J’ai marché tout droit devant moi en sortant de l’hôtel, j’ai traversé le Marais, sans plan, jusqu’à apercevoir, bouchant l’horizon, le Centre Pompidou. Et je suis allée voir Persécution de Patrice Chéreau au cinéma. Coïncidence, une des scènes du film se passe précisément dans cette rue-là et cela aurait dû m’aider à m’intéresser aux personnages et à leur histoire, mais je ne suis pas du tout « entrée » dans le film. Mon esprit était un peu comme un docteur qui cherche une veine pour faire une piqûre et qui ne la trouve pas : j’essayais j’essayais de toutes mes forces de percer l’écran, de trouver un point de pénétration dans l’histoire de ces fantômes, en vain. Je ne voyais que des détails qui grossissaient grossissaient, et m’agaçaient. Tous les personnages me semblaient sales et négligés, j’avais envie qu’ils se lavent, qu’ils se coupent les cheveux, qu’ils se rasent, qu’ils se shampouinent. J’en avais marre de leurs lèvres inférieures qui tremblotaient quand ils voulaient pleurer et, malheureusement, ils chialaient pour un oui pour un non. J’avais envie de leur crier de s’acheter un bon livre au lieu de se prendre la tête comme ça. Le souffre-douleur de Romain Duris, larmoyant, dramatique, ridicule, insupportable. Il partait dans de grandes envolées lyriques sans queue ni tête. Théâtral, des effets de manche pour du vide. Ils menaient tous une vie ennuyeuse à crever, tous leurs rapports étaient viciés, et je m'en foutais royalement. J’ai décroché dès la scène suivante : Romain Duris rentre chez lui – enfin, une sorte d’entrepôt où il vivote comme un homme des cavernes sauf que la grotte Chauvet c’est quand même plus joli ! – et trouve un inconnu, Jean-Hugues Anglade, artistiquement endormi, cuvant son vin, sur un matelas posé à même le sol. Il est nu comme un ver et tend ses fesses charnues à la caméra – que les Bacchus du Louvre m’ont manqué à ce moment-là! Le reste de son corps est disposé d’une façon si peu naturelle qu’au lieu de crier à l’intrus, on se met à penser au réalisateur dirigeant son acteur jusqu’à lui faire trouver la pose parfaite à ses yeux. Et là je me suis posé la question fatale dans une salle de cinéma, enceinte de l’instinct, du ressentir: Qu’est-ce que cela signifie ? ou simplement en anglais What ? C’en était trop et le film m’est, littéralement « sorti par les yeux ». Peut-être un autre jour, dans un autre lieu, je trouverai ce film bien, mais pas ce jour-là.
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