La veille de la Sainte-Agnès, ah ! comme le froid était âpre !
Le hibou, malgré toutes ses plumes, était perclus.
Le lièvre boitait, tout tremblant, par l’herbe glacée
Et silencieux était le troupeau dans son bercail laineux.
« St. Agnes! Ah! it is St. Agnes’ Eve »: c’est donc le jour rêvé pour lire le long poème de John Keats (
ici), pour aller voir ou revoir
Bright Star de Jane Campion, et pour noter dans son agenda qu’il faudra me souhaiter « une bonne fête » demain !
Mais quel est donc ce culte de « sainte Agnès ailée » ?
... la veille de Sainte-Agnès
Les jeunes vierges pouvaient avoir des visions délicieuses
Et recevoir la douce adoration de leurs amoureux
Vers l’heure de miel du milieu de la nuit
Si elles savaient accomplir les rites propices !
Sans souper elles devaient reposer leurs beautés,
S’allonger la face au ciel, tels des lys immaculés
Nul regard en arrière ; ni autour d’elles, mais requérir
Du ciel les yeux levés, tous leurs désirs.
Si c’est à Wentworth Place, à Hampstead dans le nord de Londres (maison voisine de celle de Fanny Brawne, et qui est aujourd’hui un musée), que John Keats écrivit ce poème en 1819, c’est à Winchester qu’il y mit les dernières touches. S’est-il inspiré d’une visite à la cathédrale pour les premières strophes? Le « diseur de chapelets » qui n’a « lui, que la dure pénitence en la veille de Sainte-Agnès », défile-t-il près du gisant de ce chevalier inconnu dont je parlais il y a quelques semaines (
ici)?
Il dit sa prière, ce patient, ce saint homme
Puis prend sa lampe, se lève de sur ses genoux
Et s’en vient, maigre, pieds nus, hâve,
A petits pas au long des bas-côtés de la chapelle.
De chaque côté les gisants sculptés semblaient transis
Emprisonnés de sombres grilles de purgatoire ;
Chevaliers, dames, mains jointes, priant en muettes oraisons
Défilaient près de lui ; et son faible esprit défaille à songer
Combien ils doivent souffrir sous ces casques et ces cottes de maille glacées.
Les anges sculptés aux yeux éternellement guetteurs
Épiaient sous les corniches que soutenaient leurs fronts,
Les cheveux soulevés comme par le vent, les ailes croisées sur la poitrine.
Une haute fenêtre dressait là ses trois arceaux
Toute enguirlandée de sculptures,
De fruits, de fleurs et de gerbes de renouée
Et losangée de vitres aux bizarres dessins,
Aux nuances, aux taches splendides innombrables
Comme les ailes d’une phalène tigrée de pourpre sombre
Et au centre parmi cent emblèmes héraldiques
Les saints crépusculaires, le blason pénombreux.
Un bouclier armorié rougissait du sang de reines et de rois.
Au « bitter chill » du premier vers, répond « cold », le dernier mot du poème, c’est pour cela que malgré sa magnifique imagerie, ce poème me fait froid dans le dos ! Et comment ne pas s’inquiéter face au sort de Madeline et Porphyro, ces deux amants qui s’enfuient dans la tempête?: And they are gone: ay, ages long ago/These lovers fled away into the storm... Brrr....