Une nouvelle, c'est de la concision, du brut. Du coup de poing. Quelques pages, et puis voilà. Carver ne plante pas de décor, ne dit rien du lieu, ou à peine, une cuisine, une table, ne dit rien de ses personnages, ou à peine. Qu'importe d'où ils viennent, qu'importe leur passé, seul compte l'instant présent - un silence, un geste, trois mots -, la marque de fabrique Carver. L'écrivain met ses personnages - d'autres lui-même - en images. Il avance plan par plan, les emmène au bout de leur histoire, celle qu'il a imaginée, ou glanée, pour eux. Et les plante. Au lecteur de faire le reste : accepter d'être chamboulé par cette prose incandescente, accepter de devenir accro, comme toute une ribambelle d'écrivains [dont] Haruki Murakami, qui traduisit le « grand Ray ».
Martine Laval (ICI)
J'adore le halloumi même en photo
J’imagine mal un personnage de Raymond Carver échoué dans ce petit café grec de Hornsey. Le silence n’y a pas droit de cité car l’exubérance toute méditerranéenne de la patronne déteint sur ses clients. Aucune peine ne résiste aux parfums des pulpeuses tomates farcies, du halloumi à la plancha et des grillades. Le plus solennel des clients poussant sa porte se déride instantanément : on l’accueille par de grands « Hello my friend ! » et l’amphitryonne lui prodigue tant de mamours que c’est toujours à regret que l’on quitte cette jolie salle exiguë, aux murs pleins de soleil. Mais maintenant que j’y pense, il y avait, à la table voisine, un homme aux traits creusés qui restait insensible dans tout ce tumulte...
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