Hier j’ai mentionné le nom de l’architecte Jacques Ier Androuet du Cerceau (1520-1586), auteur d’une somme inestimable pour l’architecture Renaissance en France : Les plus excellents bâtiments de France. C’est grâce à son petit-fils, Salomon de Brosse, architecte de la façade de l’église Saint-Gervais Saint-Protais, cise aujourd’hui rue de Brosse comme il se doit, que j’ai appris son existence. Les tribulations de cette église à travers l’histoire m’avaient intriguée sur le papier, c’est donc l’une des premières choses que j’ai visitées en mars dans le Marais. On peut voir sur cette photo que le petit-fils ne s’est pas inspiré des colonnes salomoniques mises au goût du jour par son grand-père en son temps. A cet endroit, au IVe siècle, s’élevait une chapelle, pillée ensuite par les Normands. L’église que l’on voit a été commencée en 1494 et sa construction durera 163 ans ! C’est le chouette Louis XIII qui posa la première pierre de la nouvelle façade en juillet 1616. En 1660, la future Madame de Maintenon y enterre son mari, le poète satiriste Scarron connu pour ses difformités. Il se décrivit lui-même ainsi : « Mes jambes et mes cuisses ont fait premièrement un angle obtus, et puis un angle égal, et enfin un aigu. Mes cuisses et mon corps en font un autre et, ma tête se penchant sur mon estomac, je ne représente pas mal un Z. J’ai les bras raccourcis aussi bien que les jambes, et les doigts aussi bien que les bras. Enfin, je suis un raccourci de la misère humaine. » La Chapelle Scarron n’existe plus, remplacée par celle qui commémore les 200 victimes d’un obus de la Grosse Bertha, qui tomba sur l’église le 29 mars 1918. Mais rien ne nous empêche de réciter tout bas l’épitaphe du spirituel Scarron : Celui qui cy maintenant dort/Fit plus de pitié que d'envie,/Et souffrit mille fois la mort /Avant que de perdre la vie. /Passant, ne fais ici de bruit /Garde bien que tu ne l'éveilles : /Car voici la première nuit /Que le pauvre Scarron sommeille.Une autre chose qui me plaisait, c’est d’imaginer le mariage de Marie de Rabutin-Chantal, 18 ans, à Henri de Sévigné, le 4 août 1644 à 2h du matin, comme il était de mise dans la noblesse. Plus tard, en 1793, on la profane, on essaye de la détruire, et faute de le pouvoir elle devient « Temple de la Jeunesse ». On dit que son clocher porte les traces des balles des autres révolutions qui ont secoué la France : 1830, 1848, 1871. Et l’on peut toujours voir l’exemplaire unique à Paris d’un orgue du XVIIe siècle, sur lequel joua toute la famille Couperin dont le célèbre François dit « Couperin le Grand », organiste de Louis XIV à Versailles.Le peintre Philippe de Champaigne lui aussi possédait une chapelle ici, où il fut enterré en 1674, et je n’ai pas été surprise de voir au Louvre le tableau ci-dessus Translation des corps de Saint Gervais et de Saint Protais (1661) (on voit leurs statues sur la façade) dont les marguilliers de l’église (laïcs chargés de l’administration des biens d’une paroisse) lui passèrent commande. J’étais en vieille connaissance!
Mais celui qui avait vraiment piqué mon imagination, c’est le mausolée à Michel Le Tellier, chancelier de France, et père de Louvois, dont Bossuet vint faire l’éloge funèbre en 1685, éloge qui termine ainsi: Surtout, mortels, désabusez-vous de la pensée dont vous vous flattez, qu'après une longue vie, la mort vous sera plus douce et plus facile. Ce ne sont pas les années, c'est une longue préparation qui vous donnera de l'assurance. Autrement un philosophe vous dira en vain que vous devez être rassasiés d'années et de jours, et que vous avez assez vu les saisons se renouveler, et le monde rouler autour de vous ; ou plutôt, que vous vous êtes assez vus rouler vous-mêmes et passer avec le monde. La dernière heure n'en sera pas moins insupportable, et l'habitude de vivre ne fera qu'en accroître le désir. C'est de saintes méditations, c'est de bonnes œuvres, c'est ces véritables richesses, que vous enverrez devant vous au siècle futur, qui vous inspireront de la force ; et c'est par ce moyen que vous affermirez votre courage. Le vertueux Michel le Tellier vous en a donné l'exemple : la sagesse, la fidélité, la justice , la modestie, la prévoyance, la piété ; toute la troupe sacrée des vertus, qui veillaient pour ainsi dire autour de lui, en ont banni les frayeurs, et ont fait du jour de sa mort le plus beau, le plus triomphant, le plus heureux jour de sa vie. A l’idée que la voix de Bossuet a retenti dans cette église, je me pâme ! Jacques-Bénigne Bossuet, « l'Aigle de Meaux » en personne, à tu et à toi avec Louis XIV, vous vous rendez compte!? Quelle était la couleur de sa voix ? Une dernière chose qui m’intriguait, outre les vitraux de Robert Pinaigrier, le plus célèbre maître verrier du XVIe siècle et tourangeau de surcroît, c’était le fameux Orme de Saint-Gervais, l’ourmeciau, comme on disait au Moyen Age, et dont on voit un portrait au musée Carnavalet...
...dont voici le piteux état actuel. C’est l’unique chose pour laquelle je peux dire que j’ai été déçue du voyage. Pour le reste, j’étais aux anges !
Mais celui qui avait vraiment piqué mon imagination, c’est le mausolée à Michel Le Tellier, chancelier de France, et père de Louvois, dont Bossuet vint faire l’éloge funèbre en 1685, éloge qui termine ainsi: Surtout, mortels, désabusez-vous de la pensée dont vous vous flattez, qu'après une longue vie, la mort vous sera plus douce et plus facile. Ce ne sont pas les années, c'est une longue préparation qui vous donnera de l'assurance. Autrement un philosophe vous dira en vain que vous devez être rassasiés d'années et de jours, et que vous avez assez vu les saisons se renouveler, et le monde rouler autour de vous ; ou plutôt, que vous vous êtes assez vus rouler vous-mêmes et passer avec le monde. La dernière heure n'en sera pas moins insupportable, et l'habitude de vivre ne fera qu'en accroître le désir. C'est de saintes méditations, c'est de bonnes œuvres, c'est ces véritables richesses, que vous enverrez devant vous au siècle futur, qui vous inspireront de la force ; et c'est par ce moyen que vous affermirez votre courage. Le vertueux Michel le Tellier vous en a donné l'exemple : la sagesse, la fidélité, la justice , la modestie, la prévoyance, la piété ; toute la troupe sacrée des vertus, qui veillaient pour ainsi dire autour de lui, en ont banni les frayeurs, et ont fait du jour de sa mort le plus beau, le plus triomphant, le plus heureux jour de sa vie. A l’idée que la voix de Bossuet a retenti dans cette église, je me pâme ! Jacques-Bénigne Bossuet, « l'Aigle de Meaux » en personne, à tu et à toi avec Louis XIV, vous vous rendez compte!? Quelle était la couleur de sa voix ? Une dernière chose qui m’intriguait, outre les vitraux de Robert Pinaigrier, le plus célèbre maître verrier du XVIe siècle et tourangeau de surcroît, c’était le fameux Orme de Saint-Gervais, l’ourmeciau, comme on disait au Moyen Age, et dont on voit un portrait au musée Carnavalet...
...dont voici le piteux état actuel. C’est l’unique chose pour laquelle je peux dire que j’ai été déçue du voyage. Pour le reste, j’étais aux anges !
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