lundi 5 avril 2010

Un Poussin géant

Difficile d’échapper à Adam et Eve.... Un Ange autoritaire les chasse du Paradis sur la façade de Notre-Dame de Paris...Un Adam pudique et maigrelet cache l’essentiel sous une feuille de vigne gigantesque au Musée National du Moyen Age (Cluny) Dans le Frigidarium du même musée, un Adam et Eve sans tête côtoient la chaudière de l’Enfer. C’est une statue de 1250 découverte sous le dallage du choeur de Notre-Dame de Paris.Les mêmes, re-chassés du Paradis, au Musée de l’Architecture et du Patrimoine. J’aime la feuille de vigne, le geste confus d’Adam, et le minois effronté d’Eve, par-dessus son épaule.Mais l’Eve et l’Adam que je préfère ont été peints par Nicolas Poussin dans Le printemps ou Le Paradis terrestre (ici), tableau que l'on peut voir au Louvre.
Dans un trou de verdure où chante une rivière, Eve, nue, à genoux, la main droite posée sur le bras d’Adam, lui montre « un grand arbre florissant ». Son corps est blanc, et son oeil, une tache noire. La peau d’Adam est couleur terre. Assis sur l’herbe, dans une position de repos, il vient de faire une petite baignade et il continuerait bien à se la couler douce dans ce « riche lieu »... Un peu plus loin il y a un étang et des canards, des cascades, des montagnes, des rochers et partout la nature à l’infini, qui renaît. Ce que ne montre pas ma photo, c’est dans le coin droit et bleu de l’image, voguant sur un nuage, ce personnage vêtu d’une longue robe blanche, aux longs cheveux blancs, la main gauche levée, prêt à sévir? Adam et Eve ne peuvent voir cette menace, et moi non plus je ne l’ai vu qu’au dernier moment tant ce couple et cet écrin de verdure m’attiraient. Ce que j’aime aussi c’est que l’ouverture à gauche formée par la rencontre des rochers et des arbres (la tête et le bec), le bosquet d’arbre (les plumes et les ailes) et les troncs d’arbres (les pattes) semblent former la silhouette d’une espèce de gros oiseau ou d’un « poussin » ou d’un dindon géant !
Paradis vient du persan pairidaiza (jardin clos où se trouvent des animaux sauvages) et j’ai trouvé un poème persan de Manoutchehri, qui pourrait illustrer ce tableau que j’aime:


Norouz vint,
Dès l’aube… Joie !
Du nuage noir sur l’herbe parfumée,
L’hiver meurt et le printemps renaît,
Et le monde devient berceau de paix.
Les roses s’attifèrent,
Les haies se coiffèrent,
Et sur les cimes du platane,
Les grives formèrent orchestre.
Fleurissant dans les haies,
Les coquelicots,
Et, ornant les fleurs,
La rosée.
Sur le chef des coquelicots,
Un voile de musc,
Et sur la face des fleurs,
Un manteau de perles.
Au cœur de la terre,
Et sur les deux faces la montagne,
Des images.
Les petites tourterelles apprirent à jouer de la flûte,
Et les merles brulèrent le musc du Tibet.
Les fleurs jaunes allumèrent des bougies,
Les fleurs rouges,
Des rubis,
Et, de côte et d’autre du ruisseau,
Les peupliers se firent coudre de nouveaux habits.
Les perroquets s’attaquèrent aux fleurettes,
Les faons dressèrent l’oreille,
Et les onagres se rassemblèrent,
Les merles dressèrent les jardins,
Et les amoureux perdirent âme et cœur,
Avec les Turcs de Tchagal et de Ghandehar.
Nous retrouvâmes une nouvelle fois le monde
Beau et joyeux,
Nous courûmes après l’idole et le lis blanc,
Nous dénattâmes les chevelures des visages d’ange,
Nous déchirâmes nos cœurs du chagrin de l’amour,
Et nous trouvâmes plus joli que les milles couleurs,
La beauté des dindons au printemps.

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