vendredi 19 novembre 2010

Histoires d'O(vide), d'os et d'eaux

Au Grand Palais j’ai vu le manuscrit des Héroïdes d’Ovide enluminé par Jean Pichore au XVIe siècle. J’ai acheté la carte représentant Ariane écrivant une lettre à Thésée. J’ai lu ensuite cette lettre et je me suis aperçu que le peintre avait suivi « à la lettre » le récit d’Ovide. Il a fait tenir dans une seule petite image toute la lettre d'Ariane! C’est la première fois que cela me frappe autant. Ariane ne se doute pas que bientôt Dionysos fera d’elle son « épouse florissante »... et aujourd’hui je vais aller voir le tableau du Titien à la National Gallery illustrant la suite de l’histoire. Dans ces peintures j’aime regarder le bateau de Thésée qui s’éloigne... parce que je sais que Dionysos va arriver !En écoutant S. lire le poème Une Martyre de Baudelaire, deux vers m’ont frappée : Ton époux court le monde, et ta forme immortelle/Veille près de lui quand il dort. Ce sont des vers très mystérieux. Ils font vibrer en moi une corde sensible.
A chaque fois que le bus 63 s’arrêtait boulevard Saint-Germain en face de l’appartement où est mort Guillaume Apollinaire, j’essayais de déchiffrer la grande plaque en grès sur la façade. La dernière fois, j’ai remarqué près de moi un Italien qui regardait dans la même direction. Il s’est retourné vers ses amis et leur a montré l’immeuble du doigt. « Ecoutons comment il va leur dire en italien que c’est là qu’est mort le poète » me suis-je dit le coeur battant. Il a prononcé avec difficulté « Le Bizut »... le nom du café au rez-de-chaussée. J’ai alors réalisé que nous étions le 13 novembre, le jour de l’enterrement d’Apollinaire, en 1918. Ça m’a rendue triste.
Encore une histoire de cimetière : je me suis emmêlé les pinceaux au niveau des bus et j’ai dû descendre, boulevard Haussmann, à l’arrêt en face de la Chapelle expiatoire. Je ne l’avais jamais vue. Elle a été construite sur l’emplacement de l’ancien cimetière de la Madeleine où les corps de Louis XVI et Marie-Antoinette ont été enterrés à la Révolution. Quel endroit lugubre ! Charlotte Corday, Jeanne du Barry et surtout Olympe de Gouges ont aussi « atterri » dans cet endroit. Rien n’évoque leur souvenir, dommage! Au Musée Maillol, j’ai admiré le manteau de plumes d’ibis rouge d'un chef indien du Brésil que Cosme Ier de Médicis conservait jalousement dans son studiolo, une petite pièce dérobée du Palazzo Vecchio, contiguë à sa chambre, un « bel écrin de choses rares et précieuses par la valeur et la facture ». J’ai toujours aimé cette idée de conserver dans un petit espace les choses les plus précieuses que je possède, et c’est sûrement pour cela que j’aime les petits petits appartements. Quand je suis chez moi, j'aime pouvoir jeter un regard circulaire sur tout ce qui m'apporte le plus de plaisir. Ça m’apprendra à fureter partout ou comme on dit ici Curiosity killed the cat : au Musée Maillol, à force d’observer le magnifique reliquaire en argent de St Casimir, je me suis aperçu que, contrairement aux autres objets d’orfèvrerie de son espèce, celui-ci contenait encore une sainte relique... C’est ainsi que malgré moi j’ai vu le fémur noirci de ce saint homme auquel j’ai tout de même, réprimant un certain dégoût, lancé une petite prière. J’ai moins eu mal aux pieds cette fois-ci... ceci explique peut-être cela !Quand je suis sortie de la maison de N. pour aller à la gare de Winchester, juste avant de m’asseoir dans sa voiture, j’ai humé l’air de la campagne, l’odeur de la forêt ténébreuse. Il faisait nuit noire et les routes de campagne ne sont pas éclairées. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai repensé à l’Espagne en été, quand on sortait le soir et qu’on longeait des plages plongées dans le noir. On ne percevait que le bruit des vagues sur les galets, et les parfums de la Méditerranée. La lune dardait des rayons d'argent comme elle le fait souvent dans les poèmes du Cante Jondo de Federico García Lorca, comme si elle tentait de transpercer cette eau noire avec une lame. J’avais lu un article décrivant combien la nuit était noire avant l’invention de l’électricité et que l’homme moderne ne peut concevoir ce noir profond. Ce n’était qu’une pensée fugace en refermant la portière. Suivie de celle-ci : je n’avais plus envie de rentrer à Londres.

6 commentaires:

Marie a dit…

Ah mais c'est drôle, j'ai déjà croisé une relique de Saint-Casimir ces derniers mois. Oui mais où ?

Marie a dit…

A Trêves. Le temps que ça me revienne. Bon, je m'en souviens parce que parfois, l'Amoureux m'appelle "son Casimir" (j'ai beaucoup de surnoms, très évolutifs... mais qui reviennent toujours). Belle journée !

Marie a dit…

En fait, non, c'est au Musée des Office à Florence. Pauvre Saint-Casimir...

Marie a dit…

Pas que ça soit la mort (uh uh) d'être exposé à la Galerie des Offices mais bien d'être éparpillé dans le monde... Et j'arrête de m'étendre dans tes commentaires. Bonne journée !

Agnes a dit…

Nous avons vu la meme relique. Le reliquaire appartenait aux Medicis et au Musee Maillol c'etait l'expo sur les tresors des Medicis... le reliquaire venait du Musee des Offices de Florence!

Marie a dit…

Ouf, me voilà rassurée sur l'état d'éparpillement de Casimir ! Hi hi ;-)