à vous et vous envoient vraiment tous leurs voeux, et celles de gens que vous avez perdus de vue depuis des lustres et qui vous ont gardés dans leur répertoire...
Je veux des voeux sincères, des voeux qui viennent du fond du coeur... je ne veux plus de cartes que l’on a achetées par paquet de douze, sur lesquelles votre nom a été écrit à la va-vite, et où l’on vous souhaite les mêmes voeux qu’à la marchande de steaks bio du coin !
Hier j’en ai reçu une ornée d'une colombe de la paix. Avant d’en lire le message à l’intérieur, je me suis bercée dans la douce illusion qu’il balaye avec légèreté et humour ces derniers mois difficiles entre nous... Au contraire, ce message m’a glacée : mon prénom, sec, qui claque, même pas un simple « bises » à la suite de deux phrases sous les habituels voeux déjà imprimés - puisqu’il faut bien une touche personnelle - dont celle-ci : « Reviens-nous en pleine forme ». Qui se cache sous ce « nous » mystérieux ? Il me laisse bien rêveuse. Et c’est si commode de me croire en mauvaise forme pour expliquer le fait que nous ne soyons plus sur la même longueur d’ondes, n’est-ce pas ? Mais je suis au comble de la forme ! Il est grand temps que je prenne le large... Vive les vacances de Noël!

jeudi 11 décembre 2008

Dans la peau de Michel Drucker

- et, toujours silencieuse, la taille droite et les gestes mesurés, semblait une femme en bois, fonctionnant d'une manière automatique.
Un coeur simple de Gustave Flaubert

C’est le dernier jour du trimestre. Cette dernière semaine, si je retrouvais toujours mon entrain dès que je mettais le pied dans une classe, partout ailleurs je me sentais comme une écorce vide. Hier surtout : j’avais envie de m’asseoir sur un banc de ce parc, et d’attendre que le temps passe, sans penser à rien, les yeux dans le vague. Je ne lis plus, je ne regarde plus de films, et je dors comme jamais. Vivement vivement dimanche ! Hier matin je suis tombée sur une émission de Michel Drucker sur Europe 1. Normalement il m’exaspère, mais là il débloquait totalement, il disait des choses incongrues, et prenait tout à la légère... et soudain j’ai eu envie d’être lui, dans ce studio, à dire des bêtises, à parler d’huîtres au Champagne, de sucre glacé comme il s’échinait à le dire, de bûche aux marrons « que même si on voulait on pouvait ne pas lui donner la forme d’une bûche »... bref, j’avais envie de ranger mon cartable et d’être en vacances. J’en aurais pleuré.

mercredi 10 décembre 2008

Pas le temps d’écrire aujourd’hui...

Pourquoi écrit-on ? J'imagine que chacun a sa réponse à cette simple question. Il y a les prédispositions, le milieu, les circonstances. Les incapacités aussi. Si l'on écrit, cela veut dire que l'on n'agit pas. Que l'on se sent en difficulté devant la réalité, que l'on choisit un autre moyen de réaction, une autre façon de communiquer, une distance, un temps de réflexion.

Discours de Stockholm de J.M.G. Le Clézio, 7 décembre 2008

Écrire. Je ne peux pas. Personne ne peut. Il faut le dire, on ne peut pas. Et on écrit. C’est l’inconnu qu’on porte en soi écrire, c’est ça qui est atteint. C’est ça ou rien. On peut parler d’une maladie de l’écrit. L’écriture c’est l’inconnu. Avant d’écrire, on ne sait rien de ce qu’on va écrire. Et en toute lucidité. C’est l’inconnu de soi, de sa tête, de son corps. Ce n’est même pas une réflexion, écrire, c’est une sorte de faculté qu’on a à côté de sa personne, parallèlement à elle-même, d’une autre personne qui apparaît et qui avance, invisible,douée de pensée, de colère, et qui quelquefois, de son propre fait, est en danger d’en perdre la vie. Si on savait quelque chose de ce qu’on va écrire, avant de le faire, avant d’écrire, on n’écrirait jamais. Ce ne serait pas la peine. Écrire, c’est tenter de savoir ce qu’on écrirait si on écrivait — on ne le sait qu’après — avant, c’est la question la plus dangereuse que l’on puisse se poser. Mais c’est la plus courante aussi. L’écrit ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit et ça passe comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie.

