lundi 4 janvier 2010

La dite Artémis

Salle des Caryatides au Louvre, quel défilé devant la belle statue d’Artémis à la biche ! En 1602 Henri IV demanda que cette statue, « oeuvre romaine d'époque impériale » du 1er ou 2e après J.-C., qui ornait le jardin de la reine au château de Fontainebleau, don du pape Paul IV à Henri II en 1556, soit exposée dans la « Salle des Antiques » du Louvre, c’est-à-dire la même salle où elle trône aujourd’hui en son beau milieu. Fin connaisseur en gente féminine, je ne m’étonne pas que le Vert-Galant ait voulu contempler à loisir la grâce infinie de la déesse grecque de la chasse qui, nous dit-on, « porte une tunique (le chiton) retroussée jusqu'aux genoux afin de faciliter sa course et un manteau (l'himation), passant sur l'épaule gauche, qui embrasse sa taille ». Il ne faut pas s’étonner non plus de la retrouver à Versailles sous le règne de Louis XIV. Je me demande dans quelles conditions elle a fait le voyage du Louvre au château et comment on l’a protégée des soubresauts du chemin. Le Roi Soleil était-il présent quand on l’a installée dans la Grande Galerie ? Dérange-t-on un roi pour cela ? Je l’espère ! En 1798, sous la Convention, Versailles est vidé et l'on peut comprendre que ce chef d’oeuvre n’y "moisisse" pas : revoilà la Diane de Versailles au Louvre.
Mais Artémis n’a pu voir tout ce beau monde se presser à ses pieds – imaginez un peu : de Catherine de Médicis à Marie-Antoinette en passant par la Pompadour et Molière et La Fontaine, Voltaire et Napoléon... - car son regard de marbre est détourné vers son carquois, et tous les Actéon en puissance que nous sommes ne risquent rien cette fois-ci ! Le sculpteur romain l’a saisie à jamais dans le geste de saisir du bout des doigts l’une de ses flèches d’argent. C’est un geste assuré, agile, vif et silencieux car elle vient d’apercevoir un cerf ou une biche qu’il ne s’agit pas d’effaroucher. A ses pieds on pense à La Vénus d’Ille, le conte de Mérimée, et si elle tournait soudain la tête vers nous, là non plus, on ne serait nullement étonnés... Mais ce jour-là on verra toute une bande de cerfs et de biches dévaler les beaux escaliers du Louvre et se disperser vers les Tuileries, la déesse outragée à leurs trousses, ses flèches vengeresses pourfendant l’air!

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