mercredi 22 décembre 2010

The Lethean's influence of exile

Dans les premiers âges du monde, nous le savons, on croyait que chaque territoire était habité et gouverné par ses propres divinités. Un homme pouvait ainsi, en traversant les hauteurs limitrophes, se trouver hors de l’atteinte des dieux de son pays, dont la présence était confinée dans les cours d’eau, sur les collines et au sein des bocages, au milieu desquels il avait vécu depuis sa naissance.

Silas Marner de George Eliot

(Ce corbeau m'a beaucoup plu - Il faisait la vigie)
Il y a 130 ans, le 22 décembre 1880, George Eliot mourait à Londres. Je n’avais jamais lu une ligne d’elle avant jeudi dernier et j’étais loin de me douter que Silas Marner était tisserand, je croyais qu’il s’agissait de l’histoire d’un marin, genre Moby Dick ou Billy Budd ! Qu’est-ce que c’est bien écrit ! Et que ça fait du bien aux méninges de lire des romans profonds, touffus... On ne lit pas, on déchiffre, on décrypte, c’est comme une chasse au trésor. On a envie de le lire à voix haute tellement c’est beau.
Il est quelquefois difficile, même aux personnes dont l’existence a été variée par l’instruction, de maintenir avec fermeté leurs opinions habituelles de la vie, leur foi dans l’invisible, et le sentiment qu’elles ont réellement éprouvé des joies et des chagrins dans le passé, lorsqu’elles sont soudainement transportées dans un nouveau pays. Car, là, les gens qui les environnent ne savent rien de leur histoire et ne partagent aucune de leurs idées, — là, aussi, la terre, leur mère, présente un autre sein, et la vie humaine revêt d’autres formes que celles qui ont donné la nourriture à leurs cœurs. Les âmes arrachées à leur ancienne foi et à leurs anciennes affections, ont peut-être recherché cette influence de l’exil, qui, comme l’eau du Léthé, efface le passé. Elle fait qu’il devient vague, parce que ses symboles se sont tous évanouis, et rend le présent vague également, parce qu’il ne se rattache à aucun souvenir. Mais, même l’expérience de ces âmes peut à peine leur permettre de se figurer entièrement ce que ressentit un simple tisserand comme Silas Marner, quand il quitta son pays et ses amis pour venir s’établir à Raveloe.


Silas Marner de George Eliot (Chap. 2)

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