mercredi 4 juin 2008

Pas vraiment comme sur des roulettes



Prévoir sa journée à l’avance, et se l’imaginer douce et à sa mesure, même pour rire, cela permet de la remettre sur les rails, dès que la réalité veut reprendre ses droits. Mais en même temps, que ce serait ennuyeux d’être un de ces trains modernes aussi prévisibles que celui de la Yurikamome par exemple! Hier, je devais être la poussive micheline d’un petit tortillard de montagne, celui dans lequel le valeureux Hans Castorp a pris place au début de La Montagne Magique de Thomas Mann, pour se rendre de Hambourg à Davos-Platz, dans les Grisons.
Jusqu’à 9h30, ma vie suivait le cours « rêvé » du billet... à part au niveau du temps : il a plu toute la journée. Une pluie fine, insidieuse, pénétrante. Il a fait gris, et cette grisaille déteignait sur les bâtiments et les passants... Impression persistante de jouer dans un film en noir et blanc dont le réalisateur n’a pas eu l’idée, comme dans ces films d’avant-garde, de glisser çà et là une touche de couleur !
Après 9h30 « le voyage, qui s’était poursuivi en ligne droite, d’un grand jet, a commencé à s’éparpiller. Il y a eu des arrêts et des complications. » Au boulot tout le monde était à prendre avec des baguettes, ne sachant plus où donner de la tête, occupé à 2 ou 3 trucs en même temps, des papiers jonchant le sol des bureaux, extirpés de dossiers où l’on s’énervait de « ne plus rien retrouver ». Heureusement que j’ai pu m’extraire de ce tourbillon de stress pour une courte plage de tranquillité et de rires ! Mais il a bien fallu resauter à pieds joints dans le panier de crabes. Et le moment venu de retourner dans ses pénates, suivre un parcours du combattant hérissé d’épreuves en tout genre: traverser une foule compacte, impatiente, trempée, attendant sur le pavé la réouverture de la station Oxford st ; éviter les baleines de parapluie vengeresses ; filer bon train jusqu’à Piccadilly Circus prendre un bus qui sera pris dans les embouteillages ; feuilleter ces horribles tabloïds gratuits, que la pluie avait transformés en torchons, et se taper en pleine page l’affreux visage grêlé d’Amy Winehouse dont ce genre de journaux fait ses choux gras. Ce n’est que deux heures plus tard que cette journée plutôt harassante s’est magiquement dissoute devant « Une femme dont on parle » de Kenji Mizoguchi... L’héroïne de ce film en noir et blanc de 1954, assiste à une représentation de Nô, vêtue d’un kimono d’apparat : l’espace d’un instant, j’ai cru le voir en couleur, dans toute sa splendeur... c’est là que j’ai compris que la locomotive avait enfin rejoint sa voie de garage pour la nuit !

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