L’escalier embaumait le rôti de veau aux pruneaux. Bien sûr, s’il ne m’avait pas dit que c’était ce qu’il y avait au menu, je ne l’aurais pas deviné, j’aurais seulement pensé que ça sentait délicieusement bon.Dans la cuisine je lui ai dit « Chouette du rôti de veau aux pruneaux ! »Tout à ses fourneaux, je ne sais pas s’il s’est rendu compte que c’était une réplique de Jacquot de Nantes d’Agnès Varda. Je suis gourmande, cela n’étonnera personne, mais faire la cuisine ne m’intéresse absolument pas. Au fil des années j’ai compris que cela était dû au fait que ma mère n’avait pas eu le temps de me transmettre ce savoir et ces gestes. Et que, quelque part, je me les interdit.Peut-être, si elle n’avait pas quitté ce monde si tôt, serais-je aujourd’hui une vraie cordon bleu, connue parmi mes amis pour ma tarte au citron meringuée, mon tajine au citron, et mes oeufs mimosas ? C’est pourquoi je suis en admiration devant ceux qui me préparent de bons petits plats, à qui ça fait plaisir de me contenter, qui sondent mes goûts culinaires, et se mettent en quatre pour leur donner vie. Ça me paraît extraordinaire, c'est un véritable don que l'on me fait et qui relève, pour moi, d’opérations proches de l’Alchimie.
Quand je le lui ai fait remarquer il m’a répondu: « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ». Savait-il que c’est aussi une phrase que l’on entend dans Jacquot de Nantes, réplique d’un film - serait-ce Les Visiteurs du soir ? - que va voir le petit Jacques Demy au cinéma Olympic de Nantes ?
Tout cela m'a donné envie de lui chanter sur tous les tons, comme une des Demoiselles de Rochefort : Qu'il était grand, qu'il était beau, qu'il sentait bon les pruneaux, ton rôti de veau !
Quand le train entra dans l’agglomération de Tôkyô, c’était l’heure où l’animation dans la ville atteignait son apogée, avec ses enseignes qui s’illuminaient bien avant que ne commençât la soirée. Sur le pont Ôhashi, sous les lampadaires qui venaient d’être allumés, les passants allaient fébrilement en quête de divertissements : je regardais ce fourmillement incessant. A cet instant-là, à l’entrée du pont, des lampes bleues s’éclairèrent toutes ensemble aux fenêtres d’une banque.
Une histoire sur un promontoire de Yukio Mishima
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