mercredi 1 octobre 2008

Sacre Charlemagne!

Ces deux derniers jours j’ai dû écouter patiemment et sans broncher, la logorrhée verbale de deux rouleaux compresseurs. Du premier, ma voisine de gauche boit et note les moindres paroles : c’en était stupéfiant. Impossible de m’évader par la pensée ou de gribouiller. Il parle fort, sans reprendre son souffle, et nous sommes peu, les uns sur les autres dans cette petite pièce-débarras où règne un désordre digne de Gaston Lagaffe. Les étagères poussiéreuses croulent sous des livres jaunis, des cartons remplis à rabord ont été entreposés çà et là, des piles de papiers manquent de s’écrouler sur les deux bureaux qui me font face. Au coin de la fenêtre, le maître des lieux a remisé, sûrement pour en recycler le plastique, tous les pots de gâteaux qu’il a grignotés en secret ces derniers mois. Une collection impressionnante ! Sur l’écran de garde de son ordinateur, dans son dos, défilent les images de ses voyages : passent en boucle un émeu, une autruche, un singe, des oiseaux bariolés, des fleurs exotiques et carnivores, des chats alanguis, des vallées encaissées, des ruelles mexicaines, des scènes de restaurant. Je ne sais de lui que ce que je soupçonne. En janvier dernier, m’expliquant son plan compliqué et révolutionnaire, il m’avait dit fièrement: "je l’ai écrit sur un coin de nappe après une soirée arrosée." Là, en distribuant d’obscurs documents il précise, l’air de ne pas y toucher: "j’ai fait ça rapidement dans le train ce matin." Et dans la conversation il glisse sur le ton de la fausse modestie : « je ne veux pas souffler dans ma propre trompette » ce qui signifie « je ne veux pas chanter mes propres louanges mais... » et de citer le nom de la prestigieuse université où il a fait ses classes. Il fait, avec une facilité déconcertante semble-t-il, des choses hors de la portée du commun des mortels.
Le lendemain, pendant que le deuxième rouleau compresseur s’acharnait sur mon pauvre cerveau dans une salle aussi encombrée que celle de la veille, je n’ai pas pu m’évader non plus car nous étions en tête à tête, les yeux dans les yeux. Malgré tout, j’ai pensé au jour où Louis XIII avait été le témoin d’une terrible dispute entre sa mère, Marie de Médicis et Richelieu, qu’elle abhorrait. La Reine mère vociférait, lançait tous les noms d’oiseaux qu’elle connaissait en français et en italien à la tête de l’influent cardinal amoureux des chats. Louis XIII en avait été si choqué qu’il exila sa mère dans les jours qui suivirent. Dans sa biographie de Louis XIII, Jean-Christian Petitfils parle des échanges de regard entre Louis XIII et un autre témoin de la scène, bouche bée lui aussi devant un tel spectacle, cruel et vulgaire. Je crois que si Louis XIII avait été présent à ma réunion, il aurait fait donner les mousquetaires contre mon interlocuteur !
Enfin, je reprends le collier aujourd’hui, 3h de cours. Mais je surmonte mon trac car dans le bureau près de ma salle trône une de mes plus chouettes amies. Donc ce sera une promenade de santé avant 5 jours sans marteau piqueur humain dans les oreilles, mais du Debussy et du Satie.

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