Ecrire de Marguerite Duras (1993)

Non, faut pas s’inquiéter... c’est seulement que j’avais beaucoup de travail... encore un jour avant les vacances ! Mais merci quand même, Jean-Marie et Marguerite !

mardi 9 décembre 2008

Dans un théâtre très très sombre

In a Dark Dark House de Neil LaBute était une très belle pièce de théâtre, très dure, et épuisante pour les acteurs. C’est l’histoire de deux frères qui revisitent leur enfance et, même si on croit un instant qu’ils se parlent en toute franchise (ils passent deux heures à se crier dessus, à pleurer, à s’insulter ou à se dire qu’ils s’aiment), qu’ils crèvent l’abcès, en fait ils se mentent de plus belle. Chacun souffre de blessures qui ne cicatriseront jamais puisqu’ils vivent dans le mensonge perpétuel.
Le titre fait allusion à leur maison familiale et à la violence de leur père, mais aussi à une maison construite dans un arbre où l’un des deux frères dit avoir subi des attouchements, mais surtout à cette part sombre d’eux-mêmes qui n’en finit pas de leur gâcher la vie.
Et il n’est pas si grand que ça, Steven Mackintosh... il est même petit, même si au cinéma il paraît immense. Mais qu’il joue bien !
Comme toujours, après une si bonne soirée, on se promet d’aller plus souvent au théâtre, c’est si facile... et la proximité des comédiens, que l’on sent sur un fil, est quand même une expérience qu’il faut vivre de temps en temps.

lundi 8 décembre 2008

Pourquoi ça marche pas avec la loterie ? : Parce qu’il ne pleuvait plus (3)

L’affaire se corse...
Mais quel est donc le rapport entre l’arc-en-ciel stationné au-dessus de mon toit et George, le frère de la tragique Anne Boleyn, incarné par ce sexy acteur britannique ? Pline l’Ancien a beau avoir dit que l’arc-en-ciel « n'est ni une merveille ni un prodige, car il n'annonce pas, d'une manière sûre, même la pluie ou le beau temps », c’est bien parce que la pluie s’était arrêtée que le prodige s’est accompli. « La pluie a-t-elle cessé de tomber? » nous sommes-nous demandé, scrutant le ciel après notre thé. Toutes les deux avions omis d’emmener notre parapluie. Après tant d’années en Angleterre, comment avions-nous pu nous faire avoir par ce ciel bleu sans nuage ? S’il avait plu, rien ne serait arrivé, tout tient à si peu de choses... Je ne l’aurais pas accompagnée au théâtre de l’Almeida pour voir s’il y avait encore des places pour le lendemain soir. Je n’aurais pas ressenti le besoin irrépressible, hors de propos, de lui demander, devant les caisses, pour la énième fois cette semaine, si-elle-avait-vu The Bouddha of Suburbia il-y-a-15-ans, et si-elle-connaissait-cet-acteur « grand, blond, à l’air énigmatique, à la voix particulière... » et elle ne m’aurait pas répondu : « Heu, non... je connais le feuilleton mais je ne l’ai pas suivi..., sorry ! »
Il y avait des places : « Tu nous accompagnes ? C’est mon cadeau de Noël ! » Touchée, j’ai accepté. Mais je ne savais encore ni le sujet, ni le nom de la pièce. J’ai avisé un prospectus sur le comptoir : il annonçait une pièce de Neil LaBute, In a Dark Dark House. Sur l’affichette on voit deux petits garçons en tenue de cowboy, qui se balancent sur un cheval de bois dans un jardin. Je retourne le prospectus et mes yeux sont attirés par la photo en noir et blanc d’un des trois comédiens. Quelle ne fut pas ma surprise ! Vous l’avez deviné... oui, cet acteur « grand et blond, aux faux airs de David Bowie » c’est lui ! C’est Steven Mackintosh !!!
« C’est luiiiiiii ! C’est luiiiiiiii ! » L’employé du théâtre, se demandant quelle mouche venait de me piquer, mis au courant, laisse tomber un laconique « synchronicity ». Sa collègue, elle, me conseille de traîner dans les parages pour tenter d’apercevoir mon idole. Plus tard C. conclura : « Mais pourquoi ça marche pas pour la loterie ? »
Et la représentation ? Vous le saurez demain...

dimanche 7 décembre 2008

Hue cocotte!

