Le Nijo-jo est un magnifique palais de Kyoto. Il date de 1603. C’est le Shogun Tokugawa Ieyasu qui en a ordonné la construction.
Il vivait à Edo et quand il venait à Kyoto, il y résidait. Pendant 15 générations il servira de résidence officielle aux Shoguns Tokugawa. 
Sa magnificence ne laissait aucun doute sur qui détenait le vrai pouvoir au Japon.
Les hauts murs du Nijo-jo contiennent en fait deux palais et leurs jardins : le Ninomaru (le palais original de Ieyasu) et le Honmaru (ajouté en 1626 par Tokugawa Iemitsu). Le Ninomaru est une enfilade de 33 pièces reliées entre elles par le célèbre parquet dit « du rossignol » (uguisu-bari) : les lattes du parquet font cui-cui ou cric-cric grâce à un léger mouvement de bas en haut. Personne ne pouvait ainsi passer inaperçu dans le palais. 
Je repense soudain à ce jeune couple qui mettait un point d’honneur à se prendre en photo à tour de rôle devant chaque arbre, chaque buisson, chaque pierre insolite. L’amour se mesure-t-il donc au nombre de photos? Cette visite était-elle aussi importante que cela pour eux ?
Ça n’a pas raté : ils m’ont demandé de les photographier sur le pont qui mène au palais Honmaru. Ça m’angoisse toujours qu’on me demande de prendre une photo, surtout quand la demande provient de photographes compulsifs. J’ai peur de décevoir et de rater l’unique photo importante à mes yeux, celle d’un couple enlacé, seule preuve qu’ils ont visité ces lieux ensemble...
Les pièces du Ninomaru sont richement décorées par les peintres de la célèbre école Kano. Dans la pénombre on distingue toute une faune (tigres, aigles, hérons, oies) et une flore (pins, roseaux) peinte sur des panneaux de bois dorés.
Quand je suis arrivée aux abords de l’Ohiroma Ichi-no-ma (première grande salle), j’ai sursauté : on y a reproduit la scène d’octobre 1867 où le Shogun Tokugawa Yoshinobu annonce aux daimyos rassemblés que le pouvoir va être rendu à l’Empereur. On les a représentés grandeur nature, et on a l’impression qu’ils vont se mettre à bouger ! Après tant de pièces vides, ça surprend !
Mais moi je préfère les pièces vides car je n’ai pas besoin de grand chose pour imaginer Ieyasu prenant son petit-déjeuner dans son « logis » (Shiro-shoin) alors qu’on polit son épée favorite dans la pièce à côté ! Le seul problème c’est que j’imagine tous les Shoguns sous les traits de l’acteur Toshiro Mifune !
C’était ma première douce après-midi à Kyoto, qui « donnait le la » à toutes les autres.
J’ai pensé cette semaine au palais Nijo après ma rencontre, à mon corps défendant, avec quelqu’un de très imbu de lui-même. Tellement que ça aurait dû me faire rire au lieu de m’abattre comme ça l'a fait. Ah, si seulement mon cerveau avait été équipé d’un beau parquet rossignol, j’aurais au moins pu le voir venir, m'en protéger et me défendre surtout!
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