jeudi 29 janvier 2009

Paillettes d’or dans oeil charbon

Certes, visiter le Pavillon d’Or était mon rêve depuis des années. A mesure qu’approchait le temps où j’allais enfin me trouver devant la merveille, je sentais mes hésitations grandir. Quoi qu’il advînt, il fallait que le temple d’Or fût splendide. Je misais donc non pas tant sur sa beauté intrinsèque que sur ma propre aptitude à imaginer cette beauté. Pareil à la lune dans le ciel nocturne, le Pavillon d’Or avait été édifié comme un symbole des temps de ténèbres. Pendant le jour, l’étrange vaisseau jetait l’ancre avec un air d’innocence, se soumettant aux regards curieux de la multitude ; mais, la nuit venue, puisant dans les ténèbres d’alentour une force neuve, il enflait son toit comme une voile et gagnait le large. La beauté était donc quelque chose qui pouvait être touché du doigt, clairement reflété par l’oeil.
Le pavillon d’Or de Yukio Mishima
La première fois que je suis allée à Kyoto, fin août 2005, cette ville n’existait dans mon imaginaire que par le Pavillon d'Or du Kinkaku-ji tel qu’en parle Yukio Mishima dans son roman. Et encore... j’avais lu ce livre au moins 15 ans auparavant, sans rien y comprendre.
C’était un dimanche, il faisait si beau et si chaud, le soleil était si insistant, que plusieurs jours après mon retour à Londres, le hâle acquis ce jour-là subsistait encore sur mon visage. Kyoto avait gardé toutes ses beautés pour elle, ne dévoilant que celles du Pavillon d’Or, dans son écrin de verdure, enchâssé entre ciel et eau.
Malgré son soleil éclatant, Kyoto m’avait parue froide, inhospitalière, hostile. C’est que je ne voyageais pas seule en 2005 et, mis à part cette visite au Pavillon d’Or – c’est un endroit impressionnant, fabuleux dans tous les sens du termes, que l’on s’attende à être émerveillé ou pas, et face à ce bijou on est seul, le silence se fait en soi, on ouvre tout grand les yeux et on fait abstraction du reste - , toute cette visite à Kyoto en 2005 est émaillée d’agacements, d’amertumes, de rages rentrées.
Mais, en décembre 2008, j’ai eu le coup de foudre pour Kyoto, où je vais sûrement passer le plus clair de mon temps à la fin de cette année, et ma visite au Pavillon d’Or, le lendemain de mon arrivée, a été sublimée par ce que j’en avais appris depuis 4 ans, et surtout par la scène suivante, tirée d’un livre que j’adore :

Dans l’espoir d’avoir des nouvelles de la santé de Sa Majesté, je me rendis au Saion-ji. Je me fis annoncer en ces termes : « Je suis une personne qui servait autrefois au palais. Veuillez transmettre au maître de céans que je souhaite le rencontrer, ne serait-ce qu’un bref instant. » Finalement, à la nuit profonde, un serviteur du nom de Haruo apparut, qui reçut ma lettre et me transmis ce message de son maître : « Est-ce la faute des ans ? Je ne suis plus sûr de mes souvenirs. Revenez me rendre visite le jour d’après-demain. » Je fus saisie d’une joie que je ne m’expliquais point moi-même.
Splendeurs et Misères d’une favorite de Dame Nijō
Le Saion-ji est le temple érigé sur leur propriété de Kitayama - le site de l’actuel Pavillon d’Or - par la prestigieuse et puissante famille Fujiwara. Dame Nijō souhaite parler à Sanekane, son ancien amant qu’elle surnomme Aube de neige dans son Journal.

Ce désir de retourner à Kyoto et d’en poursuivre son exploration et celle de ses environs, renaît de ses cendres avec ce billet, comme le Phénix du toit du Pavillon d’Or, capturé dans un envol éternel.

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