J’aime le musée du Louvre et, si je vivais à Paris, j’y passerais ma vie.J’aime son histoire, son architecture, ses collections, ses expositions temporaires, son magazine, sa librairie, sa carterie, sa poste, son self-service... tout !J’aime y passer une journée entière : j’arrive le matin, je vois toutes les expositions proposées, j’y déjeune, puis je vais voir des tableaux ou des galeries spécifiques, et j’achève ma visite en furetant au hasard. Je ne le quitte qu’à regret... J’aime regarder les touristes, surtout les familles nombreuses, dont c’est la première visite. C’est le père qui se charge de l’achat des billets, le seul qui ose se risquer à parler français. Une fois munis de ce sésame, ils déplient le plan du musée et, pendant que les jeunes enfants s’impatientent et tirent sur les jupes de leurs mères, que les ados, écouteurs vissés aux oreilles, jettent des regards circulaires en faisant la moue, les adultes eux se lancent dans de longs conciliabules pour décider ce qu’ils vont voir en premier. Sous la pyramide, en petits cercles, fronts penchés, épaule contre épaule, ils me font penser à ces footballeurs qui se tiennent ainsi pour s’encourager avant le coup d’envoi d’un match décisif. Et soudain les voilà, telle une volée de moineaux - comme on en voit aux Tuileries toutes proches - qui s’élancent vers le Pavillon où niche La Joconde. J’aime les regarder, je butine un peu de leur excitation (bien que la mienne ne se soit jamais émoussée), parce que je me souviens de ma première visite en 1981, quand la pyramide n’existait pas, quand on entrait au musée par la porte Denon et que les merveilles égyptiennes nous accueillaient.Et j’ai tellement aimé ma dernière visite au Louvre que le British Museum de mon coeur me semblait en comparaison tout riquiqui et provincial... mais c’était avant d’y retourner pour une conférence sur la Préhistoire. Ce que je regrette un peu au Louvre c’est l’omniprésence des gardiens. Ce ticket qu’il faut sans cesse avoir sous la main et qui fragmente notre rêverie parmi les oeuvres. Ce brouhaha constant. Au British Museum on se sent libre, on y entre comme un moulin, on circule comme les courants d’air "in midst of knowledge", bref, on s’y sent chez soi.Je rigolais toute seule en me rendant à ce Study Day : qu’est-ce que j’allais faire au milieu d’archéologues et de paléontologues chevronnés, moi dont les connaissances en préhistoire ne remontent qu’au dossier sur les Neandertals du dernier Historia !Une fois la barrière du jargon dépassée – il faut quand même digérer la tomographie, la taphonomie, la malacologie, l’Eémien, le Pléistocène, l’Atérien, le Moustérien, la chronologie isotopique marine, le travertin, les stromatolithes... - on se surprend à hocher la tête en entendant que « l’exploitation des ressources marines est le meilleur indicateur de modernité », que « la hyène Crocuta crocuta a cohabité avec les Neandertals en Grande-Bretagne, et nous en apprendrait beaucoup sur eux », et qu’il ne faut plus dire « hominidé » mais « hominines ».
Maintenant je sais ce qu’est la « méthode Levallois » de taille de la pierre au Paléolithique moyen, que l’homme moderne n’a pas massacré les mammouths mais que la faute en revient à l’expansion de la forêt (ils n’aimaient que la toundra les pauvres !), et surtout que le « BP » qui suit les dates en archéologie signifie Before Present, c’est-à-dire à partir de 1950 et des premiers essais de datation au carbone 14. Et je sais où j’aimerais passer l’été prochain : en East Anglia, avec ces paléontologues pleins d’humour, dans une fosse creusée dans le sable d’une plage, jouant de la truelle pour tenter de découvrir un bout de squelette d’hominine ! Mais je pense que là ils se rendraient compte, ces éminents spécialistes, que le seul être préhistorique parmi eux... c’est moi !
1 commentaire:
Moi qui recherchais des mots finissant pas 'RIEN'.
Enchanted learning !
Enregistrer un commentaire