mercredi 18 mars 2009

Parfums de Kyoto

Ne manquez pas de noter vos premières impressions aussitôt que possible. Elles sont évanescentes, elles ne vous reviendront jamais. Quelque chose s’est évaporé de tous mes souvenirs. Je ne pouvais, au cours de ces premières semaines, me résigner à demeurer enfermé chez moi à écrire, alors qu’il y avait encore tant à voir, à entendre et à sentir dans les voies baignées de soleil de la surprenant ville japonaise. Cependant, s’il m’était possible de ressusciter toutes les sensations perdues de ces expériences initiales, je doute que je pourrais les exprimer et les fixer par des paroles. Le premier charme du Japon est intangible et volatil comme un parfum.
Ma première journée en Orient de Lafcadio Hearn
Je m’inquiétais un peu dans le taxi: cela faisait plusieurs minutes qu’il circulait dans des rues de Kyoto pas folichonnes et que mon hôtel n’était toujours pas en vue ! Je pensais qu’il n’était pas aussi loin du centre-ville pourtant! En fait, il était bien à deux pas du coeur de la ville, c’est elle, la gare, qui ne l’était pas ! Pourquoi faut-il toujours que je m’attende à ce que la disposition d’une ville soit calquée sur celle de Tours ?
J’ai quitté l’hôtel à l’aveuglette. Tout près se trouvait un café : le café Agnès. Etrange, non ? Au bout d’une longue rue, bordée de cafés, de restaurants, de boutiques, de galeries d’art, une grande et large avenue. En face, Teramachi. Un vrai labyrinthe, un réseau de ruelles tentaculaire. Teramachi, la rue des temples, des centaines de magasins, de cafés, de restaurants, de temples bien sûr, et le plus important : un cinéma. De quoi se perdre mille fois. Alors quel soulagement quand j’apercevais de loin le crabe géant, enseigne d’un restaurant !

J’ai tout de suite pensé que j’allais me plaire à Kyoto. Courir par monts et par vaux toute la journée, et le soir me retrouver dans un lieu familier (le cinoche), prendre des petites habitudes que je savais éphémères, ce qui mes les faisait chérir d’autant plus...

Il y avait ce café qui, même s’il appartenait à une grande chaîne, et peut-être parce qu’il y appartenait, était idéalement placé au bord de la rivière. C’était agréable d’y venir planifier les excursions du lendemain, d’y songer à ses aventures de la journée et de tenter de les raconter dans de longues lettres, avec sous les yeux la Kamogawa, le ballet des corbeaux, des échassiers et des voitures sur le vieux pont de bois. Comme nous étions juste avant Noël, une compilation de chansons consacrées à cette fête passait en boucle. Mais je n’y prêtais pas du tout attention... Du moins le croyais-je. Mais un soir de janvier, en plein hiver, à Londres, c’est le coeur battant que j’ai entendu de nouveau, par hasard, la chanson River de Joni Mitchell et ses premiers accords reprenant Jingle Bells. Comme le chante Joni Mitchell dans le refrain, I wish I had a river so long I would teach my feet to fly... et je m’envolerai, maintenant, pour Kyoto!

Ce que vous désirez vraiment, ce n’est pas le contenu du magasin : vous désirez la boutique et le boutiquier, et les rues de magasins, la ville tout entière, la baie et les montagnes qui la ceinturent, l’ensorcellement blanc du Fuji surplombant le tout dans un ciel sans nuages - le japon tout entier, en vérité, avec ses arbres magiques et son atmosphère lumineuse, avec toutes ses îles, ses villes, ses temples...
Lafcadio Hearn

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