vendredi 24 juillet 2009

Ma Berma à moi

«Tu aimes beaucoup Andromaque et Phèdre?» demanda Saint-Loup à son oncle, sur un ton légèrement dédaigneux. «Il y a plus de vérité dans une tragédie de Racine que dans tous les drames de Monsieur Victor Hugo», répondit M. de Charlus. «C’est tout de même effrayant le monde, me dit Saint-Loup à l’oreille. Préférer Racine à Victor c’est quand même quelque chose d’énorme!» Il était sincèrement attristé des paroles de son oncle, mais le plaisir de dire «quand même» et surtout «énorme» le consolait.

Marcel Proust
Au Lyttelton theatre, le rideau est métallique et il s’ouvre comme l’oeil d’un reptile. Le décor de Phèdre de Racine, avec Helen Mirren dans le rôle titre, se dévoile au fur et à mesure par son milieu. On distingue du jaune et du bleu. La pierre d’un palais, les rayons du soleil, le ciel et la mer, se partagent ces couleurs. Et si l’énorme rocher, qu’un géant semble avoir déposé à cet endroit, peut lui voler la vedette, c’est vers le pan droit de la scène bleu vif, que se portait tous mes regards. Cette terrasse baignée de soleil surplombant la Méditerranée que j’avais imaginée la veille, existait bel et bien à Londres, et ses rayons factices, et son ciel de peinture, me semblaient le digne séjour des dieux. Hippolyte, le superbe ennemi, ressemblait à une gravure de mode, avec treillis, godillots, et marcel noir laissant voir des muscles saillants fort appétissants. Pour un oui ou pour un non il allait s’abreuver à un robinet sur le côté de la scène - il fait si chaud sous les regards ardents de l’Olympe ! - et après que Phèdre lui déclare son amour, il ouvre le robinet à fond et s’asperge à grande eau. C’est dommage car c’est comique. Quand Phèdre s’adresse à lui – La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte ! hurle Helen Mirren, adossée à l’immense rocher dans une scène d’une beauté incroyable - l’insensible Hippolyte se tient immobile, comme un mannequin qui, arrivé au bout d’un podium, se donne en pâture aux regards du public et aux flashs des photographes, poing sur la hanche, dans une pose provocante, avant de repartir dans les coulisses. Et même en le voyant de loin et de profil, j’aurais voulu un instant être la fille de Minos et de Pasiphaé ou mieux, celle qui l’incarnait si magnifiquement sur scène ! Mais je crois que je ferais le désespoir de mon metteur en scène car en déclamant « J’oublie, en le voyant, ce que je viens lui dire », devant le beau Dominic Cooper (l’amant dans le film The Duchess), ce vers-là ne serait pas du théâtre !

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