Mon premier été à Londres, j’avais trouvé un petit boulot d’enquêtes par téléphone où je gagnais une fortune (£5 de l’heure !) pour appeler dans toute la France des chefs d’entreprise, des directeurs commerciaux ou des artisans, et leur poser des questions fascinantes sur les différents bois, les marques de peintures ou les motoculteurs qu'ils utilisaient.
Je travaillais tous les jours sauf le week-end, partais très tôt le matin – Oxford Circus, à 7h30 du matin en été, c’est extraordinaire - et rentrais vers 19h. J’avais une heure de pause déjeuner où j’allais m’acheter un sandwich au saumon fumé. Je ne me lassais pas de manger du saumon fumé tous les jours, pour trois fois rien, alors que jusque-là je n’en trouvais dans mon assiette qu’au Nouvel An, et encore, une tranche presque transparente.
A Tours, je n’avais jamais pu obtenir de job d’été. Il y en avait peu et j’étais trop nouvelle dans la ville pour bénéficier du moindre piston. J'avais une petite chambre chez un couple de logeurs qui fouinaient dans mes affaires. Je dépendais de mon père pour toutes mes dépenses.
A Londres, je logeais dans un superbe appartement de Notting Hill, prêté par une amie. Je ne payais encore ni impôts, ni loyer. J’avais à la banque plus d’argent que je n’en avais jamais eu de ma vie. En septembre, j’allais obtenir mon diplôme de Maîtrise et dans la foulée donner des cours dans deux facs londoniennes après seulement une année en tant qu’assistante, où je m’étais aussi épanouie que les lotus de l’étang de Shinobazu au printemps, parmi des gens qui m’avaient accueillie les bras ouverts. Je jouissais d’une liberté sans bornes. La vie était un jeu étourdissant.
Je n’ai jamais oublié ce premier travail, mais le lieu exact où il se trouvait s’est effacé malgré moi de mon souvenir - surtout que la physionomie du quartier a beaucoup subi de liftings. La mémoire m’est soudain revenue vendredi dernier, en passant pour la énième fois à M... très tôt le matin, pour aller prendre un café à deux pas de la fac. Je me suis soudain rappelé que l’entreprise s’appelait M... aussi, et il ne m’a fallu que trente secondes pour en repérer la porte d’entrée devant laquelle je passe régulièrement depuis plusieurs années sans que cela ne m'interpelle.
Je n’ai jamais oublié ce premier travail, mais le lieu exact où il se trouvait s’est effacé malgré moi de mon souvenir - surtout que la physionomie du quartier a beaucoup subi de liftings. La mémoire m’est soudain revenue vendredi dernier, en passant pour la énième fois à M... très tôt le matin, pour aller prendre un café à deux pas de la fac. Je me suis soudain rappelé que l’entreprise s’appelait M... aussi, et il ne m’a fallu que trente secondes pour en repérer la porte d’entrée devant laquelle je passe régulièrement depuis plusieurs années sans que cela ne m'interpelle.
Si ma mémoire s’est soudain réveillée c’est peut-être parce qu’en ce moment, sous ce beau soleil prinatnier, ce que je ressens est proche des sentiments qui agitaient cette jeune Agnès de 24 ans, à qui une nouvelle vie pleine de surprises tendait les bras et qui s’y jetait, insouciante.
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