Il y a deux ans, je passais Noël au Japon. Cette photo, je l’ai prise du Shinkansen, en revenant de Kyoto. J’avais les yeux encore tout étoilés par le Mont Fuji. Quand j’ai vu les rames de la Yamanote, j’ai su que nous arrivions dans ce qui fut la plaine de Musashino, « une province peu recommandable » selon Dame Sarashina (au XIe siècle !). J’y pense beaucoup ces jours-ci. Je commence à avoir du mal à croire que je suis allée au Japon, je me dis que je ne pourrais plus jamais être aussi dégourdie, bref, j’ai peur de m’encroûter. A Tours, quand je suis allée me promener dans le Jardin des Prébendes, je me suis crue au Japon.Je me croyais dans le Parc de Shinjuku. Pour le ciel bleu, les allées bien découpées, les magnifiques arbres et les perspectives soignées. Et la sensation de liberté, d’avoir des milliers de choses à faire et à découvrir.Là, c’est Shinjuku, le vrai. Je me souviens très bien de l’endroit du parc où j’ai pris cette photo. Une petite allée sombre, excentrée, j’étais toute seule... Je ne voudrais pas enjoliver les choses, ni paraître exaltée, mais je crois que je n’ai jamais été aussi heureuse qu’au Japon, parce que je vivais un rêve. Je retrouve cela en allant à Paris, mais pas aussi intensément. Tokyo, c’est une fête ! J’aurais tant voulu que les Prébendes soient le Shinkuku Gyoen ! Il aurait fallu que je sois soudain atteinte d’amnésie, que je décolle de la réalité... Que manquait-il au jardin tourangeau pour que l’illusion soit parfaite? Une lanterne de pierre peut-être ? Mais les corbeaux avaient beau s’époumoner je savais que je n’étais pas au Japon. Depuis mon dernier voyage tant d’autres choses m’ont intéressées que j’ai l’impression que je dois reconstruire le Japon et Tokyo dans mon esprit, pour pouvoir m’imaginer de nouveau là-bas. Tokyo n’existe plus, ou pas encore, et je suis comme Dame Nijo qui découvre la plaine de Musashino...
Musashino donnait une impression d’isolement complet. Devant coulait la rivière Sumida. Les roseaux de la plaine de Musashi ployaient sous la morsure du sel qui les avait desséchés.
Dame Nijō (1289)
2 commentaires:
... et on voit malheureusement ce que les Japonais ont en fait de Musashino.
Reste toutefois la partie-campagne, mise en superbes photos monochromes par Shimada Kinsuke dans les années 1950. La partie-ville, elle est bien plus belle dans l'œuvre d'Okura Shunji qu'à pieds...
J'aurais voulu voir le Japon d'avant l'industrialisation.
Comme je n'ai jamais vu le Japon, je dévore ce billet pour en rêver !
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