Et qui gourmand de tout, de tout insatiable...

Je vous donne des oeufs. L'oeuf en sa forme ronde

Semble au Ciel, qui peut tout en ses bras enfermer,

Le feu, l'air et la terre, et l'humeur de la mer,

Et sans être compris comprend tout en ce monde. (...)

Et le ciel et les oeufs de blancheur sont couverts.

Je vous donne (en donnant un oeuf) tout l'Univers :

Divin est le présent, s'il vous est agréable.

Mais bien qu'il soit parfait, il ne peut égaler

Votre perfection qui n'a point de semblable,

Dont les Dieux seulement sont dignes de parler.

Pierre de Ronsard

Dans le Jardin des Prébendes à Tours, je suis tombée sur un monument commémoratif à Pierre de Ronsard que le sculpteur Georges Delpérier a sculpté en 1924. Que le « Prince des poètes et poète des princes » me pardonne d’associer son charmant poème au met qui me ferait remuer Ciel et Terre : l’oeuf en gelée !

Quiconque aura premier la main embesognée

A te couper, forêt, d’une dure cognée,

Qu’il puisse s’enferrer de son propre bâton,

Et sente en l’estomac la faim d’Erysichthon,

Qui coupa de Cérès le Chêne vénérable

Et qui gourmand de tout, de tout insatiable,

Les bœufs et les moutons de sa mère égorgea,

Puis, pressé de la faim, soi-même se mangea :

Ainsi puisse engloutir ses rentes et sa terre,

Et se dévore après par les dents de la guerre. (...)

Écoute, bûcheron, arrête un peu le bras;

Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas;

Ne vois-tu pas le sang lequel dégoutte à force

Des nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ?

Contre les bûcherons de la forêt de Gâtine de Ronsard

Mais que Ronsard se rassure, pour cette bûchette au Grand-Marnier, aucune forêt n’a été décimée. Pourtant, quand il m’arrive de penser à son moelleux, à sa crème onctueuse, je sens en mon estomac la faim d’Erysichthon, et je me mords les doigts d’être si loin de la pâtisserie tourangelle qui les vend !