Hier soir je suis allée au théâtre du Barbican voir la Ninagawa Company interpréter en japonais Musashi, une pièce de Hisashi Inoue qui raconte l’histoire de Musashi Miyamoto, un célèbre samouraï (ici) et les suites de son duel contre Kojirō Sasaki (ici). C’était génial. C’était drôle. Le théâtre était plein à craquer de Japonais et c’était bon d’entendre parler cette langue et de se croire à Tokyo. Au début de la pièce (c’est une comédie à la Molière), il suffit d’entendre deux claquements brefs de bouts de bois qu’on entrechoque, suivis d’un « houuuuu houuuu » - les trois coups japonais - pour être plongé directement dans l’histoire.
Cela débute par la fameuse scène du duel entre Musashi et Kojiro, sur la plage de Funashima. On entend le bruit des vagues, il y a un énorme soleil rouge. On dirait une estampe de Kuniyoshi. La pièce est ensuite plongée dans le noir, pour marquer les années qui passent, et puis quand la lumière se rallume, on voit une forêt de bambou qui s’avance vers nous (j’ai pensé au film de Kurosawa, Le château de l’araignée) : c’est le décor que l’on met en place, en musique, dans des lumières bleues mouvantes, tournoyantes, comme celles d’un manège de fête foraine. Les arbres sont plantés sur de petites îles, que des hommes en noir font valser avec les bâtiments en bois d’un temple, avant de les immobiliser. C’est un véritable ballet nautique ou d’auto-tamponneuses qui s’évitent, car le sol de la scène est pareil à une mer ou un lac. Est-ce cela qu’on appelle le monde flottant (ukiyo-e), le monde des divertissements, des saltimbanques, du kabuki, des geishas, des maisons de thé ? Sans doute. Cette métaphore scénique est d’une beauté qui nous laisse pantois.
Quand la lumière se fait, nous sommes en août, dans une forêt de bambou avec ce chant entêtant des cigales, et les cris des corbeaux que j’aime tant. L’illusion est parfaite. Des personnages (une ancienne geisha, un samouraï-poète de la suite du Shogun, une auteure dramatique, et Musashi) sont en retraite dans le temple Horenji de Kamakura, « le plus petit temple mais aussi le plus grand » selon la réplique qui ouvre et clôt la pièce.
Arrive Kojiro qui vient prendre sa revanche sur Musashi, et le but de la pièce c’est d’empêcher les deux samouraïs de s’entretuer. On s’apercevra à la fin que tout ce que nous venons de vivre est une comédie jouée par des fantômes morts à la fleur de l’âge. Au lieu de hanter Kojiro et Musashi, ils ont préféré jouer et mettre en scène cette pièce. Comme Musashi et Kojiro deviennent amis, l’enchantement est brisé et toutes ces âmes en peine peuvent enfin « devenir bouddhas ».
Une des scènes les plus drôles c’est quand Kojiro veut enseigner aux autres sa technique dite Tsubamegaeshi (imiter le mouvement d'une hirondelle). Même l’abbé qui prône la non-violence se laisse prendre, et cela devient un ballet, sur une musique de tango. C’était hilarant mais si beau qu’on hésitait entre le rire et l’émerveillement.
Une autre c’est la « danse de la pieuvre » tandis que l’ancienne geisha raconte avec moult détails sa prise dans les filets des pêcheurs, son agonie, et sa dégustation avec du Wasabi !
Donc ce matin, le Japon « pointe sa corne en moi », je nage dans mes souvenirs de Kamakura, je veux lire du Tanizaki, voir un film d’Ozu, me remettre au Japonais... même Gauguin et Van Gogh s’en mêlent qui voient dans la Provence une province du Japon ! Et dans un mois je vais à un spectacle de kabuki !
Cela débute par la fameuse scène du duel entre Musashi et Kojiro, sur la plage de Funashima. On entend le bruit des vagues, il y a un énorme soleil rouge. On dirait une estampe de Kuniyoshi. La pièce est ensuite plongée dans le noir, pour marquer les années qui passent, et puis quand la lumière se rallume, on voit une forêt de bambou qui s’avance vers nous (j’ai pensé au film de Kurosawa, Le château de l’araignée) : c’est le décor que l’on met en place, en musique, dans des lumières bleues mouvantes, tournoyantes, comme celles d’un manège de fête foraine. Les arbres sont plantés sur de petites îles, que des hommes en noir font valser avec les bâtiments en bois d’un temple, avant de les immobiliser. C’est un véritable ballet nautique ou d’auto-tamponneuses qui s’évitent, car le sol de la scène est pareil à une mer ou un lac. Est-ce cela qu’on appelle le monde flottant (ukiyo-e), le monde des divertissements, des saltimbanques, du kabuki, des geishas, des maisons de thé ? Sans doute. Cette métaphore scénique est d’une beauté qui nous laisse pantois.
Quand la lumière se fait, nous sommes en août, dans une forêt de bambou avec ce chant entêtant des cigales, et les cris des corbeaux que j’aime tant. L’illusion est parfaite. Des personnages (une ancienne geisha, un samouraï-poète de la suite du Shogun, une auteure dramatique, et Musashi) sont en retraite dans le temple Horenji de Kamakura, « le plus petit temple mais aussi le plus grand » selon la réplique qui ouvre et clôt la pièce.
Arrive Kojiro qui vient prendre sa revanche sur Musashi, et le but de la pièce c’est d’empêcher les deux samouraïs de s’entretuer. On s’apercevra à la fin que tout ce que nous venons de vivre est une comédie jouée par des fantômes morts à la fleur de l’âge. Au lieu de hanter Kojiro et Musashi, ils ont préféré jouer et mettre en scène cette pièce. Comme Musashi et Kojiro deviennent amis, l’enchantement est brisé et toutes ces âmes en peine peuvent enfin « devenir bouddhas ».
Une des scènes les plus drôles c’est quand Kojiro veut enseigner aux autres sa technique dite Tsubamegaeshi (imiter le mouvement d'une hirondelle). Même l’abbé qui prône la non-violence se laisse prendre, et cela devient un ballet, sur une musique de tango. C’était hilarant mais si beau qu’on hésitait entre le rire et l’émerveillement.
Une autre c’est la « danse de la pieuvre » tandis que l’ancienne geisha raconte avec moult détails sa prise dans les filets des pêcheurs, son agonie, et sa dégustation avec du Wasabi !
Donc ce matin, le Japon « pointe sa corne en moi », je nage dans mes souvenirs de Kamakura, je veux lire du Tanizaki, voir un film d’Ozu, me remettre au Japonais... même Gauguin et Van Gogh s’en mêlent qui voient dans la Provence une province du Japon ! Et dans un mois je vais à un spectacle de kabuki !
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