lundi 23 mars 2009

Par-dessus mon épaule

C'est avec Kyôto que je me sens, et de loin, le plus d’affinités. Ma pensée s'envole constamment vers l'ancienne capitale. Quand, venant de l'agitation de Tôkyô, on descend du train, la première chose que l'on éprouve, c'est une impression de soulagement. Tout ce qu'on veut acheter, voir ou manger se trouvant rassemblé, depuis la Kawara-machi, dans les parages de la quatrième rue, il est extrêmement facile d'y trouver tout ce qu'on cherche, et c'est bien agréable. Plus j'y réfléchis, plus je m'assure qu'il n'est pas d'endroit aussi plaisant que cette ville. Notre Kyôto où les tremblements de terre, les incendies sont rares et qui a eu la chance d'échapper aux dévastations de la guerre, cette belle cité qui, pour peu qu'on ne l'enlaidisse pas d'ajouts superflus, ne se laisse pas dépouiller aisément des beautés qui la parent depuis l'époque Heian, exige qu'on lui multiplie les marques du plus vif attachement.
Jun'inchiro Tanizaki
Qu’il doit être beau le Chemin de la Philosophie, maintenant que les cerisiers sont en fleurs ! Si je me souviens bien de ma promenade sur les lieux, c’est grâce à mes visites dans les temples qu’il longe. Encore aujourd’hui je me souviens par coeur des noms de ceux que j’ai visités : le Ginkaku-ji, l’Honen-in, l’Otoyo-jinja, l’Eikando Zenrin-ji et le Nanzen-ji.
L’Eikando Zenrin-ji, sur les pentes du mont Daimonji, se trouvait au bout de ma balade. C’est là que l’on trouve une petite statue dorée, la Mikaeri no Amida, représentant Bouddha dans une pose inhabituelle : il regarde par dessus son épaule. Une légende lui est attachée : on dit que le 15 février 1082 à l’aube, Eikan priait devant une statue de Amida quand soudain celle-ci descendit de son piédestal et se mit à marcher lui enjoignant de le suivre. Comme Eikan, éberlué, - on ne le serait à moins ! - ne bougeait pas, Amida a tourné la tête et lui a dit doucement : « Eikan ! suis-moi ! » Et puis, un peu plus loin, au détour d’un sentier, on tombe nez à nez avec le Nanzen-ji. Ce souvenir baigne dans le parfum grisant des pins. Et en effet, il y en avait à perte de vue. Cet endroit, où tout me semble être de couleur de terre, a réveillé des souvenirs du Maroc, de pique-niques le dimanche à la campagne parmi les pins et la bruyère de Camp Bouleau et Tit Melil. La porte d’entrée du Nanzen-ji (Sanmon) est gigantesque. Elle est dédiée aux âmes des soldats tombés au siège du château d’Osaka en 1615, la dernière bataille établissant définitivement la mainmise des Tokugawa sur le Japon. Oui, comme ça doit être magique de flâner à Higashiyama en pleine saison des cerisiers en fleurs !

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