Un haut parleur vous indique les ponts sous lesquels vous passez – et ils sont nombreux – ainsi que certains bâtiments importants comme l’endroit où se déroulent les tournois de sumo. Il ne mentionne pas l’emplacement de l’ermitage de Bashō, mais moi j’attends avec impatience d’apercevoir la statue du poète et son bananier. J’ai remarqué cette fois-ci que l’on voyait moins de tentes de SDF sur les rives – non qu’il y en ait moins, mais on a dû les installer ailleurs.
A part l’équipage et moi, il n’y avait pas grand monde à bord, si ce n’est une poignée d’Américains. Juste avant de grimper dans le bateau, l’un d’entre eux montraient des photos à sa petite-amie japonaise : « Woaw, ce sera ma photo sur Facebook » s’est-il soudain exclamé, et de lui expliquer que la veille il était allé dans un bar et qu’il avait bu comme un trou... Entendre le mot Facebook dans cet endroit m’a semblé légèrement sacrilège, dans ce jardin si silencieux - à part pour les croassements intempestifs de gros corbeaux – et si beau, si loin de la « rumeur du monde ». En arrivant à Asakusa il dira encore tout fort : « J’ai faim ! » et j’étais derrière lui quand il a découvert avec extase le Kentucky Fried Chicken en face du lieu où nous avions débarqué. C’est comme ça que je me souviens que nous étions le 24 décembre : les gens sortaient avec d’énormes sacs du KFC, car c’est la tradition (pour certains) de manger du poulet frit le soir de Noël.
Les laissant à leur malbouffe, j’ai continué mon chemin vers le Senso-ji et la Kaminarimon (la porte du Tonnerre).
Postés de part et d’autre de celle-ci, les dieux du Tonnerre et du Vent m’ont lancé un regard furibond : c’est que je n’étais pas assez couverte.
J’ai traversé la Nakamise dori ...
... en jetant un coup d’oeil rapide à ses vendeurs de souvenirs et de friandises : dans une boutique, un masque d’Obama côtoyait un porte-clef Godzilla et des socques en bois.
En passant sous la porte Hozomon, dernier rempart avant le temple lui-même, j’ai vu l’endroit où est caché le trésor du temple (des sutras chinoises rares), mais un regard menaçant m’a dissuadée de m’y aventurer.
J’ai vu la vasque qu’avait admirée Pierre Loti:
Japoneries d’automne (1889)
J’ai tiré un horoscope qui n’était pas très bon : on m’y disait que je serai heureuse dans le futur mais pas à ce moment-là. Faisant la moue, je l’ai noué à un fil en priant pour qu’un joli moine vienne le brûler dare-dare, éloignant de moi la poisse qui collait à mes chaussures – heureusement qu’elles sont plus petites que celle de Bouddha ! Ceci est la preuve que les horoscopes c’est de la blague car comment aurais-je pu avoir le coeur en berne à ce moment-là ? Devant la statue dorée de Kannon, j’ai pensé à Dame Nijō qui avait prié devant elle il y a environ 8 siècles. En quittant le temple par une porte latérale, j’ai été attirée par des cris parvenant de l’antique parc d’attractions d’ Hanayashiki. J’ai continué ma promenade, en pensant au livre autobiographique de Takeshi Kitano, Asakusa Kid, où il raconte ses débuts dans le music hall dans le quartier. Kitano qui est, à ma grande joie, tous les soirs à la télévision dans des émissions les plus diverses – surtout sur des phénomènes étranges - où il dispense de bonnes blagues dont je ne comprends pas le moindre mot. Qu’importe ! Mais cela suffit à me motiver encore plus à persévérer dans le japonais.
On dirait le coeur d’une fleur
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