Hier j’ai vu le film
Flickan som lekte met elden, titre que l’on aurait pu traduire, mot pour mot, par
La fille qui jouait avec le feu (
The Girl who played with fire est le titre anglais). Tout en gardant l’idée qu’elle a l’allumette facile, il aurait souligné les risques que cette fille prend et qui la laissent, inexorablement, aux portes de la mort, comme un jouet disloqué.
Mais en français on a traduit cela par :
La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette. Cette fille n’est plus une justicière redresseuse de torts, elle est cruelle et perverse : elle ne regrette pas son action, elle y a pris goût, et serait même prête à recommencer à a première occasion.
Nous avons eu droit à trois bandes annonces, films qui sortiront aussi en France dans les prochains mois. Petits veinards...
La première était celle de
Cherry Tree Lane de Paul Andrew Williams : « Dans leur propre maison, des parents sont terrorisés par un groupe de jeunes voulant s'en prendre à leur fils. » Je me souviens de gens ligotés et bâillonnés, de hurlements, de sueur dégoulinant sur un visage, d’un gros couteau...
Puis celle de
Winter’s Bone de Debra Granik : « Une jeune fille de 16 ans vivant dans les montagnes Ozarks, se met en danger lorsqu'elle se lance sur les traces de son père, vendeur de drogue qui a hypothéqué la maison familiale. Elle doit à tout prix le retrouver et le forcer à se présenter au tribunal ou prouver qu'il est mort avant que la maison ne soit saisie par les autorités. » Je me souviens d’une image gris bleu, de gueules ravagées, de gros fusils, de menaces, de cris, de coups.
Et pour finir celle de
Enter the Void de Gaspar Noé : « Oscar et sa sœur Linda habitent depuis peu à Tokyo. Oscar survit de petits deals de drogue alors que Linda est stripteaseuse dans une boite de nuit. Un soir, lors d'une descente de police, Oscar est touché par une balle. Tandis qu'il agonise, son esprit, fidèle à la promesse faite à sa sœur de ne jamais l'abandonner, refuse de quitter le monde des vivants. Son esprit erre alors dans la ville et ses visions deviennent de plus en plus chaotiques et cauchemardesques. Passé, présent et futur se mélangent dans un maelstrom hallucinatoire. »
Le slogan de ce film, que l’on retrouve sur des cartes postales dans le hall du cinéma, est quelque chose comme: Sex-Drug-Murder. Alléchant programme!
Je me souviens de « Tokyo » by night – quelques néons multicolores et salaces, et le tour est joué, des cris, du sang, de la crasse, du sordide.
Et puis, après ces hors d’oeuvre à vous faire tourner de l’oeil, on vous amène le plat principal. On se croirait dans l’auberge de campagne où se rend Louis de Funès dans
L’aile ou la cuisse, et où il manque s’empoisonner.
Au menu : viol, hurlements, menaces, attaques à la hache, à l’électricité, à l’arme automatique, pendaison, bains de sang divers, révélations éventées, coups de théâtre bidons...
Vous sortez du cinéma écœurés, assommés, le moral en berne, pour constater qu’il pleut encore et que le ciel est toujours aussi gris. Je ne tournais pas rond.
Je me débattais contre cette noirceur. J’avais du mal à en émerger. Qu’est-ce que cela pouvait me faire la corruption en Suède, leurs magouilles, la vengeance de cette fille zinzin ? Comment ces livres avaient-ils pu avoir autant de succès ? Je savais pertinemment que ma curiosité me pousserait - malheureusement - à aller voir
Luftslottet som sprängdes alias
The girl who kicked the hornet’s nest alias
La reine dans le palais des courants d’air. Quel titre à la c.. ! J’en aurais pleuré !
Je regardais par la fenêtre du bus ces rues grises et tristes, je pensais à la fin des vacances... bref, un joli cocktail pour se faire pleurer. Pleurer pour pleurer, j’ai repensé aux dernières cases des
Années douces (tome 1). Taniguchi a réussi, magistralement, à traduire le roman de Kawakami, jusqu’à la plus petite particule d’atmosphère. Il suffit de relire un passage du roman et de le comparer avec le dessin qui l’illustre – ce qui a été supprimé ou les images qui sont nées des mots - pour s’en émerveiller.
En rentrant chez moi, je me suis précipitée sur le roman de Kawakami: « Je ne détachais pas les yeux du paysage qui défilait à travers la vitre. J’ai appelé le maître, j’ai prononcé son nom. Dans le paysage que la voiture dépassait, des cerisiers sont apparus. Les arbres, jeunes ou vieux, fleurissaient dans la nuit, resplendissants. Maître ! J’ai appelé encore une fois, mais comment ma voix aurait-elle pu l’atteindre ? » (en japonais elle doit murmurer
Sensei, ce qui est plus doux, plus sensuel à l’oreille et aussi à prononcer.)
Si j’avais chez moi un tokonoma (« petite alcôve au plancher surélevé en tatami où l'on expose des calligraphies, des estampes, des ikebanas (arrangement floral), des objets d'art ou autres okimono (statuettes) ») comme dans les maisons japonaises traditionnelles, j’y mettrais ce livre, bien en évidence.