Cette nuit j’ai rêvé d’un nuage en forme de cheval. Il se métamorphosait en cheval blanc sous mes yeux et se mettait à galoper à travers le ciel. Je regrettais ne pas avoir pris mon appareil photo !

Pourquoi ça marche pas avec la loterie ? : le frangin d’Anne Boleyn (2)

Mardi soir j’ai regardé The Other Ann Boleyn. Au départ je croyais que c’était le film récent avec Scarlett Johansson, mais non, c’était un téléfilm de la BBC de 2003 et, en m’apercevant de ma méprise, j’étais un peu déçue quand même... Dès les premières images, on sentait les restrictions de budget : adieu somptueux décors hollywoodiens, reconstitution du Londres du début du XVIe siècle, splendides costumes des courtisans... Toute l’action se déroulait entre les quatre murs d’un studio qui servaient tantôt de chambre à coucher, tantôt de salle du trône, tantôt de salle de bal; le château de Henry VIII se dessinait au loin en contre-plongée, menaçant, tel le château de Barbe Bleue; il y avait un jardin banal et un seul cheval, le pauvre, qui faisait des aller-retour entre le château et un lieu indéterminé; le nombre de courtisans, vêtus à la va-comme-je-te-pousse, se comptait sur les doigts d’une main et ils servaient aussi de serviteurs quand le besoin s'en faisait sentir ... Mais très vite ce téléfilm a démontré que sa richesse était dans sa modestie. La simplicité des décors donnait au film un air de pièce de théâtre et sur la scène se jouait une captivante tragédie à la Shakespeare avant la lettre.
Et puis, les deux soeurs Boleyn, qui s’étaient attirées les faveurs du roi, prenaient à témoins les spectateurs en s’adressant à la caméra : par exemple, quand Anne arrive à évincer, par vengeance, sa soeur Mary du lit d’Henry VIII, elle nous adresse un sourire de victoire des plus coquins.
Mais c’est leur frère qui m’intéressa le plus : George. Il était joué par un acteur que j’aime bien, qui a des faux airs de jeune David Bowie, à la voix inquiétante et aux yeux perçants. Je l’avais vu pour la première fois dans The Bouddha of Suburbia en 1993, un feuilleton tiré du livre éponyme d’Hanif Kureishi. Et, depuis mercredi, je cassais les pieds à tout le monde en demandant: « Tu te souviens de cet acteur, grand, blond, fin, qui parle comme ci et comme ça.... qui a joué dans Prime Suspect, mais oui... souviens-toi... » Et tout le monde me répondait : « Heu... non.... bof, je vois pas... »

La suite au prochain numéro... (Hitchcock peut aller se rhabiller !)

samedi 6 décembre 2008

Pourquoi ça marche pas avec la loterie ? : Signes (1)

« Je revenais de la fac, j’étais pas trop bien, et soudain, en passant dans la rue, les illuminations de Noël m’ont rendu joyeuse, j’avais le coeur léger .. comme quoi, ce sont souvent les choses les plus simples qui rendent heureux. »
En sortant de notre café préféré je n’ai pu que hocher la tête en signe d’approbation: c’est vrai qu’elles sont belles les guirlandes de Camden Passage, et qu’elles vous mettent le coeur en fête ! Mais il était écrit que, quoi qu’il advienne, mon après-midi serait joyeux. Parfois je soupçonne que s’ouvrent devant nous des couloirs invisibles que nous empruntons à notre insu. Dès lors, tout dans la vie vous sourit : pendant un temps plus ou moins long, s’enchaînent crescendo les petits bonheurs, se résolvent les conflits, s’accumulent les bonnes nouvelles et s’apaisent les inquiétudes. Vous ressentez physiquement que votre horizon s’éclaircit, que les nuages se dispersent, et que votre coeur s’allège. Et si malgré tout, pris dans le tourbillon de journées harassantes, vous ne prêtez pas attention aux cadeaux qu’elle vous faits, la vie, bonne fille, vous donne un coup de coude et vous fait un clin d’oeil dont vous vous souviendrez longtemps ! Lundi, de ma fenêtre, j’ai vu et photographié un arc-en-ciel. Il est resté longtemps juste au dessus de chez moi. Etait-ce un signe de chance ? Une promesse de bonheur ?

La suite au prochain numéro...

vendredi 5 décembre 2008

Filiation maroquinière

L'hiver, le jardin s'accommode fort bien du désordre et du fouillis des plantes effondrées par les alternances de gel et de dégel. Sur le sol, les merles, les grives, les sansonnets, les traîne-buissons, les moineaux, les rouges-gorges, les pinsons et les verdiers qui arrivent du nord se pressent pour soulever les feuilles mortes, gratter la terre, la cogner avec le bec pour en faire sortir quelque vermine pas encore endormie, récupérer quelque graine pas encore germée, tandis que les mésanges bleues, les charbonnières et les chardonnerets jouent les acrobates pour trouver leur pitance en l'air. On n'a encore jamais vu les tourterelles turques agrippées à un filet de cacahouètes comme le font si bien les mésanges, les sittelles torchepot, et les écureuils que l'on voit parfois manger en même temps que les oiseaux aux mangeoires.

Alain Lompech, Le Monde, 05.12.08

Elle m’avait dit : « Je te prête ce sac, mais c’est mon sac ». C’était une sorte de petit cartable en cuir bleu pétrole, avec plein de poches. Il était très joli. Je l’utilisais pour aller au collège (qu’on appelait là-bas le lycée) avant que la mode des besaces n’arrive et que je le lui rende. Mais c’était resté le sac idéal, jamais retrouvé, à jamais perdu. Ces deux dernières semaines je voulais m’acheter un sac, et j’ai arpenté Oxford street de longues heures, fendant la foule pour le dénicher. Ils étaient tous ou bien moches ou bien trop chers, ou bien trop grands, ou bien faits d’une matière étrange qui rappelait plus le caoutchouc que le cuir. Avant de tomber en arrêt devant ce sac bleu pétrole, un peu cher... Je suis revenue plusieurs fois vers lui, je l’ai manipulé, j’en ai caressé le cuir épais et souple, admiré sa couleur parfaite, je l’ai maintes fois ouvert et refermé, en imaginant ce que j’y mettrais... J’ai vraiment failli plusieurs fois me diriger vers la caisse en le serrant contre moi. Mais il n’était pas pratique du tout, il fallait bien se l’avouer... Je l’ai abandonné à regret. Une rue plus loin m’attendait celui qu’il me fallait, celui dont la couleur, la matière, l’odeur, à défaut de la forme, comble le manque du sac idéal, et en descend, comme une fille de sa mère, à la fois semblable et tout à fait différent.

jeudi 4 décembre 2008

Loin des yeux et près du cœur

Plus la date de mon départ au Japon approche, plus j’ai envie de faire la tournée de mes amis, de passer du temps avec eux, de rattraper le temps perdu, et de refaire le monde en leur compagnie. Mais le temps nous manque.
En ce moment j’ai vraiment des sentiments ambivalents : le matin je veux partir, je bouclerais mes bagages et je prendrais l’avion sur le champ. La nuit, je me réveille en sursaut avec l’envie d’annuler mon billet d’avion. Cette idée me réconforte. Je serais prête à jurer mes grands dieux, à ce moment-là, que je ne suis pas du tout intéressée par le Japon, et même… que je ne l’ai jamais été. J’essaye de me tester en me demandant : « Ozu, Mizoguchi, Kurosawa, tu n’aimes pas ? » et je me réponds « non, ça ne m’a jamais plu » « Et visiter Kyoto, aller au musée du Genji à Uji, sentir l’odeur du thé vert en sortant de la gare, non plus ? » Et la réponse est la même : « Non, ça ne m’intéresse pas ».
Le matin, c’est oublié. L’envie est là, toute fraîche: il suffit que je pense au car qui m’amène de l’aéroport de Narita à mon hôtel. Il serpente dans Marunouchi à l’heure du déjeuner, j’aperçois la silhouette du Palais impérial, et je me dis que dans moins d’une heure je ferai partie de cette foule… C’est une sensation inoubliable, addictive.
Quelle enfant gâtée ! J’ai devant moi trois semaines de purs plaisirs, de découvertes, sans entraves, mais à deux heures du matin je les troquerais pour des vacances popotes, dans mon quartier, dans un monde archi-connu, maitrisé, routinier… Ces sentiments me sont familiers mais je ne peux m’y habituer. C’est vraiment Docteur Jekyll et Mister Hyde !

mercredi 3 décembre 2008

Il se passe toujours quelque chose là-haut

Un bel oiseau de nuage sur sa branche vaporeuse...
Regardait au loin l’oiseau blanc de métal
Un tout petit point blanc dans le ciel
A l’heure où un arc-en-ciel irisait le ciel
Etais-je la seule à le voir ?

mardi 2 décembre 2008

Heures indiennes

Passer de la nuit noire glacée et humideA un univers de senteurs exotiques où domine celle de la rose
Où les goûts et les couleurs caressent vos yeux et vos papilles...... c’est un rêve pour les sens dont on a du mal à se réveiller !

lundi 1 décembre 2008

Enfin! A la bonne heure!

