Ce jour-là, sans doute dopée par l’exquise crème aux haricots rouges que j’avais savourée en face du Tenryu-ji, ainsi que par ma longue randonnée dans la région de l’Arashiyama, sur ma lancée, je me suis arrêtée au Kôryû-ji, fondé par le prince Shôtoku en 603. Je me souviens très bien du trajet en bus parce que je ne connaissais absolument pas mon chemin, le nom de tous les arrêts se ressemblaient, et il fallait être sur le qui-vive. C’était à la fois un peu stressant et excitant. Je crois aussi que j’en avais un peu marre de perdre mon chemin sans arrêt !Dans l’enceinte du temple, tout au fond, se trouve le Shin-Reihôden, un pavillon où sont entreposés les Trésors du temple. J’avais lu que s’y trouvait une rare statue du Miroku Bosatsu. Bosatsu est le nom que prend un saint qui, au lieu d’aller tout de suite au Nirvana, recule son départ et reste un peu sur terre pour aider l’humanité dans ses souffrances. J’avais lu que le philosophe allemand Karl Jaspers avait écrit, après avoir admiré la statue du Kôryû-ji, qu’il n’avait jamais vu une oeuvre d’art exprimant autant la paix la plus pure.Certains voient une influence chrétienne dans la pose de cette statue, à l’origine recouverte d’or. Elle viendrait de Corée ou bien des artisans coréens, installés dans la région de Kyoto, l’auraient sculptée dans du pin rouge. La disposition des doigts de la main droite serait très symbolique et indiquerait que c’est le Christ et non Bouddha qu’on a voulu représenter.Il faisait gris, il n’y avait pas âme qui vive, et cette tranquillité n’était troublée que par une bande de corbeaux tapageurs qui se poursuivaient dans les arbres, ce qui me comblait.L’intérieur du pavillon aux Trésors est en bois de cerisier et de paulownia. Le Miroku Bosatsu n’est pas tout seul dans cette atmosphère feutrée et parfumée, mais comment ne pas voir que lui ? Un halo de lumière renforce la douceur de ses traits. C’est très poignant parce que face à cette statue d’une magnifique beauté, on languit de connaître la même paix intérieure pour pouvoir sourire aussi sereinement que lui. Je suis sortie encore plus ragaillardie du Kôryû-ji, et moi, contrairement au Miroku Bosatsu, je n’ai pas attendu cinq minutes de plus pour aller au Nirvana : je me suis précipitée, direct, au cinéma !
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