Le Prince Minamoto no Tōru (822-895) s’était fait construire, comme de nombreux aristocrates de l’époque Heian, une somptueuse propriété dans la région d’Uji, au sud de Kyoto, dont j’ai déjà parlé ici. En 998 l’Uji no In était aux mains du puissant Fujiwara no Michinaga qui y organisait des rencontres littéraires. En 1027, son fils Yorimichi en hérita. En 1052 celui-ci le transforma en temple bouddhiste. Le désormais appelé Byōdō-in, vit la plupart de ses bâtiments détruits pendant la guerre civile de 1336. Aux longs siècles de déclin, seul le merveilleux Pavillon du Phoenix et son imposante statue d’Amida (ici), que l’on visite au compte-gouttes et en pantoufles, a survécu.En 968, Michitsuna no Haha passe dans les parages. Elle raconte ce qu’elle y voit dans ses Mémoires d’une Ephémère:
We reached the Uji estate by about noon. It was very quiet, and the surface of the river sparkled pleasantly through the trees. I raised the carriage blinds for a full view of the river. The fish traps stretched away into the distance, and small boats dotted the surface. My men, tired from the long walk, had found some odd-looking limes and pears and were eating them happily. It was most touching. After lunch the carriage was loaded onto a ferry, and we crossed over and continued on, past Nieno Pond, across the Izumi river. The waterfowl moved me strangely.
Quand je lis son témoignage, j’imagine Minamoto no Torū observant de l’autre rive cette grande dame pique-niquant derrière ses paravents et ses voiles, au milieu de ses serviteurs, avant de s’embarquer sur un bac. En 1046, c’est au tour de Lady Sarashina de vouloir traverser le fleuve. Elle fait référence au Dit du Genji, écrit moins de cinquante ans plus tôt :
...and finally reached the ferry at Uji. Here too there were great crowds. Seeing how many passengers wanted to cross, the boatmen had assumed a haughty air refusing to hurry up with the ferry. We waited for ages but nothing happened, and so I had a good look at the surroundings. It was here, I remembered, that the princesses in lady Murasaki’s Tale had lived. When reading the book, I had wondered why Captain Kaoru should have chosen this particular place to install his mistress; now I saw what a beautiful spot it was. Au musée consacré au Genji Monogatari, j’avais du mal à m’arracher de devant la vidéo montrant les transformations d’Uji à travers les âges : comme la Félicité du conte de Flaubert, qui cherchait le visage de son neveu Victor sur une carte de Cuba, moi c’est Fujiwara no Michinaga que j’aurais voulu voir se promener dans son jardin ! Mais en déjeunant dans la rue qui mène au temple – et qui devait faire partie de sa propriété autrefois - rue jalonnée de magasins vendant le célèbre thé vert pour lequel la région est célèbre et dont on peut humer le piquant parfum dans l’air, je me considérais un peu comme son invitée !
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