En allant voir Air Doll de Hirokazu Kore-eda, j’écoutais une émission de France Culture sur l’amour, dans laquelle parlait Pascal Bruckner. Il a raconté qu’un de ses amis, à chaque rupture, était le soir-même sur internet pour chercher la remplaçante de celle qui venait de le quitter et que ce refus de souffrir est caractéristique de notre époque. Je ne savais pas alors que le mot « remplaçant » et tous ses synonymes (troc, substitution...) allaient être la clé du dernier film de mon cinéaste japonais préféré.
A première vue elle pourrait sembler farfelue cette histoire de poupée gonflable qui, ayant « trouvé un coeur » (est-elle amoureuse? est-elle vraiment vivante? va-t-elle, par son sacrifice, sauver un coeur en détresse?), se retrouve avec la peau d’un être humain. Elle croise, tout au long du film, d’authentiques humains qui se sentent vides et inutiles. Ils ont tous trouvé un substitut à l’amour qu’ils ont perdu, un ersatz de l’amour perdu, un pis aller et non l’amour tout court. Quand sa métamorphose a lieu, son premier geste est d’ouvrir la fenêtre (quoique remplie d'air elle en manquait) et son premier mot est « kirei » (joli). Pourtant le spectacle n’est pas joli du tout (même si on voit la Sumida et qu’on est sur la si jolie île de Tsukishima dans la baie de Tokyo). A la fin du film on comprend que ce n’est pas ce qu’on voit de sa fenêtre qui détermine que l’on trouve la vie kirei ou pas mais plutôt la volonté de la trouver jolie.
Dans le film on voit souvent Odaiba, la Sumida, les ruelles de Tsukishima, le Rainbow Bridge et la petite plage devant Decks -le centre commercial d’Odaiba - et le cinéma Mediage. Cerise sur le gâteau : Jo Odaigiri (égal à lui-même) fait une courte apparition. On y voit surtout les immeubles illuminés sur les rives de la Sumida vus de la Yurikamome, le train-navette. J’aime voir, à la nuit tombée, ces petites fenêtres éclairées au loin, et les enseignes multicolores. C’est un spectacle qui m’émeut à chaque fois. Le Japon et Tokyo, si peu présents à mon esprit en ce moment, se sont rappelés à mes bons souvenirs. J’ai cherché les traces de mon attachement dans les images, dans la langue... je me suis demandé si j’y retournerais un jour prochain... En sortant, il faisait frais, et c’est en nouant mon écharpe que je me suis rendue compte que je l’avais achetée à Odaiba.
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