jeudi 30 décembre 2010

Grand Chambardement

A partir d’aujourd’hui vous me retrouverez ici

mercredi 29 décembre 2010

Home Sweet Home

...the city is a success, a brilliant invention, a biological masterpiece – millions teeming around the accumulated and layered achievements of the centuries, as though around a coral reef, sleeping, working, entertaining themselves, harmonious for the most part, nearly everyone wanting it to work.

Saturday de Ian McEwan

Je voulais illustrer ce billet avec des « photos de Londres ». Je n’en avais plus une seule. Et puis, l’idée m’est venue qu’il suffisait que j’ouvre ma fenêtre pour prendre une « photo de Londres », et que même si je prenais une photo de moi ce serait une photo de « moi à Londres »... Londres est partout dans Londres. La photo de ma rue ce matin serait déprimante – et peut-être ce serait un vrai cliché de Londres : il y a du brouillard, il pleut, tout est gris, le ciel aussi sombre que l’asphalte, il n’y a que la boîte aux lettres rouge vif, et la superette à la devanture bleue pour égayer le tout.
Le Londres auquel je pensais au réveil c’est le West End, le centre touristique, c’est fou après plus de vingt ans ici ! Il y a sûrement plus de lumières, plus d’animation que dans ma banlieue, mais je laisse à d’autres le soin de faire marcher le commerce !
J’aime la description de la ville que fait Ian McEwan. Bien sûr, toute cette mécanique bien huilée peut dérailler – il suffit parfois d’un simple épisode neigeux – mais si on ne pensait pas la ville comme un lieu harmonieux, on ne mettrait jamais les pieds hors de chez soi. Mais aujourd’hui l’endroit le plus harmonieux de la ville est chez moi, au chaud, un livre dans une main et une tasse de thé dans l’autre !

mardi 28 décembre 2010

Reconstruire Tokyo

Il y a deux ans, je passais Noël au Japon. Cette photo, je l’ai prise du Shinkansen, en revenant de Kyoto. J’avais les yeux encore tout étoilés par le Mont Fuji. Quand j’ai vu les rames de la Yamanote, j’ai su que nous arrivions dans ce qui fut la plaine de Musashino, « une province peu recommandable » selon Dame Sarashina (au XIe siècle !). J’y pense beaucoup ces jours-ci. Je commence à avoir du mal à croire que je suis allée au Japon, je me dis que je ne pourrais plus jamais être aussi dégourdie, bref, j’ai peur de m’encroûter. A Tours, quand je suis allée me promener dans le Jardin des Prébendes, je me suis crue au Japon.Je me croyais dans le Parc de Shinjuku. Pour le ciel bleu, les allées bien découpées, les magnifiques arbres et les perspectives soignées. Et la sensation de liberté, d’avoir des milliers de choses à faire et à découvrir.Là, c’est Shinjuku, le vrai. Je me souviens très bien de l’endroit du parc où j’ai pris cette photo. Une petite allée sombre, excentrée, j’étais toute seule... Je ne voudrais pas enjoliver les choses, ni paraître exaltée, mais je crois que je n’ai jamais été aussi heureuse qu’au Japon, parce que je vivais un rêve. Je retrouve cela en allant à Paris, mais pas aussi intensément. Tokyo, c’est une fête ! J’aurais tant voulu que les Prébendes soient le Shinkuku Gyoen ! Il aurait fallu que je sois soudain atteinte d’amnésie, que je décolle de la réalité... Que manquait-il au jardin tourangeau pour que l’illusion soit parfaite? Une lanterne de pierre peut-être ? Mais les corbeaux avaient beau s’époumoner je savais que je n’étais pas au Japon. Depuis mon dernier voyage tant d’autres choses m’ont intéressées que j’ai l’impression que je dois reconstruire le Japon et Tokyo dans mon esprit, pour pouvoir m’imaginer de nouveau là-bas. Tokyo n’existe plus, ou pas encore, et je suis comme Dame Nijo qui découvre la plaine de Musashino...
Musashino donnait une impression d’isolement complet. Devant coulait la rivière Sumida. Les roseaux de la plaine de Musashi ployaient sous la morsure du sel qui les avait desséchés.
Dame Nijō (1289)

