vendredi 9 octobre 2009

« Titien, voilà la couleur vraie, voilà la nature sans exagération, sans éclat forcé ! c'est juste. » (Ingres)

Regarder la peinture de Titien, c'est devoir songer à une lettre de Pietro Aretino – l'Arétin – qui regarde la nuit tomber sur Venise. « Vers certains côtés apparaissait un vert-bleu, vers d'autres un bleu-vert, des tons vraiment composés par un caprice de la nature, maîtresse des maîtres. À l'aide des clairs et des obscurs, elle donnait de la profondeur ou du relief à ce qu'elle voulait faire avancer ou reculer; et moi qui connais votre pinceau comme son inspirateur, je m'exclamai trois ou quatre fois : Ô Titien, où êtes-vous donc ? »

Pascal Bonafoux (ici)

Qu’est-ce qui fait que l’on aime tel peintre plutôt qu’un autre ou un tableau plutôt qu’un autre ? Au Louvre, à chaque fois que j’aimais un tableau (c’est-à-dire quand mon oeil – et tout mon être - devenait actif devant une oeuvre), c’était Titien qui l’avait peint. Ce n’est pas pour ses thèmes, car le Tintoret et Véronèse abordent les mêmes – ce qui est justement l’objet de l’exposition au Louvre en ce moment. C’est donc pour sa façon de les peindre. Je ne sais pas comment parler de sa peinture, et lire sur elle m’éloigne de ce qui me touche devant une oeuvre de ce peintre. Devant un tableau de Titien, je ne sais pas où poser mon regard, j’ai du mal à distinguer les contours, je vais d’une forme à l’autre, je tisse des liens entre elles, je plisse les yeux, je cherche je ne sais quoi, je me pose des questions, rien ne m’est donné. C’est une expérience globale qui ne dure que quelques secondes parfois. Quel est le « fil qui relie [ces] perles », ce « quelque chose comme une image complexe dans un tapis persan » dont parle Henry James dans son inquiétante nouvelle et qui s’adresse à moi ?

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