Quel bonheur pour vous
D’avoir eaux, ombrages, fleuves et arbres
Le Jardin de la Félicité n’est ailleurs que dans votre territoire.
Ibn Khafâja Xe siècle
Même la reine Elizabeth 1ère d’Angleterre connaissait l’existence de La Herradura ! On trouve dans sa correspondance la mention d’un naufrage qui eut lieu au large de la plage: Philippe II avait décidé d'envoyer vingt-huit gallions vers la place forte espagnole d'Oran qui avait besoin d’argent et d’armes pour lutter contre les pirates. Peu après avoir quitté le port de Málaga, cette armada fut prise dans une terrible tempête. Le 19 octobre 1562, vingt-cinq d'entre eux sombrèrent corps et âmes au large de La Herradura. 5000 marins et soldats périrent dans ce naufrage dont les épaves gisent encore au fond de la mer.
Je ne saurais sans doute jamais pourquoi nous avions pris l’habitude d’aller sur cette plage de galets au lieu de rester les pieds en éventail sur celles de sable blond du village. Sûrement pas pour ces faits historiques qui ne faisaient rêver que moi sur ma serviette de plage ! Peut-être parce que, jusqu’à encore très récemment, elle n’était pas trop fréquentée. L’eau nous y semblait plus bleue et plus chaude qu’ailleurs. Que les galets nous écorchent la plante des pieds nous importait peu.
A la route à trois voies qu’on emprunte pour y aller aujourd’hui, je préférais de loin celle qui serpentait dangereusement sur la colline, avec ses vues plongeantes sur la mer. Nous laissions les fenêtres de la voiture ouvertes et je me souviens de l’odeur des pins qui nous accompagnait jusqu’à une étrange sculpture de pastèque éclatée, au carrefour avec la route qui menait au village.
Un de nos passe-temps favoris, entre deux baignades, était de ramasser des coquillages et des tessons de verre poli. Ces derniers, qui nous paraissaient au bord de l’eau être des émeraudes, des rubis et des saphirs, avaient repris leur aspect roturier quand on les retirait de nos poches le soir même.
Quand j’étais sur la plage de Zushi, au Japon, je lui trouvais de faux airs de Herradura. Sa mer bleue, son ciel azur, ses collines couvertes de pins, ses petites maisons blanches... L’illusion aurait été parfaite si, aux verres polis que j’y ai trouvés, ne s’étaient pas mêlés des coquillages aux formes exotiques, qu’on ne trouve pas sur les côtes andalouses !
Les hameaux d’Al-Andalous apparaissent au milieu
de la verdure des vergers
Comme des perles blanches enfouies au milieu d’émeraudes
Ibn al-Hammâra Xe siècle
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