J’aime les confidences des photographes sur leur métier. Je me souviens de mon premier appareil photo et surtout de son flash, qu’on devait acheter à part et fixer sur l’appareil. Je l’avais utilisé, peut-être pour la première fois, lors d’une visite du Zoo d’Aïn Sebaa - une ville proche de Casablanca – avec ma classe. J’ai encore les photos de ces pauvres lions de l’Atlas et de quelques malheureux singes dans leurs cages sous un soleil ardent.
En fait, je ne prends vraiment de photos – j’ai envie de prendre des photos, j’éprouve le besoin de prendre des photos – que depuis un an environ.
Les propos de Willy Ronis qui suivent, sont illustrés – ce mot n’est pas juste, loin de moi de souligner de quelconques correspondances entre son art et mon amateurisme - par des photos de la roue qui se trouve sur l’île d’Odaiba dans la baie de Tōkyō. J’ai pris ces photos du bus qui m’amenait à l’aéroport de Narita, le 5 janvier dernier. Il était presque 7h du matin et j’étais submergée par le chagrin du départ. Je m’accrochais à cette roue de toutes mes forces, et il a bien fallu qu’à un moment, mon oeil lâche prise. Ce n’est que quand elle disparaît de mon champ de vision que j’estime que j’ai quitté le Japon et que commence le travail de deuil. J'ai rangé mon matériel le jour où j'ai constaté que je ne pouvais plus gambader dans Paris, grimper sur une caisse pour avoir le meilleur angle de vue ou traverser une rue en courant. Je travaille avec la sensibilité et l'émotion. Jean-Sébastien Bach a constitué pour moi une source constante d'inspiration : il m'a appris la rigueur dans la composition, les fugues et le contrepoint, une forme très châtiée et bien cadrée qui m'impressionne toujours profondément. Ces superpositions de plusieurs mélodies sont d'ailleurs souvent présentes dans mes photos.
Ce sont les peintres flamands qui m'ont donné le sens de la composition. La première fois que j'ai pénétré dans les petits cabinets qui se trouvent de part et d'autre de la galerie des Rubens, au Louvre, j'ai ressenti une émotion profonde. Je me suis senti chez moi : ces scènes ne représentaient pas des gens riches, nobles, laissant leur empreinte dans l'Histoire, mais des scènes de kermesse, de patinage sur des canaux gelés, la petite bourgeoisie, des bistrots, des artisans. Je me sentais en sympathie avec cette population-là. J'ai toujours fait mes photos dans l'instant. Sans mise en scène. J'ai fait de la photo buissonnière toute ma vie. Les plus reproduites sont des clichés que j'ai pris en marchant, au hasard. Certains jours, je rentrais chez moi sans avoir appuyé une seule fois sur le déclencheur. C'était douloureux. J'ai toujours été fasciné par l'aléatoire. Je n'ai jamais travaillé avec le numérique. Certes, c'est plus facile, il n'y a pas le risque de rater l'acmé, le moment de paroxysme, l'instant idéal pour lequel on se retenait et que l'on finissait parfois par manquer. Je pense qu'une image se mérite.
Ce sont les peintres flamands qui m'ont donné le sens de la composition. La première fois que j'ai pénétré dans les petits cabinets qui se trouvent de part et d'autre de la galerie des Rubens, au Louvre, j'ai ressenti une émotion profonde. Je me suis senti chez moi : ces scènes ne représentaient pas des gens riches, nobles, laissant leur empreinte dans l'Histoire, mais des scènes de kermesse, de patinage sur des canaux gelés, la petite bourgeoisie, des bistrots, des artisans. Je me sentais en sympathie avec cette population-là. J'ai toujours fait mes photos dans l'instant. Sans mise en scène. J'ai fait de la photo buissonnière toute ma vie. Les plus reproduites sont des clichés que j'ai pris en marchant, au hasard. Certains jours, je rentrais chez moi sans avoir appuyé une seule fois sur le déclencheur. C'était douloureux. J'ai toujours été fasciné par l'aléatoire. Je n'ai jamais travaillé avec le numérique. Certes, c'est plus facile, il n'y a pas le risque de rater l'acmé, le moment de paroxysme, l'instant idéal pour lequel on se retenait et que l'on finissait parfois par manquer. Je pense qu'une image se mérite.
Willy Ronis à L’Express (11.12.08)
En passant devant la roue d’Odaiba, en lui jetant un ultime coup d’oeil, je me suis demandé si c’était la même que j’avais photographiée à Noël. Je savais bien sûr parfaitement que c’était la même, et cette question que je me posais n’était qu’un moyen qu’avait trouvé mon coeur, lourd de tristesse, de m’empêcher d’éprouver le moindre regret pour les jours passés. Peine perdue, je la trouve encore plus belle au naturel, dépouillée de ses illuminations accroche-l’oeil, dans la lumière rose orangée du lever du jour. Point de regrets: cette pauvre tentative a le mérite de me projeter dans l’avenir, vers le prochain séjour et de sécher mes larmes.
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