De son balcon, avec vue plongeante sur la bananeraie et les plantations de canes à sucre, on sentait la présence de la mer là-bas, au delà du Castillo et des petites maisons blanches du pueblo. Je venais chez elle prendre le café, juste avant le départ pour la plage où nous passions de longs après-midi. Je la considérais un peu comme ma grand-mère. Dans un coin de ce balcon, à l’abri des intempéries, il y avait une bibliothèque en bambou, la même que l’on voyait sur tous les balcons alentours. On y trouvait, toujours poussiéreux, toujours jaunis, des romans de gare, d’aéroport ou d’aires d’autoroute. Des livres sans importance – ceux qu’on aimait vraiment, qu’on avait achetés spécialement pour ce séjour, repartaient dans nos valises à la fin des vacances. D’un été sur l’autre nous avions le temps d’oublier leur intrigue, alors ils nous semblaient inédits quand nous les piochions de nouveau sur l’étagère. On se les prêtait, plutôt on se les échangeait, car ils ressemblaient tellement aux nôtres qu’une fois lus, on les rangeait sur nos propres étagères. Leurs propriétaires ne nous les réclamaient jamais. Au bout de quelques années, le stock d’origine s’était renouvelé à notre insu, et nous nous retrouvions avec la bibliothèque de la voisine sur notre balcon.Il y a de cela bien longtemps... Aujourd’hui, des constructions ont grignoté les bananiers et les canes à sucre, et je parie que ce sont à Marc Lévy, Guillaume Musso et Amélie Nothomb qu’Agatha Christie, Heinz Günter Konsalik et Guy Des Cars ont cédé le pas sur ces balcons andalous où je n’irai plus jamais siroter de café. Tant mieux pour la littérature!
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