lundi 27 décembre 2010

Histoire d'une passion

Il y a un an, j’étais à Paris. Un après-midi, par curiosité, je suis entrée à l’église Saint Merri, dans le quartier des Halles. Dès mon retour à Londres, j'ai cherché à en savoir plus sur cet endroit. C’est ainsi que je suis tombée sur un délectable ouvrage, publié en 1830: Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu’à nos jours, dont l’auteur est Jacques-Benjamin Saint-Victor.
Au chapitre consacré à l’église en question j’ai lu qu’un certain Jean de Ganay « premier président au parlement, puis chancelier, mort en 1512 », conseiller de Charles VIII et de Louis XII, y avait été inhumé. D’autres recherches m’apprirent qu’il avait été l’ami de Guillaume Budé (1467-1540) qu’Erasme surnommait « le prodige de la France », qui fonda le Collège de France, que François Ier nomma Maître de la Librairie du Roy. En lisant sur sa vie je rencontrais d’autres personnages de l’époque : des érudits comme Thomas More ; un cardinal conservateur de la Bibliothèque Saint-Marc à Venise ; un écrivain envoyé au bûcher pour hérésie ; et d’illustres imprimeurs vénitiens. Ne dit-on pas : « Quel grand roman que l’Histoire ? »Alors pourquoi m’arrêter en si bon chemin ? J’ai fait subir le même sort à l’église Saint-Gervais Saint-Protais et Saint Paul (ci-dessus), dans le Marais. Chemin faisant, ce sont les sculpteurs, les architectes, les graveurs, bref, les maîtres d’oeuvre de ces églises qui m’ont attirée tels que Salomon de Brosse, Jacques Androuet du Cerceau - en mars, le Musée du Patrimoine soutint ma passion naissante avec une exposition sur cet architecte - et Nicolas Pinaigrier la « figure de proue du vitrail parisien » au XVIe siècle. Fatalement, je devais rencontrer Germain Pilon (1528-1590), un des favoris des rois pour l’exécution de leur tombeau – ci-dessus une Pietà qu’il réalisa pour Catherine de Médicis et que l’on peut voir à l’église Saint-Paul dans le Marais - et son ami Barthélemy Prieur (1536-1611), sculpteur lui aussi, ainsi que François Anguier (1604-1669).
Quand arrivèrent les vacances de pâques, je ne pouvais que me précipiter au Louvre, dans la partie consacrée aux sculptures, que je n’avais jamais visitée. J’y retrouvais tous ceux sur qui j’avais passé tous mes loisirs pendant l’hiver à lire en long et en large : Philippe de Commynes (1445-1511) par exemple, ici en compagnie de sa femme Hélène de Chambres, « homme politique, chroniqueur, mémorialiste », familier du tyrannique Charles le Téméraire, passé dans le camp de Louis XI, « enfermé dans une cage de fer » à la mort du roi... Que c'est croustillant!
Ou bien Philippe Chabot (1492-1543), comte de Brion et Amiral de France, favori de François Ier avec qui il est fait prisonnier à Pavie, qui permit au navigateur Jacques Cartier de poursuivre son exploration de l’Amérique... Qui est l’auteur de ce gisant en albâtre « l'un des chefs-d'œuvre de la sculpture de la Renaissance en France », le saura-t-on un jour ?
La plupart de ces oeuvres proviennent d’églises détruites à la Révolution. Elles étaient entreposées dans d’autres musées avant d’atterrir au Louvre. Par exemple, du monument de Christophe de Thou (1508-1582), premier président du parlement, conseiller d’Henri II, Charles IX et d’Henri III, « commandé par Jacques-Auguste de Thou à Barthélemy Prieur en 1585 » ne demeurent que le buste, les statues de la Justice et de la Prudence, ainsi que deux « génies de bronze imités des figures de Michel-Ange du tombeau des Médicis à Florence.» La prestigieuse famille de Thou possédait une chapelle dans l’église de Saint-André-des-Arcs (aujourd’hui disparue) à qui Armand Arouet, le frère de Voltaire, avait fait don d’un médaillon en marbre représentant Saint André. Outre Christophe de Thou, dans cette chapelle étaient inhumés son fils, Jacques-Auguste (1553-1617) et les deux femmes successives de celui-ci : Marie de Barbançon Cani et Gasparde de La Châtre. Ci-dessus sa statue sur la façade de l’Hôtel de Ville de Paris.C’est ainsi que le Tableau historique et pittoresque décrit le tombeau de « Jacques-Auguste de Thou, président à mortier au parlement de Paris, historien célèbre » : Au bas de la décoration et sur une tombe ornée d'un bas-relief en bronze, est la statue du président. Il est représenté à genoux devant un prie-dieu, revêtu d'un grand manteau fourré d'hermine. Le bas-relief présente plusieurs figures allégoriques, entre lesquelles on distingue la Justice et la muse de l'histoire transmettant le nom de Jacques-Auguste de Thou à la postérité. Toute cette sculpture, exécutée par François Anguier, est d'un bon faire, et peut être comptée parmi les meilleurs ouvrages de cet artiste. (...) Les statues de ces deux dames (...) sont placées sur deux piédestaux en avant du monument de leur époux. Ces sculptures sont également dignes d'éloges, tant pour la pose que pour l'exécution.
C’est ainsi que je le vis moi-même, mon imagination reconstituant les morceaux manquants, la larme à l’oeil, avec l’impression d’être devenue la troisième veuve éplorée de Jacques-Auguste ! Avant de voir en vrai son tombeau au Louvre, j’en savais d’avantage sur lui: qu’il avait servi sous les règnes d’Henri III et de Henri IV, et que ce dernier l’avait nommé « grand maître de la Librairie du Roi », digne successeur de l’illustre Guillaume Budé. Il avait enrichi la bibliothèque de son père et la sienne était célèbre « ouverte aux étudiants et aux étrangers. » On dit qu’elle contenait 12729 volumes et qu’elle « fut dispersée en 1789 ». J’aimerais tourner les pages d’un livre ayant appartenu à la bibliothèque de Jacques-Auguste de Thou... Je ne me lasse pas de lire ses Mémoires où il raconte la mort du Duc de Guise, les troubles de la Ligue, la Saint-Barthélemy, ses entretiens avec Henri III et Michel de Montaigne, son amitié pour Pierre de Ronsard, ses voyages en Italie (il visita le lieu où François Ier avait été fait prisonnier), ses séjours à Tours, la guerre contre l’Espagne aux côtés de Henri IV jusqu’à la paix définitive en 1598... j’en passe et des meilleures... Jamais je n’ai lu de livre aussi captivant qui me rende l’histoire si proche, si réelle. J’ai l’impression que je suis dans la pièce quand de Thou prend congé de Henri III au château de Blois, quelques heures avant la mort du duc de Guise. C’est du 3D avant la lettre !Certains passages me font rêver, comme la fois où, pendant la campagne de guerre contre l’Espagne et attendant la venue de Henri IV en Anjou, il est logé « à Chinon dans une grande maison, qui autrefois avait appartenu à François Rabelais, Médecin célèbre (...). II soutenait que la raillerie était le propre de l'homme, (...) s'abandonnant à son génie, il avait composé un Livre très spirituel, où avec une liberté de Démocrite, & une plaisanterie outrée, il divertit ses Lecteurs sous des noms empruntés, par le ridicule qu'il donne à tous les états de la vie, & à toutes les conditions du Royaume. La mémoire d'un homme si agréable, qui avait employé toute sa vie & toutes ses études à inspirer la joie, donna lieu au Président de Thou & à Calignon, de plaisanter avec ses Mânes sur ce que sa Maison était devenue une Hôtellerie, où l'on faisait une débauche continuelle, son Jardin, le rendez-vous des Habitants les jours de Fêtes, le Cabinet de ses Livres qui donne dessus, un Cellier pour mettre du Vin. » La maison de Rabelais, devenue musée, je l’ai visitée il y a quelques années.
Je suis consciente que tout cela ne passionne que moi, mais je ne voulais pas terminer l’année 2010 sans évoquer Jacques-Auguste de Thou, le hasard qui me l’a fait rencontrer et les passions joyeuses qu’il m’a inspirées. La muse de l’histoire, en gravant son nom pour la postérité sur ses tablettes, a bien réussi son coup !

