Elle m’avait dit : « Je te prête ce sac, mais c’est mon sac ». C’était une sorte de petit cartable en cuir bleu pétrole, avec plein de poches. Il était très joli. Je l’utilisais pour aller au collège (qu’on appelait là-bas le lycée) avant que la mode des besaces n’arrive et que je le lui rende. Mais c’était resté le sac idéal, jamais retrouvé, à jamais perdu. Ces deux dernières semaines je voulais m’acheter un sac, et j’ai arpenté Oxford street de longues heures, fendant la foule pour le dénicher. Ils étaient tous ou bien moches ou bien trop chers, ou bien trop grands, ou bien faits d’une matière étrange qui rappelait plus le caoutchouc que le cuir. Avant de tomber en arrêt devant ce sac bleu pétrole, un peu cher... Je suis revenue plusieurs fois vers lui, je l’ai manipulé, j’en ai caressé le cuir épais et souple, admiré sa couleur parfaite, je l’ai maintes fois ouvert et refermé, en imaginant ce que j’y mettrais... J’ai vraiment failli plusieurs fois me diriger vers la caisse en le serrant contre moi. Mais il n’était pas pratique du tout, il fallait bien se l’avouer... Je l’ai abandonné à regret. Une rue plus loin m’attendait celui qu’il me fallait, celui dont la couleur, la matière, l’odeur, à défaut de la forme, comble le manque du sac idéal, et en descend, comme une fille de sa mère, à la fois semblable et tout à fait différent.
Zuihitsu ou "notes au fil du pinceau", comme en composaient les gentes dames de la cour de Heian au Japon, aux environs de l’an 1000: « J’ai rassemblé des notes sur les événements qui s’étaient déroulés devant mes yeux et sur les réflexions que j’avais faites en mon âme » (Sei Shōnagon dans Notes de chevet)
vendredi 5 décembre 2008
Filiation maroquinière
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire