vendredi 13 mars 2009

Les vertus médicinales des pins du Mont Arashi

Oki décida de se rendre sur le mont Arashi. De la voiture, il vit que certaines montagnes qui s’étendaient au nord et à l’ouest étaient baignées de soleil, tandis que d’autres étaient envahies d’ombre et que quelque chose dans leurs silhouettes arrondies laissait transparaître le froid des hivers de Kyôto. Devant Oki se dressait, dans le plus profond silence, le mont Arashi dans sa vérité. A ses pieds, la rivière formait une nappe verte et limpide. Au loin résonnait le bruit de troncs de bois que l’on chargeait, des radeaux qui les amenaient sur la rivière, dans des camions.
Tristesse et Beauté de Yasunari Kawabata
Serait-ce ma toux, qui sent un peu le sapin, qui me fait penser ce matin aux pins géants du mont Arashi (Arashiyama), à l’ouest de Kyoto ? Pour les observer et noter leur gigantisme, il m’a fallu prendre, à la gare de Kyoto, un train de la ligne Sagano et descendre à la gare de Saga-Arashiyama. Puis monter à bord du Torokko, appelé aussi, pour une raison qui m’échappe, le Romantic train.

Dès qu’un voyageur pénétrait dans le hall de la gare où patientait ce cousin des tortillards de l’époque victorienne, il sursautait : un énorme Père Noël, ficelé dans des guirlandes qui s’étaient mises à clignoter furieusement, avait détecté sa présence. Sur quelques mesures de Jingle Bells, il lançait un tonitruant « Merry Christmas ! » Partagée entre le fou rire et l’agacement, j’observais à la fois le mouvement de recul des nouveaux venus et les employés imperturbables qui devaient supporter cet automate de malheur à longueur de journée !
En attendant que le chef de gare nous invite à bord du train, j’en ai profité pour tourner les premières pages d’A la recherche du temps perdu que je trimballais avec moi depuis une semaine... Dans ce magnifique cadre montagneux, sous ce ciel gris, lire « ... comme ceux qui partent en voyage pour voir de leurs yeux une cité désirée et s’imaginent qu’on peut goûter dans une réalité le charme du songe » m’a soudain parlé. Je ne lâcherais plus le livre de mon séjour.

Je ne sais pas combien de pages j’ai pu lire avant de commencer mon périple ferroviaire à travers l’Arashiyama. Il faisait très froid dans ce train, et c’est peut-être parce que nous n’étions qu’une poignée de voyageurs qui, pour se réchauffer, s’étaient blottis les uns contre les autres dans un seul wagon, que ce train est affublé de l’adjectif romantique ?Il circule dans la montagne, traverse à grand fracas de multiples tunnels. En contrebas on peut observer la rivière Oi, et partout d’immenses arbres dont des pins impressionnants. J’ai pensé au Hans Castorp de la Montagne Magique de Thomas Mann.Un commentaire audio casse-pieds évoquait cerisiers en fleurs du printemps et les pique-niques au bord de l’eau de l’été, moi je pensais surtout thé chaud et couvertures de laine.
C’était cocasse de voir ces espiègles tanukis nous faire signe au passage. Un peu plus loin, pour amuser les passagers, on avait même disposé au bord des rails une grande cage avec deux « monstres », genre yétis, qui qui faisaient mine de vouloir nous faire goûter de leurs griffes acérées. C’était drôle !Ce ne sont que quelques souvenirs qui commencent à se dissoudre dans ma mémoire, mais pour la toux, pour un rhume carabiné, je ne connais de meilleurs baume que l’évocation de ces pins de l’Arashiyama!

Aucun commentaire: