Une nuit, il y a longtemps, j’avais rêvé du Fuji. Je passai la nuit dans un hôtel au pied de la montagne et en ouvrant la fenêtre le matin, je le voyais, massif, presque vivant.
A travers la fenêtre, j’observais le Fuji : il était là, debout, dans son pesant silence. « C’est vraiment quelque chose ! » pensai-je en le regardant.
- Il n’y a pas à dire, m’écriai-je, le Fuji, ce n’est tout de même pas mal ! Il tient bien son rang !
Cent vues du Mont Fuji de DAZAI Osamu
Il paraît que cela porte bonheur de rêver du Fuji.
Peut-être c’est grâce à ce rêve qu’enfin, en récompense, au bout de mon quatrième voyage au Japon, j’ai pu le voir vraiment - si l’on peut dire car un hublot d’avion et une fenêtre de train s’interposaient encore entre lui et moi.
De l’avion c’était un spectacle extraordinaire. Un personnage d’une nouvelle d’Osamu Dazai compare très justement son cratère à un nénuphar blanc.
Pourtant, en revenant de Kyoto, j’avais encore failli le rater : ce n’est que le murmure d’admiration qui a couru parmi mes voisins de train qui m'avait fait lever la tête de mon livre pour regarder par la fenêtre.
« Il était comme une flamme aux reflets bleus flottant dans le ciel » dit Osamu Dazai dans sa nouvelle.
Il dit aussi: « Ce petit triangle tout blanc, là-bas, à l’horizon : c’est lui. Ce n’est pas grand-chose : une sorte de « gâteau de Noël » ! Il penche dangereusement du côté gauche : on dirait un navire de guerre qui aurait été touché, et dont la poupe commencerait à s’enfoncer dans la mer. »
Et aussi: « Faire le choix de la simplicité, du naturel – et donc de la brièveté limpide-, et transcrire mes impressions telles quelles : c’était ainsi qu’il me fallait écrire. L’image de Fuji, son « style », avait peut-être la beauté de
l’expression simple. »
C’est sur le chemin d’un énième pèlerinage, il y a presque 1000 ans, que Dame Sarashina l’admira : « There is no mountain like it in the world. It has a most unusual shape and seems to have been painted deep blue; its thick cover of unmelted snow gives the impression that the mountain is wearing a white jacket over a dress of deep violet. »
Cela devait être impressionnant quand il n’y avait rien d’autre dans le paysage, et surtout pas ces multiples cheminées crachant une épaisse fumée blanche.
A cause d’elles on croit que le Fuji n’est qu’une illusion, qu’une image flottante.
Comme s’il avait jailli de la lampe d’un génie.