vendredi 11 juillet 2008

Paradis artificiels

Bien que je ne sois plus une enfant, je suis toujours amoureuse de cartes, d’estampes, et de guides de voyage - ces derniers qui s’accumulent sur mes étagères. A la clarté de ma lampe, ça me plaît d’imaginer des périples dans le vaste monde. J’ai peut-être raté ma vocation... Pendant longtemps je me suis contentée d’ailleurs d’imaginer ces bijoux merveilleux, faits d’astres et d’éthers que l’on rencontre loin de chez soi. Je me souviens de ces voyages comme si je les avais réellement faits, ainsi que de l’époque où, pour ne pas être changée en bête, grâce à mon imagination, je m’enivrais d’espace et de lumière et de cieux embrasés. Quand je n’avais pas les moyens de voyager, quand Internet n’existait pas, ado ou étudiante, je voyageais sans vapeur et sans voile en scrutant les cartes de l’Atlas de l’ Encyclopaedia Universalis. A Tours, je trouvais une bizarre ressemblance entre le bâtiment de la bibliothèque sur les quais de la Loire et le Mausolée Lénine à Moscou : j’avais fait de savants calculs pour mesurer où se trouverait ma maison si j’habitais là-bas et si la bibliothèque était sur la Place Rouge, en superposant le plan de Tours sur celui de Moscou. Il faut dire que j’apprenais le russe à la fac, et j’avais comme ça l’impression de vivre à l’heure russe ! Quand plus tard je me suis mise à étudier la Chine des Tang, je recherchais sur l’Atlas les noms de tous les lieux mentionnés dans les documents que l’on nous distribuait. Je connaissais par coeur la moindre étape de la Route de la Soie que j’avais suivie du doigt, ce qui a ébahi mon prof à l’oral et m’a valu une note extraordinaire !
Vous comprendrez donc que cette nouvelle inespérée (ICI), selon laquelle Londres aura un petit air de Tokyo quand les passages pour piétons d’Oxford Circus seront transformés en Shibuya Crossing, me comble de joie. Traverser Oxford-Shibuya en allant à la fac fera passer dans mon esprit, tendu comme une toile, mes souvenirs du Japon avec leurs cadres d’horizons. Ô pauvre amoureuse de pays chimériques ! Faut-il me mettre aux fers ou me jeter à la mer ? (Si vous avez reconnu dans le texte des extraits du Voyage de Baudelaire, vous n'avez pas eu la berlue!)

2 commentaires:

Gwen a dit…

Tout en haut de la bibliothèque de Tours, il y a une salle entièrement vitrée où, une fois par semaine, j'allais suivre un cours d'ancien français.
Le bâtiment, alors, perdait ses aspects soviétiques pour adopter ceux d'un phare surplombant la Loire.
Une fois par semaine, j'aimais presque l'ancien français...

Agnès a dit…

On s’est peut-être croisées dans les rues de Tours, c’est marrant ! Je crois que je ne suis entrée qu’une fois dans cette bibliothèque : pour emprunter des disques de Barbara. Je me demande pourquoi elle a ce look soviétique?