Encre de Chine


It is December, and Christmas is coming, and Betty is very busy. What is she doing? She is paring apples, and chopping meat, and beating spice. What for, I wonder! It is to make mince-pies. Do you love mince-pies? O they are very good! Well, Spring will come again some time.


Lessons for Children de Anne Leatitia Barbauld (1778)

dimanche 30 novembre 2008

Chaussures à son pied


Certains s’étonnent que je donne encore des leçons privées, et qu’en plus j’aime ça. Si on omet leur aspect sonnant et trébuchant, ces cours de conversation, de traduction, de révision - et de respiration pour moi - autour d’un café, m’apportent beaucoup. Souvent nos vies personnelles servent de base à nos leçons, et j’ai l’impression alors d’être une journaliste, arrivée là recueillir une tranche de vie. Raconter une histoire qui nous a touchés, dans une langue étrangère qui plus est, c’est doublement une forme de thérapie. Voici la plus récente de ces histoires :

« Une amie et moi sortions d’un cinéma quand nous sommes tombées sur T., dont j’étais follement amoureuse. Enfin, amoureuse... A chaque fois que je parle de ce que j’éprouvais pour lui, je dois me reprendre, parce que cela n’était pas de l’amour, je le sais maintenant, mais une obsession à sens unique. Je remarque que j’emploie toujours d'abord le mot amour à son encontre avant de me corriger, et ça m’ennuie. Il se tenait devant nous, et son regard a glissé de moi à ma copine, comme s’il me gommait du tableau. Je me souviendrai toujours de ce regard froid qui glisse, dans un travelling qui m’a paru infini, d’elle à moi, qui me montre qu’il évite le mien. J’entends encore son enthousiasme surjoué quand il lui parle. Puis elle et moi sommes allées faire les magasins. L’image qui me vient à l’esprit pour représenter ma blessure d’amour propre, c’est que je marchais avec des couteaux plantés dans le corps, j’étais comme un porc-épic. Nous avons dépassé un pub australien immense qui avait pignon sur rue vers Haymarket. Ses vitres étaient bleues. Pourquoi est-ce que je me souviens de cet endroit particulier ? Existe-t-il encore ? Peut-être qu’en ce samedi après-midi le lieu était bondé, et que le brouhaha joyeux qui se déversait sur la chaussée rendait ma peine d’autant plus cruelle. Dans Oxford street, nous sommes entrées dans un magasin de chaussures un peu cheap. Là, sur un coup de tête, je me suis acheté une paire d’escarpins à talons aiguilles pyramidaux assez vulgaires, moi qui n’en avais jamais porté de ma vie ! Deux jours après je les ai donnés : chez moi, quand j’avais voulu les chausser, je vacillais et manquais de me casser la cheville et le cou au moindre pas. Je n’ai compris que plus tard la portée de cet achat qui ne me ressemblait pas. »

La conversation a ensuite dévié, et nous nous sommes mises à parler du Credit Crunch, de la crise financière et des magasins de Oxford street qui, pour attirer des clients de plus en plus récalcitrants, tentaient de les appâter à coup de promotions et en ouvrant leurs portes dès 7h du matin ! « C’est vrai, maintenant, quand ils voient un client, les boutiquiers sont ravis et redoublent de prévenances » s’est-elle exclamée. Soudain, elle a pris une de ses chaussures dans la main pour me la montrer : « Les vendeuses étaient ravies ! J’en ai acheté trois paires ! » J’ai regardé la chaussure qu’elle m’agitait sous le nez : un ravissant modèle hors de prix de chez Christian Louboutin, un dernier cri, reconnaissable à sa semelle écarlate et à ses talons aiguilles pyramidaux...

samedi 29 novembre 2008

Des bricoles

En calculant le nombre d’heures qu’il me faudrait pour venir à bout de toutes mes corrections, j’ai imaginé un robot qui s’occuperait de la tonne de copies que j’ai à corriger chaque semaine. Il suffirait d’entrer le code du cours, le niveau, les critères et hop ! Pendant qu’il s’activerait, je resterais vautrée sur mon lit. De temps en temps, je lèverais le nez pour vérifier que tout va bien. J’admirerais les commentaires au bout de la copie, toujours motivants, sachant aiguiller l’étudiant vers un progrès assuré... Puis, par une fente, je glisserais le carnet de notes, et il imprimerait les données en face des noms.

