jeudi 19 août 2010

Loisir sans lettre est mort et sépulture pour un homme vif (Sénèque)

Beau trésor a un roi avoir grand multitude de livres
Le Songe du Verger (1378)

Le Roi Charles V, surnommé le Sage, aimait fort la lecture. C’était lui faire un présent agréable que de lui donner des livres. On lui en apportait de tous côtés. Sa demeure ordinaire était au Chastel du Louvre. A partir de 1368, sa Bibliothèque occupe trois étages d’une des tours à l’angle nord-ouest du château, qui fut nommée la Tour de la Librairie après s’être appelée Tour de la Fauconnerie. Les fenêtres ont été garnies d’un treillis en fil d’archal afin d’éloigner "oiseaux et autres animaux".

Pour que l’on y puisse travailler à toute heure, on pendit trente petits chandeliers, et une lampe d’argent, qui était allumée toutes les nuits. Les lambris des murs étaient de bois d’Irlande, la voûte de bois de cyprès pour chasser les insectes et se protéger du froid, et tous ces lambris étaient embellis de sculptures en bas-relief. Le roi posait ses manuscrits sur une roue (pupitre tournant).

En 1373, Gilles Mallet fut chargé de la garde de la Librairie. Il dressa l’inventaire de cette « assemblée de notables livres et belle librairie de tous les plus notables volumes qui par souverains auteurs aient été compilés, moult bien écrits et richement adornés. » (Christine de Pisan, Faits de Charles V). A la mort du roi, en 1380, on en comptait environ 1000.

J’ai toujours aimé l’histoire de la bibliothèque de Charles V. Combien il la chérissait et comment elle a été "irrémédiablement dispersée à la mort du duc de Bedford, régent de France, qui l'avait transportée en 1429 en Angleterre." (BnF) J’aime surtout l’idée d’une librairie perchée en haut d’une tour à laquelle on accède par un escalier en colimaçon. Une tour silencieuse (au XIVe siècle de surcroît), confortable, propice à l’ « estude », dont seuls restent les vestiges, les pierres de fondation, dans les sous-sols du Louvre. Amas de pierres, empilées comme des livres d’ailleurs...

J’aime aussi l’idée que cette tour se soit d’abord appelée « tour de la fauconnerie ». Un lecteur c’est un peu un oiseau de proie qui part en chasse, qui aperçoit un livre et fond sur lui ! C’est amusant de penser que ce sont deux faucons-épouvantails qui protègent le toit de verre de la cour centrale du British Museum – sous lequel se trouve une librairie...


La roue à livres de Charles V m’aurait été fort utile cette semaine : après avoir fait l’inventaire de tous mes bouquins, j’en ai mis certains de côté, et en une après-midi, je suis passée de l’histoire de l’empereur Auguste de Suétone, au Paradoxe du Comédien de Diderot, en passant par Madame Sabatier : un amour de Baudelaire (un livre des plus répétitifs du monde !). Le soir, c’est la tête qui me tournait !


Prendre un livre le matin et le finir le soir, comme j’en rêvais ! Je ne l’avais pas fait depuis des siècles ! Ne faire que cela : lire, lire, lire. Et ce n’est pas un livre par jour, mais jusqu’à 3 ou même 4 que j’ai lus cette semaine ! A un moment, je me suis surprise en train de lire, avec mes yeux qui parcouraient la page, sans effort, sans fatigue, goulûment, jusque très tard dans la nuit. J’ai lu ces livres pour étancher ma soif de lire. Je les ai lus à grandes lampées car leur sujet m’intéressait. Je voulais en savoir plus sur Baudelaire, sur Delacroix, sur Auguste... Mais aujourd’hui j’entame enfin Pays Natal d’Osamu Dazai. Je ne sais presque rien de ce livre. Je sais qu’il se passe dans le nord du Japon au bord de la mer. Je connais la réputation de son auteur. C’est tout. Je sais, pour l’avoir feuilleté, que c’est un livre bizarrement conçu, mélange de souvenirs d’enfance et de considérations sur l’histoire de la région. Je vais confortablement m’installer et le siroter.

1 commentaire:

Marie a dit…

Lire, lire, lire, quel bonheur !