mercredi 31 mars 2010

Paris/6

Il a plu terriblement hier, il a même grêlé. Que faire dans une ville en pluie? Cela ne devrait pas faire peur à une Londonienne, me dira-t-on, mais des orages comme ceux d'hier, je n'en ai vu que rarement, et derrière mes vitres. Tout le monde était réfugié dans les cafés, et attendait que ça se passe, mais ça ne passait pas. Après avoir visité en long et en large le Musée du Quai Branly, et avoir vérifié si le film de Polanski pouvait me protéger de la pluie, comme il ne le pouvait pas, je suis rentrée sagement - et trempée - à mon hôtel. On se sent un peu bête, on se dit qu'on est à Paris, que ce n'est pas tous les jours... Mais bon, il faisait soudain glacial, les parapluies se retournaient, et tout semblait trop loin. Il paraitraît que les réjouissances météorologiques continuent aujourd'hui...

mardi 30 mars 2010

Paris/5

J'ai l'impression qu'il n'y a que des touristes à Paris et que le reste de la population n'est là que pour les servir et leur rendre le séjour agréable. Les cinémas semblent être les derniers bastions de la vie "normale" d'un Parisien.
Au Louvre: expo Sainte Russie. Icônes en or ou en argent massif incrustées de pierres précieuses. Boris, Ivan, mais aussi Sviatopolk le Maudit, mais lui était loin d'être un saint! Quel joli nom!
De la Russie je suis passée aux tableaux de Philippe de Champaigne, de Nicolas Poussin, et à ceux que Marie de Médicis commanda à Rubens et qui relatent sa vie, de sa naissance à Florence à la réconciliation avec son fils Louis XIII qui l'avait bannie de la Cour. 
J'avoue que mon British Museum me manque. Pas de contrôles de billet puisque c'est gratuit, et même en période d'affluence, on se sent chez soi. 
Il faisait beau et chaud alors une promenade aux Tuileries s'imposait. Trois gros corbeaux se dandinaient sur la pelouse. L'un d'entre eux s'arrêtait de temps en temps et poussait des cris rauques: dans quel but? Ils allaient devant chaque banc, comme des comédiens en rappel, mais pour quémander, je pense, autre chose que des applaudissements! 
Je suis allée voir Soul Kitchen de Fatih Akin. Affligeant. Glauque. Déprimant. 
Ce soir il y a une pièce de Marivaux à la télé mais mercredi sortie du nouveau film de Luchini Les invités de mon père, qui a l'air génial! 
Quel horrible film Soul Kitchen... Ce sosie de Joe Dassin déjanté, qui a mal au dos, un frère en taule, un restau où le chef est lanceur de couteau, au fur et à mesure c'était de plus en plus tiré par les cheveux. Une horreur!

lundi 29 mars 2010

Paris/4

Comme ça me manque de ne pouvoir mettre de photos... ce n'est pas faute d'en prendre! 
Je suis à la moitié de mon séjour, déjà. 
"Averses éparses" disait la météo hier, et elle disait malheureusement vrai. Je me suis quand même promenée sous mon parapluie dans un Luxembourg rempli de joggeurs.
J'ai appris que ce sont des géomètres romains qui, après avoir posé leurs outils dans l'actuelle rue Saint Jacques, ont dessiné le cardo, l'axe central de la future ville de Lutèce. Il faut les remercier, c'est à eux que l'on doit Paris. 
En 52 av. J.-C., Camulogène a conduit les troupes gauloises contre celles de Labiémus, le lieutenant de Jules César. On me l'a répété plusieurs fois hier, à la Crypte archéologique du parvis de Notre-Dame et au Carnavalet. Je sais aussi que mon hôtel se trouve à l'emplacement du "monumental" forum romain. 
J'ai pensé, après avoir vu son portrait au Musée Carnavalet, que Benjamin Constant pourrait être idéalement incarné par Fabrice Luchini. Qui jouerait alors Madame de Staël? 
C'est Marivaux qui a inventé l'expression "tomber amoureux" copiée sur celle de "tomber malade" et certains de ses contemporains l'ont traité de "précieux".
Je crois que je ne retiendrai jamais l'ordre des chefs d'état après Napoléon surtout que j'ai pris les galeries en sens inverse: Charles X, Louis-Philippe... je ne sais plus. 
J'ai vu le tableau de l'orme qui se trouve encore devant l'église Saint-Gervais, on s'y retrouvait pour payer ses dettes au Moyen Age. Je suis passé plusieurs fois dans les parages de cette église hier. Tous ces gens avec une branche dans la main... c'était le dimanche des Rameaux!
Au Carnavalet il y avait Henri III côte à côte avec celui qu'il a fait assassiner: le Duc de Guise dit Le Balafré. Il y avait aussi des tableaux représentant les processions de la Ligue vers 1590. C'était marrant de penser que J.-A. de Thou a vu ces gens, leur a parlé... Il a assisté à tous ces troubles dans Paris, sous ses fenêtres. 
Il vivait dans la paroisse de Saint-André-des-arts, et la rue qui porte ce nom se trouve justement derrière le cinéma Odéon où j'ai vu le très chouette film L'Arnacoeur de Pascal Chaumeil avec Romain Duris. Cinéma plein comme un oeuf. Je résiste à ne pas aller voir le film de Polanski... il sort le 22 avril à Londres et je veux le voir là-bas.
En sortant du cinéma, quelqu'un s'est exclamé: "C'est bien qu'il fasse encore jour!" exprimant tout haut ce que chacun se disait tout bas. 
C'est bien qu'il me reste encore 4 journées devant moi ! 