dimanche 26 décembre 2010

Nei-je

Chemin des neiges profondes
Ce qui est derrière semblable
À ce qui est devant

Kusatao NAKAMURA
Le train, dont le terminus est Bournemouth, traverse un monde en noir et blanc. Aucune âme qui vive dans ces grands paysages blancs à perte de vue. J’ai beau avoir fait le chemin de nombreuses fois depuis une année, j’ai l’impression de traverser un pays inconnu, sans repères.Quel travail pourrait-on faire dans un champ ? La besogne est terminée car la nature se repose, enfin, je crois...

Je n’y connais rien en agriculture, mais l’image d’une nature assoupie, me plaît. Et j’aime cette photo couleur sépia.Des vaches, qui devraient être au chaud dans une étable, s’abreuvent dans un ruisseau dont l’eau doit être gelée. Des bâtiments apparaissent juste avant une gare, mais toujours pas l’ombre d’un humain. Dans le train, les conversations sont feutrées, on ne fait pas cas de ses voisins, ils me resteront anonymes.A travers les arbres un cimetière sous la neige, avec ses pierres tombales alignées: le train ralentit soudain.Des paysages dénudés qui me font penser aux tableaux de peintres chinois aux noms monosyllabiques qui ont écrit d’énormes bréviaires sur leur art ancestral. Ils y détaillent minutieusement chaque coup de pinceau. Il ne manque plus qu’un poème classique, peint à la verticale dans un coin de l’image, et un sceau à l’encre rouge...

Violente chute de neige,
ciel et terre
en parfaite harmonie.

Setsuko Nozawa

samedi 25 décembre 2010

Merry Christmas!

Like the snow
That is falling today,
May Christmas and the New Year
Pile up more and more
Happy events!

Merci à Otomo no Yakamochi (718-785)
(Green Park sous la neige)
Découvrant ses strates,
je découpe
la bûche de Noël

Takako Hashimoto (1899-1963)

La lame tranche
la bûche de Noël
très lentement.

Miyoko Hashimoto (sa fille!) (née en 1925)


Ces deux-là, la mère et la fille, c’était aujourd’hui ou jamais !

vendredi 24 décembre 2010

Le petit oiseau va sortir!

A Londres, j’en ai vu deux en l’espace d’1 an. A Winchester, j’en ai vu une floppée en quelques heures. Celui-ci chantait « his little heart out » a dit N. Je n’avais jamais vu ni entendu chanter un robin. A Londres, ceux que j'ai surpris se contentaient de sautiller.J’aurais bien aimé avoir un téléobjectif pour suivre le ballet des oiseaux autour du distributeur de graines! Si j’avais ouvert la porte ils se seraient tous carapatés « comme une voilée de moineaux », alors je me suis contentée de les observer de derrière la croisée. Avant, à Noël, on trouvait toutes sortes d’objets ornés de dessins de chats. Aujourd’hui, c’est le thème du rouge-gorge qui se décline sur tous les tons.J’aime le rouge-gorge pour sa forme – on a envie de tenir son petit corps tout rond tout chaud dans ses mains – et ses couleurs. Ceux qui ont un jardin doivent en être blasés, mais pour moi c’est si rare d’en voir un que leur apparition est un instant magique. Avec la neige, tous les oiseaux ont disparu de mon quartier. J’espère que les gens ont mis des distributeurs de graines dans leur jardin !
Mais un des plus beaux cadeaux de ce premier jour d’hiver fut ce grand oiseau aux plumes multicolores qui faisait l’équilibriste sous le distributeur de graines sous le regard désabusé d’un autre oiseau à tête bleue: un pic-vert ! (En fait un de ses cousins: un pic épeiche)Quelle chance ! J’ai vu un pic-vert ! Le premier pic-vert de ma vie ! Si beau et si goulu! Plus un oiseau n’osait s’approcher de cet ogre. Ils se contentaient de picorer les graines tombées au sol. C’était touchant de voir tous ces oiseaux différents – rouge-gorge, merle, ramier, moineau... – se côtoyer sous l’arbre-restaurant. C’était triste de voir tous ces oiseaux aussi affamés.
La neige du jardin signalait aussi qu’un faisan était passé par là... Alors que je parlais de tous ces oiseaux à S., elle m’a dit qu’on lui avait offert des jumelles et qu’elle même aimait observer les oiseaux. Je pensais être la seule citadine à me transformer peu à peu en bird-watcher... J'aime les haikus sur les oiseaux, comme celui-ci, d'Issa (je l’aime d’autant plus que quand je suis arrivée dans la campagne mardi dernier, la première chose qui m’ait frappé c’est la qualité du silence qui y régnait):
Le pic-vert a cessé
De tambouriner l'arbre pour écouter
Petit tambourin du soir