vendredi 17 avril 2009

Energisantes

Ce jour-là, à quelques heures d’intervalles, j’ai été fortement émue.
Tout d’abord par la pièce de théâtre Death and the King’s Horseman de Wole Soyinka, auteur nigérian et premier Prix Nobel de Littérature africain, que j’ai vue au National Theatre (ici). Quand on s’installe dans le théâtre, sur la scène, on aperçoit des statues en cuivre ou en bois. Quand la pièce commence, au milieu des danses et des chants, au bruit des tambours, dans les cris, les poursuites, ces statues disparaissent comme par enchantement, emportées par les comédiens. C’est à peine si on s’en aperçoit. A un moment, la scène est arpentée dans tous les sens par des êtres en chair et en os, c’est un marché africain, il y a des cages en rotin, des fruits et des légumes, et au-dessus des têtes, des calebasses, des ballots, des tissus chatoyants, de longs colliers qui me faisaient envie. La façon dont tout cela se met en place est époustouflante. Mais ce qui m’a cloué sur place ce sont les derniers mots de la pièce que je cite de mémoire : Le temps est venu d’oublier les morts ! Il faut même oublier les vivants et se concentrer sur ce qui est à venir (the unborn) ! Puis cela a été au tour d'Eté précoce de Ozu de m'émouvoir: vers la fin du film, Noriko annonce à son patron, qui s’est assis près d’elle, qu’elle va se marier, qu’elle quitte Tokyo et la maison familiale de Kamakura, pour suivre son mari à Akita. Il se lève pour retourner s’asseoir à son bureau. Il passe devant la fenêtre et il jette un coup d’oeil dans la rue : « Hé regarde bien... ça, c’est Tokyo. » Elle s’approche, suit son regard. Mais que peuvent-ils voir, qui rende leurs deux visages aussi radieux, comme éclairés par un rayon de soleil ? Il continue : « C’est plutôt pas mal, non ? » Elle ne dit mot. La caméra s’approche enfin de la fenêtre, et alors qu’on s’attend vraiment à voir quelque chose d’extraordinaire, il ne s’agit que d’une rue banale, bordée de grands bâtiments, avec deux ou trois voitures qui passent. Noriko se tait peut-être parce qu’il serait trop long d’expliquer à cet homme qu’elle a trouvé le bonheur et que quitter Tokyo pour Akita n’est pas aussi douloureux que ça.

3 commentaires:

asiemutée a dit…

Ozu n'en finit pas de m'émouvoir ... il me semble que c'est dans la dernière scène de ce film que le couple regarde passer le train qui repart vers Tokyo ...

Agnès a dit…

Non, dans la derniere scene elle est avec sa belle-soeur sur une plage de Kamakura, elles enlevent leurs chaussures et marchent au bord de l'eau.

asiemutée a dit…

En effet Agnès, je me suis trompée de saison ;)) je voulais parler du plan de fin de Printemps Précoce ...