Au Moyen-Age, les Kawaramonos appartenaient à la classe la plus basse de la société japonaise. Méprisés et ostracisés – ils s’occupaient de la viande et des cadavres - leur nom signifie : « ceux qui habitent les berges de la rivière». Ils vivaient sur les seules terres qui n’appartenaient à personne car elles étaient inondables, difficiles à cultiver, insalubres. On a du mal à l’imaginer quand on contemple la Kamogawa à Kyoto.Ce jour-là, j’étais allée de bon matin me promener à l’ouest de Kyoto, du côté du Pavillon d’or (Kinkaku-ji) et du jardin de pierre du Ryōan-ji. Et puis j’ai traversé la ville pour aller vers l’est, découvrir enfin le Pavillon d’argent (Ginkaku-ji) sur les collines de l’Higashiyama. Mais en passant la porte, je me suis aperçue qu’il était recouvert de voiles, comme une princesse de l’époque Heian. Tant pis !En fait, quand le shogun Ashikaga Yoshimasa est venu y habiter en 1483, sa chère retraite de montagne n’était point encore finie, et peut-être le même spectacle l’y attendait !Ashikaga Yoshimasa (1435-1490) avait choisi avec soin ce somptueux emplacement, dès 1466 dit-on, mais les guerres féroces, les épidémies, le manque de fonds, et d’autres vicissitudes n’avaient permis le début de la construction que le 21 février 1482. Il a pris grand soin de choisir les meilleurs architectes, les meilleurs peintres, les meilleurs artistes de l’époque, pour en faire un lieu d’une beauté exquise.Il y contemplait la lune, et le changement des saisons. Il y composait de la poésie, s’y faisait lire le Dit du Genji, et dans une pièce pour la première fois consacrée à cet effet, il buvait du thé avec ses amis.Il est à l’origine du mouvement culturel dit de la « culture de la montagne de l’est » (Higashiyama Bunka). Yoshimasa, piètre homme d’état, était un esthète. Il serait le premier à s’être intéressé à la fonction décorative d’un vase de fleur dans une pièce.
Il était bien entendu très intéressé par la conception des jardins. Il employait une multitude de Kawaramonos pour déplacer les pierres, pour planter les arbres, et s’occuper de ses jardins. Il avait, étrangement pour son époque, de la sollicitude pour ces hommes qu’on considérait comme la lie de la société.Zen’ami (1386-1482), un kawaramono, est le véritable architecte des jardins du Ginkaku-ji. Yoshimasa le tenait en très haute estime.Bien sûr, les jardins dans lesquels je me suis baladée n’ont rien à voir avec ceux que les kawaramonos de l’époque Muromachi avaient façonnés sous les directives du Shogun Yoshimasa et pour son plaisir personnel. Et la vue de Kyoto qui s’offrait à ses yeux des hauteurs de son jardin était bien différente de celle d’aujourd’hui... les montagnes exceptées!J’espère que les travaux ne dureront pas trop longtemps et que, dans quelques mois, le Pavillon d’argent se dévoilera enfin à mes yeux, dans sa splendeur retrouvée .
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