dimanche 28 mars 2010

Paris/3

Si le temps n'était pas à la pluie, j'irais m'asseoir au Jardin du Luxembourg et je continuerais la lecture du premier tome des Journaux de Marivaux que j'ai acheté hier dans cet endroit "de perdition" qu'est une librairie. Madame de Staël et sa Corinne attendront! 
En sortant du Musée de Cluny, hier matin (expo Paris, ville rayonnante), j'ai flâné dans la librairie Compagnie, rue des Ecoles. A Londres je ne connais pas ce plaisir à part dans une librairie de Marylebone High street, qui sait mettre en valeur les nouvelles parutions, les petites maisons d'édition, avec des tables par thèmes etc... J'y serai restée toute la journée à la Librairie Compagnie, à écouter les conseils donnés aux clients, à aider à placer les livres sur les étagères... Je n'en ai acheté que 3 sur la dizaine qui m'intéressaient: Marivaux, un livre sur Zelda Fitzgerald et des Haïjins japonais ou Du rouge aux lèvres (haïkus écrits par des femmes du XVIIe siècle à aujourd'hui).
Depuis la veille je me demandais ce que signifiait les colonnes "salomoniques", torsadées, qui ressemblent à des branches d'arbre: c'est au détour de l'expo sur Jacques Androuet du Cerceau (1520-1586), l'inventeur de l'architecture à la française, vue à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine au Trocadéro que j'ai eu ma réponse en début d'après-midi. 
C'est marrant comme chaque expo que je visite semble reprendre le fil de celle que je viens de quitter. J'ai laissé Charles V au Louvre et voilà son fils, Charles VI, au Trocadéro. Thou et Budé à l'Hôtel de Ville et les trois rois qu'ils ont servis, François Ier, Henri II, Charles IX et Henri III sont au Trocadéro (leurs bustes!). Manque Henri IV, mais comme je passe à l'archéologie aujourd'hui je ne pense pas le rencontrer, mais on ne sait jamais! J'ai toujours de la peine en voyant Charles VI, maintenant que je sais ce qui s'est passé dans la forêt du Mans!
En me couchant hier soir j'ai réalisé que je n'avais pas eu une seule pensée pour Londres. J'étais vraiment dans l'instant, dans la découverte des chefs d'oeuvre de deux musées, dans l'envie de lire de nouveaux livres et d'en offrir, et dans le partage d'un repas le soir, avec toute sa préparation, les bavardages, les rires pour des petits riens. 
Aujourd'hui c'est donc archéologie, lecture (dans un café) et cinéma. Et comme j'ai des pieds en état de marche, il est grand temps qu'ils s'activent.

samedi 27 mars 2010

Paris/2

Ma deuxième journéee m'a mis les pieds dans une telle compote, que j'ai dû m'acheter une autre paire de chaussures devant l'église de Saint-Germain des Près sous peine d'être privée de visite aujourd'hui! J'étais pourtant partie bon pied bon oeil, hier matin, mais j'ai tracé, comme on dit, toute la journée.
Ma journée est remplie d'églises et de saints en tous genres à croire que je vire grenouille de bénitier! Boulevard Saint-Michel, Notre-Dame, Saint-Julien-le-Pauvre, Saint Gervais-Saint-Protais, Saint-Paul et Saint-Louis... J'ai fait toutes les églises qui me faisaient rêver parce que Madame de Sévigné s'y était mariée, une autre parce que la Cour s'y pressait pour écouter les sermons enflammés de Bourdaloue, ou parce que l'orgue des Couperin s'y trouve, parce que le coeur de Louis XIV y avait été mis, parce que Scarron et Philippe de Champaigne y avaient été enterrés, que Louis XIII en avait posé la première pierre, que Bossuet y avait lu l'oraison funèbre de Michel le Tellier, le père de Louvois, oraison dont j'avais bien sûr copié les meilleurs morceaux dans mon carnet... 
Ma curiosité rassasiée, je suis allée voir les statues de Guillaume Budé et Jacques-Auguste de Thou sur la façade de l'Hôtel de Ville, deux érudits de la Renaissance à qui je voue un culte tout à fait laïque. Plus tard, au Louvre, qui ferme le vendredi à 22h, j'ai vu les statues qui ornaient le tombeau de Jacques-Auguste de Thou à l'église Saint-André-des-Arcs, qui n'existe plus. J'ai découvert, Aile Richelieu, la statuaire française, avec des gisants pas piqués des hannetons qui vont me donner des cauchemars! 
J'ai aussi vu l'expo Paris inondé 1910 et, au Louvre, j'ai vu l'expo Méroé: un empire sur le Nil et puis mes statues, dont une magnifique de mon cher Charles V. Sa femme était à côté, mais je l'ai ignorée royalement.
J'ai un nouveau parapluie à pois mais il a fait super beau sauf pour une averse de grêle.
La mode est au pull marin. Il y en a dans toutes les vitrines.
J'ai pris le 95 et le 63.
Je n'ai pas lu une seule page de Madame de Staël et l'état de mes pieds m'a empêché de la remplacr par Les Métamorphoses d'Ovide sur lesquelles je louchais dans la librairie du Louvre. Il fallait que je rentre!
J'ai vu Michael Lonsdale manger deux tartes au citron et boire deux chocolats chauds. Et lui m'a vue boire une pina colada. J'aurais dû opter pour le chocolat chaud!
Il y a eu un vrai moment magique au Louvre. La nuit était tombée. Dans la cour couverte de l'Aile Richelieu des danseurs ont pris place parmi les statues, tout vêtus de blanc pour imiter leur marbre. Ils ont dansé sur une musique étrange, composée de bruits, de roulements de tambour... Cette musique dans ce cadre, les gestes lents des danseurs et ceux des statues... C'était saisissant de beauté, de grâce, et ça ne m'a pas laissée de marbre!

vendredi 26 mars 2010

Paris 1

Je viens de passer (hier) une première journée à Paris sous un ciel très bleu. Il faisait une chaleur étouffante et il y a eu un terrible orage vers 16h. Je suis tout près de la Sorbonne, à deux pas du Jardin du Luxembourg. 
A peine arrivée, je suis allée voir l'expo Takeshi Kitano à la Fondation Cartier. C'est complètement fou cette expo. Il y a deux choses très marrante: il y a une vitrine marquéee "Le gouvernement japonais nous a fait l'honneur de nous prêter ces objets". On s'approche avec déférence de la vitrine et soudain, un des objets - une statue Dogu - se casse la figure. C'est vrai que l'on se demande ce que font ces antiquités dans cette expo, mais on ne peut s'imaginer que c'est un traquenard! Pour avoir vu la récente expo que leur consacrait le British Museum, je me suis sentie vraiment bête... mais c'est très drôle! L'autre chose c'est une tente de foire qui nous promet de nous montrer le vrai travail de Kitano. Quand on y pénètre on voit sur des écrans des extraits de ses shows à la télé japonaise bien loin de l'image de lui que donnent ses films. Je me souviens qu'au Japon il était à la télé tous les soirs, déguisé, et débitant des blagues que je ne comprenais pas. Il y a aussi des tableaux de Kitano étranges que l'on voit dans ses films.  
J'avais ensuite envie de m'acheter un livre pour lire ici à mes moments perdus et j'ai choisi Corinne ou l'Italie de Madame de Staël. J'ai aussi acheté un Gaston Leroux - Le fauteuil hanté -au cas où.  Mais aurais-je le temps de lire? 
Dans un cinéma de Montparnasse j'ai vu La Rafle de Rose Bosch. J'ai hésité avant de rentrer dans le cinéma, mais c'est un bon film, important. Très bien joué. 
J'ai malheureusement oublié mon parapluie au cinéma... 
Je suis devenue amie avec les bus 38 et 89 dont les itinéraires n'ont plus de secret pour moi. Je crois que je dois remercier le Japon et ses rues sans queue ni tête de m'avoir donné un sens de l'orientation à toutes épreuves.
Vivement que la journée commence parce qu'il y a mille choses au programme! 

jeudi 25 mars 2010

Prière à Saint-Christophe

Bon Saint-Christophe, patron des voyageurs,
Faites que le train ultra-rapide ne s’arrête pas dans le tunnel,
Que mon hôtel soit aussi super classe qu’il l’apparaît sur le Net,
Que mes gambettes soient assez agiles pour me permettre de mener à bien mon intensif programme de visites,
Et que la météo soit des plus clémentes.

Certes, prendre le relais du bouddha doré du Zojoji à Tokyo n’est pas une mince tache, mais vous en êtes à la hauteur. Je me mets sous votre haute protection lors de ces vacances de rêve qui commencent.

mercredi 24 mars 2010

Voilà Paris que vous en semble ? (Scarron)

N. habitait un studio à Pantin et m’invitait pour les vacances de Toussaint. J’allais pouvoir découvrir Paris pour la première fois de ma vie. Je me souviens de sa minuscule salle de bains et de son radio-réveil qui se déclenchait très tôt le matin. Elle travaillait comme caissière dans un supermarché. Le dimanche nous étions allées chez sa mère à Versailles et on avait mangé des salsifis. C’était la première et la dernière fois de ma vie que j’en mangeais. Un soir de pluie nous avions acheté des escargots de Bourgogne. Là aussi, j’en mangeais pour la première et la dernière fois. Je refusais de prendre le métro, et j’étais donc très souvent en retard au grand dam de N. C’est un après-midi, en haut du boulevard Saint-Michel, vers le jardin du Luxembourg, en passant devant un kiosque à journaux, que j’ai appris la mort de Georges Brassens. Dans les petites boutiques à l’extérieur des Galeries Lafayette, j’avais acheté des boucles d’oreille en forme d’éventail chinois.Un matin j’avais remonté la rue de Seine jusqu’au fleuve. Il faisait beau, je n'avais pas 20 ans, je portais un sweat-shirt vert-pomme et un foulard autour du cou. Quand je repense à mon tout premier séjour à Paris, c’est cette dernière image qui se présente d'abord à mon esprit, car elle le résume en son entier. Et, dans deux jours, je déjeune avec N., à Paris !

mardi 23 mars 2010

La fenêtre s'ouvre comme une orange (Apollinaire)

