samedi 5 juillet 2008

Bijoux du cinéma japonais: première séance


J’aime ce moment où je m’assois dans une salle, avec pour seul bagage un vague titre écrit dans une langue étrangère. Je ne sais rien d’autre, tout est alors possible, l’inconnu s’ouvre à moi. Et là je tombe en pâmoison devant une œuvre de toute beauté. Une œuvre sortie de nulle part que je m’approprie comme de l’or pur. Dans ces moments-là, la magie ressentie rappelle la découverte d’un territoire inexploré.

Cinémanies : Le fond de l’oeil effraie
Jacques Morice, Télérama, 20/04/2008 (ICI)

Je crois que le dernier film qui m’avait fait autant rire, jusqu’aux larmes, avant Shiawase no Kīroi Hankachi (The Yellow handkerchief ou Le Mouchoir jaune du bonheur) de Yoji Yamada vu hier soir au BFI, c’était La Maison hantée de Buster Keaton. En plus, je m’attendais plutôt à pleurer comme une madeleine, par excès de romantisme, car on disait partout que ce road movie initiatique, qui se déroule à Hokkaido, était un mélo auquel personne ne pouvait rester insensible... Pourtant, je n’ai pas versé la moindre petite larme au dénouement parce qu’il suffisait d’avoir le sens de l’observation pour le deviner. Ce qui m’a donné le fou rire, c’est quand l’empoté mais touchant Kinya ne digère pas le crabe qu’il a mangé avec tant de délectation - avec les conséquences douloureuses qu’on imagine - ce qui entraîne Akemi, une fofolle au coeur brisé, à prendre le volant et à mettre la voiture dans le fossé, tout cela sous l’oeil consterné du beau et discret Yusaku Shima, joué par le génial Ken Takakura, qui vient tout juste de sortir de prison. D’ailleurs, j’aurais aimé apprendre cela en même temps que les personnages: qu’aurais-je alors mentalement construit autour de cet homme digne et las, qui savoure sa première bière d’homme libre avec un bonheur évident, et avale ses udons avec tant de grands sluuurps de satisfaction? Les raisons de son séjour derrière les barreaux nous sont dévoilées au fur et à mesure que ce trio infernal sillonne Hokkaido. Le village minier de Yubari, où Yusaku vivait avec sa femme, les attire comme un aimant, mais avant qu’ils l’atteignent enfin, nous verrons leur périple changer constamment de direction, avec la menace omniprésente qu’un des personnages ne jette l’éponge et prenne le train... Une autre chose que j’ai adorée, c’était la bande son de tubes japonais des 70ies comme le duo Pink Lady (ICI). J’entendais des bribes de conversation en japonais autour de moi, dans ce moment calme qui précède le film, et les murs noirs, les spots rouges, et le rideau carmin qui cachait l’écran, m’ont donné l’impression étrange d’être dans la salle de cinéma du Bunkamura à Tokyo. Dans un bien-être complet, j’ai savouré cette illusion, osant à peine respirer de peur qu’elle ne s’évanouisse, jusqu’à ce que la salle ne soit plongée dans le noir et que commence le générique de la Shochiku dont j'aime les couleurs criardes très kitsch et son admirable Mont Fuji.

Aucun commentaire: