dimanche 19 octobre 2008

Les plages d’Agnès (C.)

Hier, il faisait un temps superbe. Avant d’aller voir Les Plages d’Agnès d’Agnès Varda au 52e London Film Festival, j’ai bien fait de me balader du côté de la cathédrale Saint Paul et de la Tate Modern. Il y a derrière la cathédrale – son célèbre dôme albâtre la surplombe - une magnifique place bordée de bâtiments modernes et anciens. On se croirait à Venise, à Florence ou dans un tableau de Chirico. Il n’y avait pas un chat. On passait ses dalles au jet d’eau. Les cafés et les restaurants se préparaient à l’assaut des clients du week-end, bien différents de ceux qui doivent s’y attabler en semaine : la City est à deux pas. Je ne me lassais pas de la regarder, d’imaginer de futurs rendez-vous dans un des nombreux cafés qui la bordent, tant et si bien que j’ai oublié de la photographier. Mais je crois qu’elle était trop parfaite, trop proportionnée, bref, trop classiquement belle pour mes talents et mes goûts photographiques. Mais j’ai aimé traverser sa plage de silence et de clarté.

Sur le Millenium Bridge, dont l’architecture reptilienne se reflètait sur l’eau grise, et au risque de le faire dangereusement vaciller, une foule se pressait vers l’expo Rothko ou continuait son chemin vers la promenade qui longe la Tamise. Ce pont me donne toujours la nostalgie du Rainbow Bridge à Tokyo.

Certains solitaires se promenaient sur la grève. Ils fouillaient parmi les cailloux et les débris que le fleuve avait rejetés. On se penchait pour les observer en y allant de nos commentaires perplexes ou amusés.

Au fur et à mesure que je marchais, je repensais aux belles plages marocaines ou espagnoles de mon enfance, et à celles futures de Kamakura et d'Enoshima.

Malheureusement on ne trouve ni sable blond ni parasols au pied du Waterloo Bridge, mais les cailloux et l'eau y dessinent parfois d’intéressants tableaux éphémères. On croirait voir le delta du Nil ou les lignes d’une main. Il suffit d'un peu d'imagination...

Agnès Varda, en arrivant sur la scène du NFT pour présenter son merveilleux film, a dit qu’elle se prenait pour un fantôme et que peut-être elle n’était pas là devant nous. En se basant sur cette photo – celle qu’il ne fallait pas rater ! - elle ne croyait pas si bien dire ! Elle ajoute même dans Les Plages d’Agnès qu’elle aime le flou et les reflets. Ça me met du baume au coeur.

Mais non, la photo ci-dessus n’est pas râtée, c’est seulement que je suis influencée par l’expo Rothko à la Tate Modern ! Le film est un autoportrait magnifique: tendre, inventif, fantasque... Il nous maintient sans cesse entre les rires et les larmes. L’installation aux miroirs sur la plage est géniale. C’est un film d’amour et Agnès V. sait bien aimer les gens qu’elle aime. Mais sur la scène elle semblait agacée, impatiente, un peu trop sèche. En écoutant d’une oreille distraite les questions alambiquées, elle songeait peut-être : « Mon film est si clair et léger, pourquoi dois-je m’en expliquer, il devrait suffire ! » En quittant la salle nous l’avons croisée. « Elle est minuscule » ai-je fait remarquer avant de m’apercevoir que nous avions la même taille...

Dehors le soir tombait. On venait d’entendre le prénom d’Agnès si souvent, prononcé avec tant de respect et d’amour, que cela avait déteint sur moi. Je découvrais ses sonorités et qu’il forçait ceux qui le prononçaient à une drôle de gymnastique.

J'aime les berges de la Tamise à la nuit tombée.


Mais j’aurais bien troqué ce panorama pour celui d’Odaiba et de la baie de Tokyo.

Le South Bank Centre en profite enfin pour cacher ses bâtiments déprimants et sévères. Dans le bus du retour j’ai repensé à la phrase de Jacques Demy dans le film : « Je veux faire des films calmes... des films sur le bonheur ». Comme celui de ma journée en quelque sorte!

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