Je parlais à Romain Duris de la photo ci-dessus et je lui expliquais que j’aimais les photos dans lesquelles un cadre se superposait à un autre. Il m’écoutait attentivement. Son identité fluctuait : un coup il était prof de français à Londres, un coup il était vraiment Romain Duris, l’acteur, de passage dans la capitale britannique, ami d’amis. Il était allongé sur mon lit, en jean et veste de cuir, les cheveux en bataille. Et puis soudain je me suis écriée : « Mais j’ai cours, je vais être en retard ! » Je me suis levée en vitesse, pour me préparer. « Tu enseignes quoi aujourd’hui ? » m’a demandé Romain. Je lui ai répondu quelque chose en levant les yeux au ciel, qui n’avait rien à voir avec le français. Il a compati.
En me réveillant je me croyais dimanche matin avant de réaliser, aux bruits de circulation, que nous étions lundi, que je connaissais les résultats des régionales, et surtout que j’étais en vacances ! Adieu carcan et vive la liberté!
Pourquoi cette photo ? Parce que je l’ai prise le jour où finissaient les cours et que le cadre du travail a justement sauté. Pourquoi Romain Duris ? Parce qu’il a joué dans Paris de Cédric Klapisch, et que Paris, la ville, va être le point d’orgues de mes vacances de printemps.
Bientôt je rêverai de cette fenêtre du Louvre... mieux, je la verrai les yeux grand ouverts!

lundi 22 mars 2010

Ces vaisseaux dont l'humeur est vagabonde (Baudelaire)

Bananas are in shape and size like a small thick sausage, coverd with a thick yellow rind, which is peeld off and the fruit within is of a consistence which might be expected from a mixture of Butter and flour but a little Slimey, its taste is sweet with a little perfume.

Journal de Bord (Rio de Janeiro) de Joseph Banks
7 décembre 1768
Ce week-end, j’ai lu le fascinant Journal de Bord de Joseph Banks et j’ai eu du mal à faire quoi que ce soit d’autre !
C’est avec ses serviteurs et ses chiens que ce botaniste s’est embarqué, en 1768, sur le HMS Endeavour. Le Capitaine du bateau est James Cook dont c’est le premier voyage dans l’Océan Pacifique : Brésil, Terre de Feu, Cap Horn, Tahiti, Australie (le bateau heurte la barrière de corail et prend l’eau), Nouvelle Zélande, Tasmanie, Java, Sumatra (plusieurs marins et scientifiques meurent dans d’atroces fièvres et Banks croit y passer), Cap de Bonne Espérance... Le voyage durera 3 ans ! Trois ans de découvertes (nouvelles espèces de faune et de flore) et de rencontres avec des autochtones qui accueillent avec une certaine hospitalité ces insolites voyageurs.
Joseph Banks décrit minutieusement tout cela: les populations qui se massent sur les côtes, qui s’approchent du bateau avec leurs canoës, qui montent à bord et partagent la table du Capitaine Cook; les cadeaux échangés ; la topographie, la faune, la flore, le climat, l’état de la mer, les tempêtes... On est vraiment avec lui dans sa cabine où il dissèque des méduses aigue-marine, supervise les croquis de son illustrateur attitré, classe les centaines de spécimens récoltés... Soudain, on l’appelle sur le pont : on aperçoit d’étranges lumières dansant à la surface de l’eau ou un oiseau blanc d’une espèce inconnue survole le bateau.
Maintenant, il ne me reste plus, pour boucler ma lecture, que de faire un saut au National History Museum pour voir tout ce qu’il a ramené de ce voyage au long cours.
C’est excitant de suivre les aventures de ces hommes courageux qui ne sont pas sûrs du tout de retrouver un jour les côtes de l’Angleterre et leurs familles. Avec quelle bonhommie ils se lancent dans l’aventure!
L’espace d’une lecture on est dans une sorte d’innocence, on navigue avec eux vers des terres inconnues, comme s’il s’agissait d’une autre planète que la nôtre.
Quand, sortant m’aérer entre deux passages haletants, j’ai aperçu des bananes sur un étalage, ça m’a fait tout drôle parce que mon Joseph venait tout juste de les découvrir et moi avec lui!

dimanche 21 mars 2010

Vieille branche

Quatre saisons sur la même branche : quelques fleurs nées au printemps dernier ont survécu au passage des saisons et surtout à notre rude hiver. Les apercevoir, fanées, au début de ce printemps, c’est se souvenir que l’on a guetté autrefois leur apparition, qu’en été elles resplendissaient, que leurs consoeurs se sont fanées tout au long de l’automne, et que la branche sur laquelle elles s’accrochent, a plusieurs fois ployé sous la neige entre décembre et février. Le printemps nouveau sonne le glas de leur présence souveraine sur cette branche et avec quelle ardeur les premiers bourgeons sont prêts à éclore !Dès demain mon corps va s’apercevoir qu’il n’a plus à courir partout, ni à être à l’heure à la minute près pour s’adresser à un auditoire plus ou moins attentif, qu’il n’y a plus d’horaires, plus d’obligations, et toute une foule de gestes et de postures vont se suspendre d’eux-mêmes. Un jour prochain la fatigue va me tomber dessus et toute envie de « m’avancer », de « corriger la pile de copies », de « me mettre à penser aux cours de l’an prochain » disparaîtra. Cela va prendre quelques jours pour que mon rythme de vie change, et je profite de ma lancée, je rassemble toutes mes forces, pour continuer à travailler encore un peu. Mais j’aperçois déjà les premiers bourgeons d’une oisiveté qui, si je m’y prends bien, risque d’être la plus radieuse que je n’aie jamais connue !

samedi 20 mars 2010

Que me veux-tu, James Gibbs?

