Ce matin, à l’heure où blanchit la ville, dans un froid de canard – les toits étaient recouverts d’une fine pellicule de gel – je suis montée à bord d’un bus vide qui, comme le chat-bus d’un film de Miyazaki, brûlait tous les arrêts. Je me suis retrouvée au centre ville en quelques minutes.
Les rues étaient quasi désertes. Le temps de m’acheter un café pour me réchauffer dans une gargote qui, en semaine, déborde de clients, me voilà dans le hall de la fac. Surprise : il fourmillait d’étudiants. On y donne des cours de langues le week-end ai-je appris à mes dépends.
Je trouve ma photocopieuse préférée, et moi qui pensais que le samedi je serais tranquille, j’étais dérangée toutes les 5 minutes... J’avais vraiment bien choisi mon jour ! Une heure plus tard, quittant la fac avec la satisfaction du devoir accompli, je m’aperçois que le décor avait totalement changé.
Dans la rue, on installait un écran géant, des baffles gigantesques, des kilomètres de lampions et de lasers multicolores... Des paniers à salade et des ambulances s’étaient garées le long des rues – cela me choque toujours de voir qu’un événement sensé égayer une journée occasionne aussi la venue de policiers et d’infirmiers.
Justement, çà et là, des escadrons d’infirmiers, de policiers et de balayeurs, endossaient leur affreux petit gilet jaune fluo en affûtant seringues, bâtons et balais.
Les rues étaient bien sûr interdites à la circulation – mais pas celle des badauds qui affluaient comme un vol de sauterelles sur les magasins du West End pour dépenser toutes leurs économies. J’imagine les directeurs des grandes enseignes et des plus petites se frotter les mains et se lécher les babines devant l’arrivée de ces clients si motivés !
Résultat des courses, il n’y avait plus de bus. Je me suis donc retrouvée avec mes tonnes de photocopies « Gros Jean comme devant », à devoir descendre tout Oxford street dans le sens inverse des shoppers rapaces, qui commençaient à jouer des coudes dans tous les magasins qui bordent la rue.
J’ai enfin trouvé un bus qui m’a ramenée chez moi, dans mon quartier calme. Pendant toute cette épopée, je me suis efforcée de garder mon calme.
En fait, j’aime bien cette saison, j’aime bien l’idée qu’il y ait des gens qui vont passer leur samedi à faire flamber leur carte de crédit, qui vont aller de magasin en magasin comme des abeilles, et acheter des cadeaux pour auntie Daisy et uncle Basil.
J’ai vu un groupe de copines qui sortaient d’un des premiers magasins de la rue, les bras déjà chargés de paquets. Elles avaient l’air de bien s’amuser. Elles finiront leur périple à Marble Arch au bout de l’après-midi, satisfaites de leur
Christmas Shopping. Je les enviais quelque part – je ne sais pas qui je pourrais convaincre de faire ce chemin de croix avec moi ! Je me suis imaginée me joignant à elles... quel boulet je serais ! Elles auraient tôt fait de me fausser compagnie.
J’ai pris mon bus adoré près du musée vénéré. Il paraissait abandonné sous ce ciel plombé...
Comme tous les musées d’aujourd’hui, il regorge de produits dérivés, on peut y trouver de quoi remplir tous les « petits souliers », ce sont ses étagères que j’aimerais mettre sans dessus dessous, non celles de H&M à la recherche d’une exclusivité Lanvin! Mais les week-ends avant Noël, il faudrait que les momies se mettent à danser le French cancan pour qu’on vienne se les farcir !
(Les photos de ce billet ont été prises dans une des musées les plus fantasques : le Pitt Rivers Museum d’Oxford)