mardi 24 mars 2009

Téléportation

Je suis à Kyōto
Mais au chant du coucou
Rêvant de Kyōto.

Bashō
Se souvenir de moments heureux est à double tranchant.Prenez cette visite au Kiyomizu à Kyoto par exemple. Je m’en souviens comme si c’était hier. Je n’ai point besoin de fermer les yeux pour revoir la rue qui y mène, ses commerces, les bonnes odeurs de gâteaux que l’on prépare sur le pas des boutiques, et cette pagode, comme un phare à l’horizon.Le soleil menace de se coucher à tout moment et il fallait se dépêcher si on voulait le voir darder ses plus beaux rayons de la célèbre plate-forme du temple.Alors, c’est un peu bête et injuste, on ne jette qu’un coup d’oeil aux autres pavillons : celui-ci semble, de loin, abriter de minuscules Père Noël..... mais l’esprit de Noël nous joue des tours, ce sont en fait des statuettes de Jizo.
Nous voilà face au soleil, c’est beau, c’est émouvant, on a un sentiment d’éternité. Les flashs crépitent. Nous retrouvons nos instincts primitifs : et si nous venions de voir le dernier soleil se coucher ?Mais un peu follement on se dit qu’on s’en moque parce qu’on a assisté à ce rituel à Kyoto et que tout peut nous arriver maintenant, et vivre le reste de notre vie dans la lumière électrique ne nous effraie pas!Je me souviens précisément de tout cela... du chemin qui descend la colline, de la fraîcheur du soir, et même de ce que disait un couple de Français sur leurs enfants qu'ils devaient retrouver à Tokyo le lendemain. Avoir une excellente mémoire, c’est bien, mais déchirant. J’aimerais être là-bas tout entière, corps et âme, et pas seulement par la pensée. Dire qu’il me faut encore attendre huit mois !
Je ne savais plus vraiment où j’étais en quittant l’enceinte du Kiyomizu. J’ai suivi une petite ruelle à l’aveuglette pour tomber sur une boutique qui vendait de très jolies boucles d’oreille... Même déboussolée, je ne perds pas le Nord !Dans ce monde, si l’homme n’existait pas, une ville comme Kyôto n’existerait pas non plus, et il n’y aurait que des forêts sauvages et des champs d’herbes folles. Et ici, ce serait le domaine des sangliers ou des cerfs, non ?
Kyôto de Kawabata Yasunari

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