Je ne connaissais pas l’architecte écossais James Gibbs (1682–1754) avant la semaine dernière, avant que ma curiosité ne me pousse à visiter St Mary le Strand, l’église qui se tient au beau milieu de la rue, sur une sorte d’îlot, en face de Somerset House (où se trouve la Courtauld Gallery où j’allais). La décoration de cette église (ici) - dont la construction débuta en 1714 -, son plafond doré notamment, doit beaucoup au séjour de son architecte en Italie. Ce premier projet public le rendit très célèbre. On lui doit aussi, en autres, l’église de St Martin-in-the-Fields sur Trafalgar square.Trois jours plus tard, passant à Market place, j’ai lu la notice historique qui s’y trouve. En 1715, Lady Henrietta Cavendish Holles hérita de ce terrain plus ou moins cultivé. Son mari, Edward Harley, Comte d’Oxford, voulut y construire une luxueuse propriété avec chapelle et marché pour subvenir à tous les besoins en nourritures spirituelle et terrestre des occupants. Il demanda à... James Gibbs d’en produire les plans. Celui-ci vécut ensuite dans les parages de l’Harley Estate, de sa complétion en 1724 jusqu’à sa mort, trente ans plus tard.Le lendemain, à la Royal Academy, je tombe sur une expo sur le vieux Londres (ici), et la première photo était comme par hasard celle de l’Oxford Market, et James Gibbs était de nouveau mentionné. Dès 1731, sur la propriété du Comte d’Oxford, et pendant une centaine d’années, le lundi, mercredi et samedi, se tint un marché où l’on vendait de la viande, du poisson, des volailles, des légumes, mais pas « de bétail, de grain, de graines, de farine de blé, de peaux, ni de laine. »Le marché a beau avoir été démoli en 1881, de nombreuses rues alentours évoquent son passé et la famille du comte et de la comtesse d’Oxford. Sur Market place, petite place très calme à deux pas d’Oxford street, se trouvait, il y a de cela quelques années, le meilleur restaurant marocain de Londres. Il était devenu notre cantine quand il ferma un jour par surprise : maintenant il y a trois restaurants italiens et un café assez agréable, une sorte de refuge. Et si c’était là que se tenait la maison de James Gibbs ? Que signifie la triple apparition de ce fantôme du passé?

vendredi 19 mars 2010

And then my heart with pleasure fills/And dances with the daffodils (Wordsworth)

A l’orée du printemps, au moindre signe du radoucissement des températures, le square que vous traversez journellement se couvre d’une flore colorée de Londoniens. Les gros manteaux bien chauds ont été remisés au placard, et c’est à qui profitera le mieux des premiers rayons de soleil printaniers : et ça grignote son sandwich, et ça pioche dans sa salade, et ça tapote sur le portable, et ça papote et ça se bécote sur les bancs publics. Bientôt, c’est l’ estudiantus examinus qui parsèmera la pelouse en grappes multicolores. Puis, sans jeter un seul coup d’oeil au calendrier, vous saurez que l’été a commencé en entendant les verres s’entrechoquer et les rires de joyeux convives célébrant la fin de l’année universitaire. Grâce à l’humaniste Ogier Ghiselin de Busbecq, ci-devant ambassadeur du Saint Empire romain germanique auprès de la Sublime Porte à Constantinople, une des plantes qu’il a aidées à introduire en Europe au XVIe siècle sort de terre comme un seul homme : le crocus. On les trouve en mauve, blanc ou orange vif. Parfois les feuilles mortes leur servent de papier d’emballage (recyclable).
Ils disputent le terrain, en toute amitié, aux narcisses trompette, qui se balancent « tossing their heads in sprightly dance » ou qui fleurissent, en tissu, certaines boutonnières. Ils me signalent que le printemps est revenu et que je suis en vacances !

jeudi 18 mars 2010

Grandeur nature

Je pense que c’est ma visite à l’expo sur le peintre Paul Sandby (1731-1809) à la Royal Academy (ici et ici) la veille qui m’a donné envie de passer les grilles de Finsbury Park. Un jour de semaine, entendre un concert d’oiseaux, ça fait du bien !


Il y avait un petit air de Paul Sandby dans les arbres noueux et les grandes étendues vertes, dans les pâles nuages et le clocher de l’église à travers les branches... mais je doute que ce peintre raffiné ait choisi de planter son chevalet par ici. Quoiqu’au XVIIIe siècle, les allées de Finsbury Park étaient sûrement plus champêtres qu’aujourd’hui.

mercredi 17 mars 2010

Les bords du Ni(e)l

Découverte d'une statue géante vieille de 3 000 ans en Egypte

Une mission archéologique égyptienne a découvert une statue géante de plus de trois mille ans du dieu de la sagesse Thot, représenté sous forme de babouin. La statue de quatre mètres de haut a été découverte en quatre morceaux, en compagnie de deux autres statues, pendant des travaux destinés à faire baisser le niveau de l'eau sous Louxor (sud), afin de préserver les temples pharaoniques de la ville. Les statues ont été découvertes près du temple d'Amenhotep III.
Le Monde, 16 mars 2010

Thot et Amenhotep III ... j’en ai parlé ici et ici ! Ce qui me fait plaisir c’est que maintenant ces noms ne me sont plus étrangers, que j’ai appris quelque chose à force... Moi c’est mon chauffage que j’ai enterré et j’aurais le bonheur de le redécouvrir en octobre, chouette !

mardi 16 mars 2010

La vie en beau

Hier j’ai soudain pensé, en changeant de bus à Holborn, que dans une semaine je n’aurai plus à le faire. Et dans deux semaines je serai dans les rues de Paris, peut-être dans un cinéma ou dans un musée ou en train de choisir des livres dans une librairie. Le calendrier universitaire anglais étant ce qu’il est, les cours vont bientôt carrément s’arrêter et je sais que je penserai avec nostalgie à ce changement de bus à Holborn du lundi en fin d’après-midi. Ce n’est pas particulièrement un bel endroit, il est de plus très venteux, et la première fois où l’arrêt de bus a changé de place j’ai vraiment grogné... J’aime ce no man’s land parce qu’il marque la transition entre mes loisirs (on y aperçoit d’ailleurs les hautes fenêtres de mon musée fétiche) et mon « gagne pain ». Il s’agit d’entrer dans le territoire du travail du bon pied, et largement en avance, pour pouvoir ensuite prolonger son temps à soi en bouquinant devant une bonne tasse de café.Hier soir j’ai photographié ces papillons dans un resto thaï près de la fac. A un moment je me suis retrouvée seule à table et j’ai eu envie de photographier quelque chose. Il y avait sur ma droite un bouddha blanc et sur ma gauche ces fleurs et ces papillons de tissu. J’ai aimé le mélange des couleurs et les ailes brillantes des papillons. Le repas était délicieux avec des plats fins et eux aussi hautement colorés. Contrairement à Baudelaire, c’est un « bon vitrier » que j’ai croisé, qui ne transportait que des « verres de couleur. Des verres roses, rouges, bleus, des vitres magiques, des vitres de paradis. Des vitres qui font voir la vie en beau. »

lundi 15 mars 2010

Il me fait tourner la tête, mon ménage à moi chez moi...

Un dimanche passé à faire le ménage à fond. Un spring cleaning avant la lettre. Alors que je frottais le sol de la cuisine like there’s no tomorrow, à genoux, après avoir lavé les placards, je me suis dit si seulement j’aimais faire le ménage, si seulement j’en étais une maniaque... ça me faciliterait la vie ! Je me félicite de ne pas avoir trop de pièces à briquer.Plus tard c’était la soirée électorale. J’aime ça. L’attente du verdict. Quand on nous dit « Plus que 30 secondes avant l’annonce des résultats ! », qu’on sait que les journalistes les ont déjà et qu’on les sent trépigner. Maintenant il y a un sacré ménage qui se prépare! Je peux prêter ma balayette, mes brosses, mes chiffons et ma poudre à récurer !

dimanche 14 mars 2010

Dernière semaine aux longs cours

La vie n’est pas une plaisanterie, et nous n’avons pas le droit de l’abandonner ainsi. C’est même irraisonnable de la mesurer suivant la durée du temps ; les mois qui nous restent à vivre sont peut-être plus importants que toutes les années vécues ; il faut bien les vivre.

Lettre à sa femme, Tolstoï, 30 octobre 1910
Devant moi : la dernière semaine de cours. Comment dire... c’est un peu humer l’air du large quand on crève d’envie de voir la mer. Ne résistant plus aux fourmis qui agitent nos jambes, on laisserait bien là son petit habitacle pour dévaler la colline vers la côte. Ou bien on appuie à fond sur le champignon au risque de louper un virage... Mais je ne suis pas aussi casse-cou. Il s’agit au contraire de négocier les derniers lacets (les intempéries frisquettes, les réunions longuettes, les emails casse-tête et les corrections replètes) en douceur. Toutefois, s’il y a une chose pour laquelle il faut mettre le turbo – sans quitter la route des yeux - c’est sur les rêves, les plans sur la comète et les châteaux en Espagne.

samedi 13 mars 2010

Eloge de l'ambre

A l’expo sur Il Sogno de Michel-Ange (ici), il y avait un beau dessin intitulé La chute de Phaéton (1533) (ici). Il m’a permis de lire dans le livre deux des Métamorphoses d’Ovide, la tragique histoire de Phaéton, le fils du Soleil:
Les rapides chevaux du Soleil emplissent les airs de leurs hennissements, ils sont pleins de feu et frappent de leurs sabots leurs barrières. Dès que Téthys eut repoussé ces barrières, leur donnant accès au ciel immense, ils prennent leur élan, agitent leurs pieds dans les airs, déchirent les nuages au passage. Phaéton a peur ; il ne sait ni par où tirer les rênes qu'il a en mains, ni où est sa route et, s'il savait, il ne maîtriserait pas les chevaux. Dès que ces brides lâchées touchent le haut de leur échine, les chevaux sortent de leur route et, rien ne les retenant plus, gagnent des régions inconnues. Les points les plus élevés de la terre sont la proie des flammes ; elle se fend, se crevasse et se dessèche, privée de sève. Il y a pire. De grandes cités avec leurs remparts périssent, des incendies transforment en cendres des territoires entiers et leurs populations. Alors le père tout-puissant gagna le sommet de la haute citadelle, Il fait retentir le tonnerre et, balançant sa foudre l'envoie sur l'aurige, lui enlevant à la fois sa vie et son char, et ainsi arrête de ses feux cruels les feux du Soleil. Phaéton, dont les cheveux rutilants étaient la proie des flammes, roule tête en avant ; il est emporté, traçant à travers l'espace une longue traînée ; ainsi parfois, dans un ciel serein, une étoile, même si elle ne tombe pas, peut sembler tomber.Les Héliades pleurent tout autant et restent étendues près de son tombeau. Phaétuse, l'aînée, voulant se coucher sur la terre, se plaignit qu'elle sentait ses pieds devenir rigides ; essayant de s'approcher d'elle, la blanche Lampétie fut brusquement retenue par une racine ; une troisième s'apprêtait à s'arracher les cheveux, mais ses mains ne ramenèrent que des feuilles ; celle-ci pleure ses jambes muées en tronc, et celle-là ses bras transformés en longs rameaux. Tandis qu'elles s'étonnent, l'écorce enveloppe le haut de leurs jambes, gagnant peu à peu ventres, poitrines, épaules et mains, ne leur laissant que la bouche pour appeler leur mère. L'écorce atteint leurs derniers mots. Depuis coulent leurs larmes durcies au soleil, gouttes d'ambre, qui s'écoulent des jeunes rameaux.