En déambulant dans les travées de mon supermarché favori, j’ai imaginé qu’il pourrait aussi me concocter de petits plats, variés et équilibrés, dont les recettes seraient piochées dans toutes les cuisines du monde. Il y aurait des boutons où les plats préférés auraient été programmés : la touche couscous, celle de l’agneau aux épinards à l’indienne, et celle des nouilles à la singapourienne seraient usées. Il serait de connivence avec mon frigo, et celui-ci serait branché sur internet. On me livrerait les courses directement. J’aurais réglé le budget pour que ces deux compères gourmets ne me ruinent pas à mon insu!

Si toutes ces tâches me reviennent c’est qu’en anglais bricolage se dit D.I.Y (do it yourself). Je trouverais peut-être mon bricoleur de génie au Japon ? Qui sait ?

vendredi 28 novembre 2008

J’ai dû semer de l’hémérocalle un peu partout


Une femme a des regrets d’avoir quitté son mari : Maintenant il est tard, mais des graines de l’herbe d’oubli en votre coeur je voudrais n’avoir pas semé.
Il répondit : Si, du moins, j’apprenais que tu fais pousser en ton coeur l’herbe d’oubli, je saurais que tu m’aimais.

XXIe épisode des Contes d’Ise


Plus que deux semaines de cours... Mais où est donc passé le mois de novembre ? Des « je suis crevé/e », « je n’en peux plus », « vivement que ça finisse », s’élèvent de toutes parts. Profs et étudiants sont sur les genoux. On ne parle plus que de ça : de la quille ! Certains – pauvres fous – s’échinent à nous parler de la rentrée de janvier : les tests, les réunions, les examens à préparer... Nous les écartons d’un revers de main. Nous sommes prêts à dire oui à tout. Tout cela nous semble si loin... Les vacances passeront le plus lentement du monde, c’est notre espoir. Toutes les difficultés s’aplaniront avec la trêve des confiseurs. Et j’ai peur d’oublier tout ce que j’ai à faire avant de partir. Je frise le « wishful thinking », de prendre mes désirs pour la réalité et d’oublier les paquets de copies dans un café, les traductions à faire, les documents pour les cours, mes clés et surtout ma montre... Je n’ai envie que de préparer mon voyage et de rêver à des itinéraires tortueux qui me mènent d’un temple à un sanctuaire à travers des forêts de bambous... Et de fêter la Noël 15 jours à l’avance avec tous mes amis, c’est tout !

jeudi 27 novembre 2008

Le Monde des Livres 3/3

Le plus bizarre dans le placard aux livres ce sont toutes ces biographies sur l’ Impératrice d’Autriche Elizabeth (Sissi). Il y a une raison à cela : le premier livre que je me souviens avoir adoré, vers 6 ou 7 ans – et que j’ai toujours en ma possession – était sur la vie de Sissi. Je lisais et relisais ce livre pour enfant sans savoir qu’elle avait vraiment existé. Je devais avoir 9 ans quand je l’ai appris par hasard en lisant un magazine d’histoire qu’on recevait chez nous. Un vrai choc. Je n’en finissais pas de faire des comparaisons entre la vraie histoire et la façon dont on l’avait édulcorée. Comme si on avait voulu tromper l’enfant que j’étais. Au collège j’étais imbattable sur les causes de la première guerre mondiale et l’empire austro-hongrois. Mais quand nous parlions de l’Empereur François Joseph, je voyais sous ce vieillard aux favoris broussailleux, le fringant empereur qui, tenant tête à sa mère - la méchante archiduchesse Sophie - refusait la main de sa cousine Hélène et tombait amoureux de la jeune Elizabeth. J'ai beaucoup appris de mon questionnement. Et puis en 6e, notre excellent prof de français, M. Germain, nous avait donné une longue liste de lecture pour les vacances de Noël. J’allais pour la première fois lire de vrais livres. J’ai commecé par Premier Amour de Tourgueniev :

Seize ans ! le bel âge pour Vladimir Pétrovitch. Zinaïda en a vingt et un. Elle prend plaisir à l'appeler monsieur Voldémar. Il porte encore veste courte col rabattu : un enfant amoureux de la jeune princesse pour l'avoir vue par-dessus la palissade de son domaine. Premier amour, premiers tourments. Tour à tour, il connaît la tristesse, l'exaltation subite, l'allégresse trouble, l'espoir et la crainte selon l'humeur de Zinaïda. D'abord insouciante, coquette, la jeune fille devient froide, mystérieuse. Vladimir songe à un rival secret. Il s'étonne de la voir caracoler à cheval avec son père et d'étranges soupçons l'envahissent. Mais comment s'y arrêter.. L'amour est aveugle et Vladimir inconscient du drame qui se joue à ses côtés.

J’ai continué avec Ravage de Barjavel

De l'autre côté de la Seine une coulée de quintessence enflammée atteint, dans les sous-sols de la caserne de Chaillot, ancien Trocadéro, le dépôt de munitions et le laboratoire de recherches des poudres. Une formidable explosion entrouvre la colline. Des pans de murs, des colonnes, des rochers, des tonnes de débris montent au-dessus du fleuve, retombent sur la foule agenouillée qui râle son adoration et sa peur, fendent les crânes, arrachent les membres, brisent les os. Un énorme bloc de terre et de ciment aplatit d'un seul coup la moitié des fidèles de la paroisse du Gros-Caillou. En haut de la Tour, un jet de flammes arrache l'ostensoir des mains du prêtre épouvanté.

et L’Assommoir de Zola

De ces trois livres c’est le Zola que j’avais le plus aimé, peut-être parce que je voyais beaucoup de misère autour de moi. Le Barjavel m’avait épouvantée (ça ne m’étonne pas en en lisant le résumé...) et le Tourgueniev laissée indifférente, mais je pense que c’est lui, le premier vrai livre que j’ai lu de ma vie. Je me souviens aussi de ma surprise que mes parents aient tous les livres recommandés par le prof, qu’ils les avaient tous lus, et beaucoup beaucoup d’autres encore. C’était parti...

Voilà, pour la énième fois j’ai mis de l’ordre dans ce qui me tient de bibliothèque. J’ai mis à portée de main, Crime et Châtiment de Dostoïevski. Non pour m’en débarrasser, bien sûr, mais pour le lire !

mercredi 26 novembre 2008

Le Monde des Livres 2/3

Dans le noir du placard aux livres, les indispensables Stendhal, Flaubert, Balzac, Zola, Maupassant (ces deux derniers dans une collection qui me vient de mes parents) et Proust, côtoient pêle-mêle Thomas et Klaus Mann, Rainer Maria Rilke, Franz Kafka (les seuls Pléiades que j’ai. C’est de lui et sur lui que j’ai le plus de livres) et Milan Kundera (mais ce dernier plus pour très longtemps, il ne m’intéresse plus du tout).

La Grande Mademoiselle, Alma Mahler-Werfel (son extraordinaire journal), Benoîte Groult, Marie Cardinal, Marguerite Duras, Simone de Beauvoir et Edith Wharton manquent de s’écrouler sur Cicéron, Suétone, Pline le Jeune et Martial.

Baudelaire, Rimbaud, Federico García Lorca et Joseph Brodsky, reposent de tout leur poids sur les oeuvres complètes de Molière, La Bruyère et Rabelais.

Laurence Sterne (Tristram Shandy) et D.H. Lawrence (The Plumed Serpent), Lord Byron, Samuel Richardson (Clarissa), John Fante, Shakespeare et Walt Whitman, jouent des coudes avec Voltaire, Diderot et Beaumarchais.

Tolstoï et Dostoïevski (que j’ai régulièrement envie de relire) écrasent de leurs poids conjugués Umberto Eco (des essais, pas ses romans) et Juan Goytisolo.

Jorge Semprún et Jean-Christophe Petitfils (Louis XIII, XIV et XVI) aplatissent Roland Barthes et Philippe Sollers (1 seulement).

Il y a aussi deux ouvrages dont le petit format n’est pas pratique à caser : La Bible (témoin d’une option d’histoire à la fac) et un Missel qui me vient de ma grand-mère.
Pendant ce temps, Murakami, Kawabata et Shikibu se pavanent à l’air libre, comme des oiseaux hors de leurs cages, dans tout l’appartement.