vendredi 18 juillet 2008

L'Halloumi de mes amis

Une nouvelle, c'est de la concision, du brut. Du coup de poing. Quelques pages, et puis voilà. Carver ne plante pas de décor, ne dit rien du lieu, ou à peine, une cuisine, une table, ne dit rien de ses personnages, ou à peine. Qu'importe d'où ils viennent, qu'importe leur passé, seul compte l'instant présent - un silence, un geste, trois mots -, la marque de fabrique Carver. L'écrivain met ses personnages - d'autres lui-même - en images. Il avance plan par plan, les emmène au bout de leur histoire, celle qu'il a imaginée, ou glanée, pour eux. Et les plante. Au lecteur de faire le reste : accepter d'être chamboulé par cette prose incandescente, accepter de devenir accro, comme toute une ribambelle d'écrivains [dont] Haruki Murakami, qui traduisit le « grand Ray ».

Martine Laval (ICI)
J'adore le halloumi même en photo
J’imagine mal un personnage de Raymond Carver échoué dans ce petit café grec de Hornsey. Le silence n’y a pas droit de cité car l’exubérance toute méditerranéenne de la patronne déteint sur ses clients. Aucune peine ne résiste aux parfums des pulpeuses tomates farcies, du halloumi à la plancha et des grillades. Le plus solennel des clients poussant sa porte se déride instantanément : on l’accueille par de grands « Hello my friend ! » et l’amphitryonne lui prodigue tant de mamours que c’est toujours à regret que l’on quitte cette jolie salle exiguë, aux murs pleins de soleil. Mais maintenant que j’y pense, il y avait, à la table voisine, un homme aux traits creusés qui restait insensible dans tout ce tumulte...

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