vendredi 12 mars 2010

A vol d'oiseau

L'Amour voulut un jour dérober les rayons d'une ruche odorante. Soudain, une abeille cruelle piqua le petit voleur aux doigts. Atteint d'une vive douleur, l'enfant souffle sur sa main, du pied frappe la terre, s'envole et montre la plaie à Vénus en se plaignant qu'un aussi petit animal fît une si grande blessure : "Quoi ! mon fils, lui dit sa mère en souriant, ne ressembles-tu pas à l'abeille ? Tu n'es qu'un enfant, mais quels maux ne fait pas ta blessure ?"
Idylle 19 de Théocrite (315-250 av. J.-C.)
Ces vers de Théocrite, le peintre allemand Lucas Cranach les a inscrits sur son tableau Cupid se plaignant à Vénus dont on vient de découvrir qui en a été le sinistre propriétaire (ici). J’ai entendu une analyse de ce tableau hier, à la National Gallery. J’ai appris la différence entre une gravure allemande et italienne (les artistes allemands, come Dürer par exemple, semblent avoir peur des espaces vides) et aussi que sur les peintures allemandes la Croix est associée au sapin, et elles sont souvent représentées près de ces arbres. J’ai entendu parler de Luther, de la Réforme, des Indulgences et de l’Ecole de Peinture du Danube. J’ai aussi appris que dans les peintures religieuses, la présence d’un perroquet est à associer à la Vierge à cause de la rencontre de ce volatile avec Jules César à la bataille d’Actium. Mais à quoi associer ce pigeon qui, pendant plus de 10 minutes, a pris sa douche au vu et au su des promeneurs de Trafalgar square ? Il prenait un malin plaisir à se tortiller sous l’eau glacée de la fontaine, de face, de côté, par derrière. C’était l’image de l’abandon, du jeu, du bonheur.

Exactement ce que je ressentais en allant voir ensuite l’expo autour du Rêve de Michel-Ange à la Courtauld Gallery toute proche où j’ai retrouvé l' Adam et Eve de Lucas Cranach (ici). Une bien belle après-midi!

jeudi 11 mars 2010

Un coq en pâte

Je me sentais si bien, si confiante dans ce fauteuil confortable, dans cette atmosphère douillette et raffinée, avec cette voix chaude, aimée, reconnaissable entre toutes qui me berçait, qu’au lieu de se laisser aller à la rêverie et à l’indolence, mon esprit s’est libéré. Il s’est mis à sauter du coq à l’âne, à faire flèche de tout bois. Une partie de moi buvait chaque parole de l’orateur et une autre... Une autre avait remarqué cet homme à la crinière blanche, qui ressemblait tant à celui qui évoquait les trésors affleurant du sol du Norfolk, les têtes de bronze du Royaume de Ife, l’Oba du Bénin et surtout la salle 1 du musée pour en dire autant de bien que moi il y a quelques jours. Il avait de beaux cheveux blancs, soyeux, comme ceux de Jorge Semprùn que je venais de voir sur France 2. Où sont passés Le Grand voyage et La montagne blanche ? Dans quel livre parle-t-il du « bleu Patinir » ? Ce bleu étrange a flotté devant mes yeux – il n’a rien à voir avec celui du ciel au-dessus du Musée National de Tokyo sur la photo - quand soudain le conférencier a sorti un mouchoir blanc anachronique, aussi grand qu’un voile de Véronique. C’était si incongru ce mouchoir, et sa façon habile de se moucher sans casser le fil de son récit... Ce carré de tissu blanc, comme celui dont se sert Mystag le magicien d’un film de Varda, m’a escamotée de mon fauteuil et me voilà enfant, repassant les mouchoirs que l’on empilait dans une armoire. J’ai même senti l’odeur du soleil marocain capturée dans leurs fibres. Il nous a raconté la détresse de ces riches romains, que les Légions, abandonnant l’Angleterre à son sort, laissaient aux abois. Fuyant devant les invasions Vikings et les pillages de brigands en tous genres, ils enterraient à la hâte leurs biens les plus précieux, à la grande joie des archéologues d’aujourd’hui. J’ai pensé à Tolstoï quittant Yasnaïa Poliana et écrivant à sa femme qu’il n’en pouvait plus de vivre dans « ces criminelles conditions de luxe ». En se détachant de ces gens devant réunir en un clin d’oeil leurs richesses, il a laissé entendre que la plus grande était intérieure. C’était une remarque en passant, peut-être même l’ai-je imaginée, mais qui dévoilait ses convictions intimes. Dans mon fauteuil je sentais mon capital s’accroître à vue d’oeil !

mercredi 10 mars 2010

Trois ciels de Londres

Certes, Londres ça peut être Big Ben sous un ciel de pluie, avec la Tamise couleur de boue à ses pieds.Mais c’est aussi des matins glorieux où l’on prépare ses tartines sous l’oeil avide d’un gros corbeau qui joue à cache cache avec les lampadaires et fait la nique à d’impavides pigeons.Mais ces jours-ci, Londres est la plus belle au soleil couchant quand celui-ci « teint de mille feux » le ciel. Le voir se coucher de ma fenêtre et rosir les murs de mon appartement me ramène au printemps et à l’été dernier. Ces deux saisons prochaines s’annoncent pleines de promesses !

