"La modestie" dans Explorateurs de l’abîme d’Enrique Vila-Matas
Je les avais déjà remarqués à l’arrêt de bus. Ils ne s’abritaient pas de la pluie et du froid comme nous. Elle, très grande, vraisemblablement Scandinave. Lui était Britannique. Il devait revenir de vacances au soleil : il avait le visage cuivré, virant au rouge, tant il avait pris de coups de soleil. Le bus était bondé et tous ceux qui pouvaient entendre leur conversation regardaient ailleurs, gênés.
« Tu es de quel signe astrologique ? » lui a-t-il demandé. Elle semblait ne pas comprendre. Il insiste : « Tu es née quand, quel mois ? »
- En février
- Mais c’est quand ton anniversaire ? »
Elle répond, évasive : « Vers la mi-février. » Agacée : « Pourquoi veux-tu savoir ça ? »
Il ne tient pas compte de sa remarque : « Tu es Verseau alors... »
Elle éclate d’un rire sarcastique : « Mais je ne crois pas à ces trucs là ! »
Il répond en se contredisant : « Moi non plus ! mais c’est une indication... on dit que les Verseaux sont rêveurs, qu’ils sont dans leur propre monde ...
- Mais ça ne veut rien dire ! Tous les gens nés sous le signe du Verseau seraient pareils ? Tu plaisantes ! J’ai horreur qu’on mettre des gens dans des cases ! »
Lui, sentant le terrain miné, change de conversation, et, tout fier : « Tu connais Gottenburg ? J’y suis allé ! »
Elle devait avoir une piètre opinion de lui ou bien le connaître car elle a dit d’une voix très ironique : « Faire la tournée des pubs je parie ! »
Lui a répondu, penaud : « Non, visiter une usine. »
J’ai avisé une place, dans le fond du bus, et je m’y suis précipitée. Tomberaient-ils amoureux, malgré ce faux départ ?
J’avais oublié combien c’était bon de paresser à la terrasse d’un café, de voir le temps virer du bleu au gris, et de parler de tout et de rien: d’Alain Bernard sortant d’un bassin à Pékin, de la lutte gréco-romaine, des pluies d’été à Singapour et Bali et des parapluies transparents de Tokyo, des livres d’Obama et de la maison de Victor Hugo...« Tu es de quel signe astrologique ? » lui a-t-il demandé. Elle semblait ne pas comprendre. Il insiste : « Tu es née quand, quel mois ? »
- En février
- Mais c’est quand ton anniversaire ? »
Elle répond, évasive : « Vers la mi-février. » Agacée : « Pourquoi veux-tu savoir ça ? »
Il ne tient pas compte de sa remarque : « Tu es Verseau alors... »
Elle éclate d’un rire sarcastique : « Mais je ne crois pas à ces trucs là ! »
Il répond en se contredisant : « Moi non plus ! mais c’est une indication... on dit que les Verseaux sont rêveurs, qu’ils sont dans leur propre monde ...
- Mais ça ne veut rien dire ! Tous les gens nés sous le signe du Verseau seraient pareils ? Tu plaisantes ! J’ai horreur qu’on mettre des gens dans des cases ! »
Lui, sentant le terrain miné, change de conversation, et, tout fier : « Tu connais Gottenburg ? J’y suis allé ! »
Elle devait avoir une piètre opinion de lui ou bien le connaître car elle a dit d’une voix très ironique : « Faire la tournée des pubs je parie ! »
Lui a répondu, penaud : « Non, visiter une usine. »
J’ai avisé une place, dans le fond du bus, et je m’y suis précipitée. Tomberaient-ils amoureux, malgré ce faux départ ?
A la table d’en face, un homme semblait s’ennuyer à mourir. Muet, il regardait avec des yeux noirs ses deux compagnons, un homme très bavard et une femme rousse. Le bavard a dit à un moment : « Si je la quitte je perds tout, et je dors dans la rue ». Quand ils sont partis, une Américaine blonde, chic dans son costume vert-pomme, ruisselante de diamants – elle avait notamment un magnifique bracelet et des bagues énormes - s’est installée à leur place avec un homme et des enfants. G. m’a dit qu’elle travaillait à la télé anglaise. On sentait la femme de tête en elle. Elle parlait à cet homme d’un ton agacé, consultait son portable sans cesse. Moi, je me sentais vraiment en vacances et loin de tout, à deux pas de chez moi.
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