mercredi 8 avril 2009

Chassés-croisés à travers le temps

Quand le pousse pousse (jinrikisha) de Lafcadio Hearn s’arrêta devant le Engaku-ji de Kita-Kamakura au printemps 1890 - la voie ferrée qui passe devant le temple devait être en construction - c’est un temple pas très différent de celui que j’ai visité qu’il a pu admirer, malgré les incendies et les tremblements de terre que celui-ci a essuyés depuis.Si je n’ai vu aucune des rizières décrites par Lafcadio Hearn, les cèdres, les pins, les bambous sont toujours là :
Beyond the Engaku-ji temple extends an immense grove of trees--ancient cedars and pines--with splendid bamboos thickly planted between them, rising perpendicularly as masts to mix their plumes with the foliage of the giants: the effect is tropical, magnificent.Ozu n’était pas encore né (il le sera 13 ans plus tard) et Lafcadio n’a pas escaladé le chemin de terre du cimetière mais celui, tout proche, qui mène à la grande cloche (o-kane). Une chose est incontestablement identique : il faisait aussi beau pour lui que pour moi - « The land lies glorified in a joy of sunshine » note-t-il.Content de sa visite, il est remonté dans son pousse pousse – j’ai fait le chemin à pied – pour se rendre au centre de Kamakura. En chemin, il s’est arrêté dans plusieurs temples où je n’ai pas mis les pieds. Kamakura n’était alors qu’un village :
A long, straggling country village, between low wooded hills, with a canal passing through it. In the lukewarm air a mingling of Japanese odours, smells of sake, smells of seaweed soup, smells of daikon, the strong native radish; and dominating all, a sweet, thick, heavy scent of incense,--incense from the shrines of gods.A Kamakura, Lafcadio Hearn est accablé de constater que ce hameau n’était plus la superbe capitale du puissant shogun Yoritomo, avec ses millions d’habitants. Seuls quelques temples avaient survécu aux guerres du passé :
And yet a sense of melancholy, of desolation unspeakable, weighs upon me. For this mouldering hamlet represents all that remains of the million-peopled streets of Yoritomo's capital, the mighty city of the Shogunate, the ancient seat of feudal power, whither came the envoys of Kublai Khan demanding tribute, to lose their heads for their temerity. And only some of the unnumbered temples of the once magnificent city now remain, saved from the conflagrations of the fifteenth and sixteenth centuries. Les temples étaient en ruine, les rizières désolées, et le chant des grenouilles avait remplacé le murmure de la mer, dans "cette ville qui n’existe plus" :
Here still dwell the ancient gods in the great silence of their decaying temples, surrounded by desolations of rice-fields, where the chanting of frogs replaces the sea-like murmur of the city that was and is not.
Pour imaginer la magnificence de Kamakura, il faut remonter à 1289, quand Dame Nijô se trouvait parmi la foule dense qui jouait des coudes avenue Wakamiya-Koji pour tenter d’apercevoir le nouveau Shogun :
L’arrivée du Shōgun (le prince-général Koreyasu) et de sa suite était, dans un tel lieu, vraiment impressionnante. Les seigneurs défilaient tous en tunique de chasse ; l’on voyait aussi des soldats de l’escorte revêtus de courtes vestes de guerriers : la variété de leurs tenues était vraiment étonnante.

Si Lafcadio n’a pas visité le sanctuaire Tsurugaoka Hachiman-gū (ci-dessus), Dame Nijô et moi-même, oui – mais pas ensemble! :
J’aperçus au loin le jeune sanctuaire (Tsurugaoka Hachiman-gû), dont le dieu avait promis de protéger « plus que les autres clans » la famille dans laquelle le destin m’a fait naître. Je dus convenir que le site, avec la vue lointaine qu’il offrait sur la mer, était plus remarquable que le paysage du mont Otoko. (ici)

Dame Nijô, elle, venait de Hase et d’Enoshima: Le lendemain, j’entrais à Kamakura. Contrairement à la vue que l’on découvre sur la capitale (Kyoto) du sommet des monts de l’Orient, ici, les maisons qui s’étageaient sur les pentes semblaient entassées comme des objets jetés au fond d’un sac.

Tandis que Lafcadio et moi avons quitté Kamakura pour aller à Hase et Enoshima. Lui dans son fidèle pousse pousse, et moi en train, par la ligne Enoden qui se cache derrière la gare de Kamakura. Lafcadio Hearn aimerait la charmante ville qu’est devenue Kamakura aujourd’hui !

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