mardi 9 mars 2010

Dans ces murs voués aux merveilles (Paul Valéry)

Il dépend de celui qui passe
Que je sois tombe ou trésor
Que je parle ou me taise
Ceci ne tient qu’à toi
Ami n’entre pas sans désir Choses rares ou choses belles
Ici savamment assemblées instruisent l’oeil à regarder
Comme jamais encore vues
Toutes choses qui sont au monde

Paul Valéry (Fronton du Palais du Trocadero)
La personne qui l’a présenté a dit qu’il pouvait vous tenir en haleine 10 minutes sur n’importe quelle oeuvre d’art de n’importe quel musée du monde, qu’il était « un objet qui contenait l’histoire du monde entier ». Quand l’intéressé est monté à la tribune, hilare, il a dit « Merci David pour ce portrait ridicule (preposterous) ». Pourtant, personne ne doutait dans l'assistance (moi la première!), que ce roublard de David disait vrai... A chaque fois que j’entends des gens le couvrir de compliments qu’il écoute sans broncher, qu’il écarte d’une pirouette, je me demande si à moi ça ne me monterait pas à la tête qu'on me dise à longueur de journée en roucoulant « tu es unique », « tu sais tout sur tout », « tu es inénarrable »... Je finirais par me prendre pour le centre du monde. Mais je n’ai jamais vu quelqu’un se prendre moins au sérieux.Ce soir, il avait choisi John Dee, le magicien de la reine Elizabeth 1ère, comme fil rouge. Ce savant de la Renaissance disait lire l’avenir et communiquer avec les anges grâce à un miroir aztèque (ici). Je dirais qu'il l'est un peu aussi, magicien, sa modestie légendaire dût-elle en souffrir !

lundi 8 mars 2010

Journée prétexte

C’est la Journée de la Femme aujourd’hui et je souhaite faire faire à mes étudiants une comparaison entre la femme des années 1970 et celle d’aujourd’hui à travers les magazines féminins. D’un côté ils auront un édifiant extrait d’Ainsi soit-elle de Benoîte Groult et de l’autre, les non moins révélatrices couvertures de Biba, Elle et Cosmopolitan.
Dans Ainsi soit-elle (1975), Benoîte Groult fait le portrait-robot de la femme tel qu’il ressort de sa lecture des magazines féminins : « L’héroïne s’appelle Christine. Elle est mannequin, dessinatrice de mode et étudiante en sociologie. Christine est aussi adepte du karaté et, c’est la moindre des choses, excellente maîtresse de maison. En outre, elle fait elle-même ses robes et s’occupe de son jardin. Elle fait d’abord le ménage à fond chaque matin après s’être confectionné un petit-déjeuner minceur, sans lait ni beurre ni miel. C’est, nous dit-on, une personne qui réinvente chaque jour son maquillage pour être en harmonie avec ses vêtements. Enfin, elle a l’oeil vif, le moral rayonnant et de l’énergie parce qu’elle n’oublie pas de manger un pamplemousse à dix-huit heures. Elle mange d’ailleurs pour son foie, sa cellulite, son teint ou ses artères, jamais pour son plaisir. » En mars 2010 on a ça en couverture des magazines féminins :
Vanessa Paradis, torse nu, de face (Elle). Un mannequin torse nu mais de dos (Biba). Un mannequin en robe rouge hyper-moulante, mini et décolletée (Cosmo).
43 recettes de cuisine bonne mine et antistress
Maigrir c’est aussi dans la tête : 18 pages pour comprendre (et dégommer) tout ce qui me fait grossir.
Mincir : plus de plaisir, moins de kilos
105 idées gourmandes, sexy, futées pour mincir avec le sourire. Y’a que ça qui marche, on a testé !
Fer à lisser, lampes antirides, recourbe-cils : faut-il s’en méfier ?
Décryptez ce qu’il veut vraiment au lit
Oh ouiiiiiiii ! Comment j’ai découvert une nouvelle zone érogène
Oups ! J’aurais pas dû coucher avec...
Lui et moi personne n’y croyait... (sauf nous !)
20 coups de pouce qui aident l’amour
Sexisme au boulot : halte aux néo-machos
Je veux bien m’investir au boulot (mais jusqu’où ?)
Spécial Jean
Les bons looks de la saison
Spécial accessoires
Hilarant : Les créateurs de mode croqués par Disney
Comment rendre son enfant heureux?
16 idées reçues (ou pas) sur la grossesse
Pourquoi tout faire aujourd’hui ?
Le top 100 des phrases qu’on aime entendre
Timide moi ? Plus jamais
Coaching des bonnes idées pour oser la vie en libertéMais quel ennui ces magazines... Ce n’est pas que les articles soient mal écrits, au contraire. C’est seulement que c’est écrit sur du vide. En tout cas moi, ça ne m’intéresse pas du tout. Avant de tout jeter au recyclage j’ai quand même découpé des photos de montres et noté le nom de quelques parfums... Maintenant je parie que quelqu’un va me demander en classe « C’est quoi une zone érogène ?» Ah! Que c’est dur le métier de prof ! (Surprise! La géniale Benoîte Groult était sur Europe 1 ce matin, me donnant de fraîches idées pour mon cours !)