Et puis je suis tombée sur cette toile de Foujita, peinte en 1949 à Montparnasse, et intitulée simplement « Au Café » : j’ai été émue aux larmes. Et mon coeur se serre encore en pensant à cette émotion incroyable que j’ai eue à l’époque. La carte de gauche vient de Tokyo, de la boutique du musée, et celle de droite de Paris, mon magasin de cartes préféré qui se trouve aux Halles, juste en face du Centre Georges Pompidou. On peut y déceler quelques différences au niveau de la couleur, et de la taille: celle de Paris est plus large et plus nette et celle de Tokyo, plus pâle, a de plus grandes marges.
J’avais acheté à Paris la reproduction de ce tableau, sans vraiment la regarder et en gardant la carte pour moi. Je crois qu’à l’époque je me projetais déjà dans cette jeune femme qui faisait sa correspondance, écrivait son Journal ou bouquinait dans un café, et qui reste là, perdue dans ses pensées.
Si à Tokyo mon coeur s’est serré devant le tableau lui-même, c’est d’abord parce que j’ai réalisé que j’étais au Japon justement, et je me suis vraiment sentie dépaysée. Il y a eu comme un télescopage du temps et de l’espace. Oui, j’ai eu le vertige. Mais c’était un sentiment exaltant. Si ce tableau m’a émue, c’est parce que j’ai vu, pour la première fois, la lettre sur la table, les taches d’encre sur le buvard : peut-être est-ce une lettre de rupture et des larmes ont coulé sur le papier ? J’ai pris en plein coeur la mélancolie qui se dégage pour moi de cette toile et de son personnage. Je me suis dit que si elle m’avait plu au départ, c’était surtout parce que j’étais moi-même triste à l’époque. C’est triste de penser qu’on a été aussi triste, presque à son insu, et émouvant de s’apercevoir le chemin parcouru depuis.
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